On l’attendait tous, certains avec impatience, d’autres dans l’indifférence. Le remaniement ministériel vient d’avoir lieu. A moins de six semaines des élections, certaines mauvaises langues diront que ce n’est là qu’une manœuvre électorale, sauf qu’ils n’en savent rien. Ce n’est qu’un détail. Ce qu’il fallait dire, comme précisé par le Président de la République, c’est que la sécurité nationale passe avant toute autre considération. La preuve en est, et ce n’est pas un détail, lorsque l’intérêt supérieur de la Nation le nécessitait, on n’a pas hésité à limoger la ministre de l’Education, Saloua Abassi, qui n’aura tenu à la tête du ministère que quatre mois et 25 jours. Un record qui n’est égalé que par un certain Walid Zidi, ministre de la Culture au gouvernement Fakhfakh, qui n’a tenu qu’un mois pour avoir tenu tête et refuser d’appliquer des décisions gouvernementales. Sauf que c’était un autre monde.
Mais bon, on ne va pas s’arrêter sur des petits détails, tout bien considérés, assez futiles. Et puis, après tout, les élections ne sont qu’un rendez-vous parmi d’autres. Il n’y avait pas de quoi en faire tout un plat. L’essentiel est qu’il fallait, coûte que coûte, remplacer ces responsables qui ont cru pouvoir exercer leurs fonctions de la même façon que celle d’avant l’adoption de la nouvelle Constitution, provoquant ainsi la discorde au sein des institutions de l’État. Ils ne savaient pas que la fonction exécutive est exercée par le Président de la République et que les ministres devaient l’appuyer et ne pas opter pour des mesures en dehors des choix fixés par le locataire de Carthage. A leurs dépens, mais maintenant, ils le savent. Ils savent que désormais, le peuple tunisien a fait preuve d’une maturité permettant de mettre en échec tout complot.
Pas moins que ça, même si, quelque part, le citoyen lambda, touché par une inflation galopante et une pénurie persistante, ne semble tenir aucun compte des remaniements et des états d’âme des uns et des autres. Le réel, c’est que le tout un chacun n’attend plus grand-chose de l’exécutif si ce n’est du sucre ou du poulet à des prix abordables. On en pense ce que l’on veut, on décrit autant que l’on peut, mais les faits sont là.
Les faits sont que tous les clignotants sont au rouge, quand nous en sommes aux discussions sur le sexe des anges. Les anges sont asexués et le diable est dans les détails. Pour les détails, la croissance, au premier semestre 2024, est de 0.6%, le taux de chômage dépasse les 16% et l’inflation les 7%. On pourra toujours dire qu’on a pu honorer nos dettes, que nos réserves en devises sont en hausse, il n’empêche que l’économie s’enfonce pour la deuxième année consécutive dans la récession, que nos compétences quittent le pays et que nos jeunes se hasardent par centaines dans des rafiots de fortune, au péril de leurs vies, à la recherche d’une hypothétique vie meilleure.
C’est pour dire que tous les débats, aussi pertinents qu’ils puissent être, sur l’utilité de ce remaniement ne changeront rien. Rien ne pourra convaincre ces jeunes que le nouveau gouvernement, le troisième en deux ans, soit dit en passant, réussira là où les autres ont échoué. Idem pour les élections dont on attend le tout et le reste. Rien ne suffira probablement à remettre le pays en ordre de marche économique. Et en tout état de cause, tout laisse prévoir, en l’état actuel des choses, qu’il n’en sera rien. Il faut dire aussi que dans les jeux actuels, beaucoup de cartes sont biaisées et quelques dés sont pipés. Mais ce n’est, peut-être, qu’un détail.
Mot de la fin est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin du 28 août au 11 septembre 2024