Après le fol espoir d’un scrutin démocratique, transparent et pluraliste soulevé par le Tribunal administratif, qui avait remis en selle trois prétendants sérieux à la course présidentielle, l’ISIE jeta une douche froide en maintenant le statu quo. Retour, hélas, à la case départ.
Le rêve était de courte durée. Réagissant à la récente publication de l’Instance Instance Supérieure Indépendante pour les Élections (ISIE) sur la liste finale des candidats à la présidentielle- incluant Zouhaier Maghzaoui, Kaïs Saïed et Ayachi Zammel, tout en refusant de réintégrer Abdellatif Mekki, Mondher Zenaïdi et Imed Daïmi; et ce, en dépit de la décision du Tribunal administratif d’annuler le rejet de leurs dossiers de candidature- la présidente de l’Union des magistrats administratifs, Refka Mbarki, a appelé le président de la République à intervenir d’urgence « pour veiller à l’application de la loi et préserver la paix sociale ».
Dans une déclaration, lundi 2 septembre 2024 à l’agence TAP, la magistrate a rappelé que la décision n°18 de 2014, relative aux règles et procédures de candidature à l’élection présidentielle, « impose à l’ISIE de se conformer aux décisions rendues par la plénière judiciaire du Tribunal administratif, dès réception de la décision ou d’un certificat de jugement ».
Pour sa part, la présidente de l’Association tunisienne de droit constitutionnel, Salsabil Klibi, a assuré qu’il est important de rappeler à l’ISIE « qu’elle n’est pas seule garante du processus électoral, de son intégrité et du droit de chacun. Et que le juge administratif, qui est le juge de la légalité, l’est tout autant ».
« Sinon cela n’a pas de sens de faire précéder chaque étape du processus électoral d’une possibilité de recours devant le Tribunal administratif », estimait-elle.
Ces deux voix rejoignent ainsi l’avis d’éminents juristes, qui sont unanimes à penser que les décisions du Tribunal administratif sont définitives et ne sont susceptibles d’aucun recours.
Revanche
En effet, balayant d’un revers de la main la décision prise la semaine écoulée par le Tribunal administratif de réintégrer dans la course les trois autres candidats initialement recalés par l’ISIE, le président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections, Farouk Bouasker, a annoncé, hier lundi 2 septembre 2024, la liste « définitive et non sujette à un quelconque recours » des candidats à la présidentielle du 6 octobre prochain. Celle-ci comprend : le président sortant, Kaïs Saïed, 66 ans, qui brigue un deuxième mandat; le SG du mouvement Echaâb et ancien député de la gauche panarabe Zouhaier Maghzaoui, 59 ans; et le chef du mouvement Azimoun Ayachi Zammel, 43 ans. Lequel vient d’être arrêté lundi à l’aube pour suspicion de « falsification de parrainages ».
En l’absence de la Cour constitutionnelle qui aurait tranché dans ce débat sur les équilibres entre les institutions de l’Etat, la commission électorale prend le dessus hiérarchiquement sur la juridiction administrative. Par quel tour de passe-passe?
Justifications peu convaincantes
Justifiant son refus de se plier aux injonctions du Tribunal administratif, M. Bouasker invoque- lors d’une conférence de presse tenue lundi 2 septembre- les poursuites judiciaires engagées contre certains candidats, ne leur permettant pas de concourir à la présidentielle. Et de citer pêle-mêle la falsification des parrainages, l’achat des parrainages via de l’argent. « Quelque 400 affaires judiciaires sont actuellement en cours contre des candidats qui ont été refusés par l’ISIE », a-t-il assuré. Tout en ajoutant « qu’il s’est avéré que l’un de ces candidats refusé était en possession d’une nationalité étrangère au moment même où il avait fait une déclaration sur l’honneur selon laquelle il n’avait pas une nationalité étrangère. Ce qui veut dire qu’il a fait une fausse déclaration pour enfreindre l’article 158 de la loi électorale qui prive toute personne ayant la double nationalité de présenter sa candidature aux élections ».
Sauf que ces poursuites n’ont pas encore été couronnées de condamnations fermes. Mais, faut-il rappeler pour ceux qui ont la mémoire courte que lors de la présidentielle de 2019, l’ancien candidat Nabil Karoui était poursuivi en justice dans des affaires de corruption? Pourtant, il fut libéré de prison, remporta le premier tour avant de s’incliner en second tour face à l’actuel président Kaïs Saïed!
D’autre part, Farouk Bouasker a soutenu lors de la dite conférence de presse que le conseil de l’ISIE a examiné les jugements en appel du Tribunal administratif émis les 16, 17, 18 et 19 août. Toutefois, a-t-il précisé, le conseil de l’Instance « n’a pas pu consulter les copies des jugements émis par l’Assemblée plénière juridictionnelle du Tribunal qui ne les a pas remis à l’instance dans les délais légaux de 48 heures stipulés par l’article 47 du code électoral ».
Ainsi, « l’ISIE a décidé de décréter l’impossibilité de consulter les jugements émis récemment par le Tribunal administratif et considère que la liste approuvée le 2 septembre est une liste définitive ne pouvant plus faire l’objet de recours ».
Et de conclure : « Il est clair que l’ISIE est l’unique partie constitutionnelle chargée de garantir l’intégrité du processus électoral. Circulez, il n’y a rien à voir!
Démenti
Le hic, c’est que réfutant les assertions de M. Bouasker, le porte-parole du Tribunal administratif, Fayçal Bouguerra, a confirmé, lundi 2 septembre sur les ondes de Mosaïque FM, que l’Instance électorale et les candidats plaignants « ont été informés des verdicts le jour même de l’annonce de chaque jugement ».
L’article 24 de la décision n° 18 de l’Instance électorale de l’année 2014 « oblige l’ISIE à exécuter les décisions de la plénière judiciaire sur la base de la réception d’une copie écrite du jugement. Cette procédure est en vigueur entre le Tribunal administratif et l’Instance électorale depuis 2011 », a-t-il conclu.
Allez comprendre quelque chose. Pour sa part, votre humble serviteur avoue y renoncer!