Alors que les perturbations sécuritaires se poursuivent à Ras Jedir, les implications ne se limitent pas aux difficultés que les voyageurs, dans les deux sens, subissent. Il y a des conséquences économiques de taille.
L’essentiel des marchandises qui transitent entre les deux pays passe par ce poste frontalier stratégique. Il y a tellement de potentiel à tirer de l’argent, sous toutes les formes, du côté libyen que les milices et les tribus se battent pour avoir son contrôle.
Tunis observe de près et pas seule
Il est clair que la Tunisie regarde avec attention ce qui se passe de l’autre côté des frontières. Les autorités ont mis le dispositif sécuritaire nécessaire pour contrôler les visiteurs durant le fonctionnement normal et pour intervenir en cas de turbulences.
Le chaos, qui semble se renouveler en Libye, n’est pas en faveur d’un retour rapide à la normale. Même si plusieurs tentatives de rouvrir le poste ont eu lieu, les choses ne se sont pas arrangées.
Si les parties n’arrivent pas à se mettre d’accord sur le nom du gouverneur de la Banque centrale, que dire alors d’une porte au milieu du désert. Tandis que les autorités de l’est du pays, là où se trouvent la plupart des gisements pétroliers, ont annoncé leur intention d’arrêter toute production et exportation à cause du différend quant au nom du premier responsable de la Banque centrale. D’ailleurs, plusieurs champs clés sont fermés depuis mercredi 28 août.
Certes, les Américains regardent de près ce qui se passe, comme l’atteste la rencontre entre le puissant maréchal Khalifa Haftar, et le général Michael Langley, chef de l’Africom. L’homme est passé également par Tunis, ce qui montre qu’il y a des efforts pour que la crise libyenne soit résolue le plus rapidement possible. L’Afrique du Nord représente une région clé pour Washington dans la lutte contre le terrorisme et l’instabilité régionale.
Retombées économiques
Outre les soucis sécuritaires, il y a un prix économique que la Tunisie paie. Le proxy capable de nous rapprocher du coût est l’évolution des exportations vers ce pays. Sur le premier semestre 2024, les exportations vers la Libye ont totalisé 1 008,4 MTND contre 1 257,7 MTND sur la même période en 2023, soit une baisse de 19,8 % (249,3 MTND).
Il y a aussi des pertes indirectes, celles supportées par le manque d’afflux de patients dans nos polycliniques et même pour ceux qui pratiquent le business de location de maisons, pour les taxis et les petits business des quartiers résidentiels concernés.
Idem pour les hôtels et les compagnies aériennes qui volent moins vers la direction de l’est, alors qu’il s’agit de lignes rentables et à taux de remplissage supérieur à la moyenne.
Nous sommes donc perdants par rapport à ce qui se passe, mais la ligne diplomatique de la Tunisie est claire : pas d’ingérence dans les affaires internes libyennes. Tunis préfère rester toujours un endroit où tous les Libyens peuvent se rencontrer.
Nous pensons que c’est une bonne approche, mais qu’elle doit être soutenue par des efforts diplomatiques. Nous avons suffisamment de relations et de poids pour exercer une pression sur les acteurs clés afin de les inciter à se réconcilier. Nous avons d’ailleurs tout intérêt à le faire.