Les récentes annonces de la Réserve fédérale américaine (Fed) concernant de potentielles réductions de taux d’intérêt suscitent des débats sur les effets mondiaux de telles politiques.
Cette situation pourrait avoir des répercussions notables sur l’économie tunisienne, étant donné la position de la Tunisie dans l’économie mondiale et son lien avec les marchés internationaux.
Cette contribution analyse ces implications, en se basant sur les récents développements économiques aux États-Unis et leurs possibles répercussions sur la Tunisie.
Les réductions de taux d’intérêt de la Fed, anticipées à partir de septembre 2024, pourraient induire une faiblesse du dollar américain sur les marchés des changes.
Déjà, la paire GBP/USD a dépassé la barre des 1,32, un signe d’affaiblissement du dollar face à d’autres devises majeures. Pour la Tunisie, qui dépend largement des importations libellées en dollars, cette dynamique pourrait se traduire par une légère baisse du coût des importations en termes de dinars tunisiens, notamment pour les matières premières comme le pétrole et le gaz.
Toutefois, la baisse du dollar pourrait également inciter les investisseurs internationaux à chercher des rendements plus élevés ailleurs, provoquant potentiellement des sorties de capitaux des marchés émergents, y compris la Tunisie. Ce phénomène pourrait exercer une pression sur le dinar tunisien, entraînant une dépréciation face aux principales devises. Une telle situation serait défavorable à la balance des paiements de la Tunisie, exacerbant les tensions sur les réserves de devises étrangères du pays.
Par ailleurs, la baisse des taux d’intérêt aux États-Unis pourrait influencer les prix des matières premières mondiales, y compris ceux des produits alimentaires et énergétiques, des composants cruciaux de l’inflation en Tunisie. Une baisse des prix mondiaux des matières premières pourrait atténuer les pressions inflationnistes dans le pays, ce qui serait bénéfique pour le pouvoir d’achat des Tunisiens.
Cependant, il est important de noter que la Tunisie est déjà confrontée à une inflation persistante, due en partie à des facteurs internes tels que les pressions salariales et les défaillances des canaux de distribution. Dans ce contexte, une dépréciation du dinar induite par la faiblesse du dollar pourrait en réalité alimenter l’inflation importée, contrebalançant les éventuels gains liés à la baisse des prix des matières premières.
Enfin, le secteur financier tunisien, déjà en proie à des difficultés de liquidité et à une faible croissance du crédit, pourrait être impacté par une réorientation des flux de capitaux mondiaux. Si la Fed réduit effectivement ses taux, les investisseurs tunisiens pourraient être tentés de placer leurs capitaux à l’étranger, à la recherche de rendements plus sûrs et plus stables. Cette situation pourrait accentuer la fuite des capitaux, un problème récurrent pour la Tunisie, affaiblissant encore davantage le secteur bancaire local.
En parallèle, les banques tunisiennes, qui dépendent souvent de financements extérieurs pour maintenir leur liquidité, pourraient faire face à des coûts d’emprunt plus élevés si les taux internationaux chutent mais que les spreads augmentent pour les pays émergents perçus comme plus risqués.
Les incertitudes entourant l’économie mondiale, exacerbées par les décisions de la Fed, posent des défis considérables pour la Tunisie. Les baisses de taux d’intérêt aux États-Unis pourraient offrir un répit temporaire en réduisant le coût des importations et en facilitant un accès plus abordable aux financements internationaux. Cependant, les risques de sortie de capitaux, de dépréciation du dinar, et d’inflation importée demeurent des menaces sérieuses.
D’un point de vue social, ces développements pourraient accentuer les tensions déjà existantes en Tunisie, où les augmentations salariales récentes, telles que la hausse de 5 % du SMIG en juillet 2024, n’ont pas suffi à compenser la perte du pouvoir d’achat due à l’inflation persistante. Les autorités tunisiennes devront naviguer avec prudence dans ce contexte pour éviter d’aggraver la situation économique et sociale.
En définitive, les réductions de taux de la Fed, tout en étant potentiellement bénéfiques pour la stabilisation de l’économie mondiale, posent des défis particuliers pour la Tunisie. Il est essentiel que les décideurs politiques tunisiens suivent de près les développements mondiaux et adoptent des mesures appropriées pour atténuer les effets négatifs sur l’économie nationale.
La situation actuelle appelle à une vigilance accrue et à une approche proactive pour garantir la stabilité économique et sociale du pays.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)