On présente souvent le XXIe siècle comme celui de la Chine, de sa montée en puissance et de sa consécration au cœur de l’échiquier international. Pourtant, les Etats-Unis n’ont pas dit leur dernier mot dans la course au leadership mondial. Une course, ou du moins une compétition internationale dans laquelle se sont immiscés des acteurs d’un nouveau genre, des géants du numérique communément désignés par l’acronyme GAFAM pour désigner ces cinq multinationales que sont Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft.
Elles se sont imposées dans nos vies. Outre leur extraordinaire puissance financière, leur puissance d’influence dépasse les frontières nationales et menace la souveraineté des Etats, comme l’illustre le bras de fer actuel entre le Brésil et E. Musk, propriétaire de X (ex-Twitter), interdit de diffusion sur le territoire national.
Ces multinationales issues de la révolution numérique participent à la définition d’un nouvel ordre mondial. Sont-elles destinées, pour autant, à diriger les affaires du monde et à imposer leur volonté, leur propre loi? Échappent-elles au contrôle des États ou sont-elles, au contraire, à leur service? Sont-elles des sources de nouvelles libertés ou constituent-elles, au contraire, une menace pour les sociétés civiles et les individus?
La puissance internationale des GAFAM
Depuis le début du XXIe siècle, les firmes multinationales connaissent deux phénomènes essentiels. D’une part, la dernière vague de mondialisation se caractérise par la montée en puissance d’entreprises asiatiques, en général, et chinoises, en particulier. Plus largement, elles sont de plus en plus diverses dans leur origine et de plus en plus détachées de toute référence nationale précise.
D’autre part, la révolution numérique a accouché de firmes multinationales d’un nouveau genre, symbolisé par les « GAFAM » ou « GAMAM », acronyme des « Big Five » ou « Big Tech » américaines : Google (devenu Alphabet), Amazon, Facebook (désormais Meta), Apple et Microsoft. Et leurs pendantes chinoises BATX (acronyme des quatre « Big Tech » : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi). Leur capacité d’action reflète la potentielle puissance d’influence des firmes internationales.
Les géants du web chinois (connus sous le sigle BATX, qui désigne les quatre firmes géantes de l’Internet chinois : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) rivalisent désormais avec les GAFAM de la Silicon Valley, figures modernes du soft power américain.
Le numérique et le digital illustrent cette compétition sino-américaine dans le domaine technologique.
Fondés à la fin du XXe siècle, les champions de la tech et géants du web chinois (connus sous le sigle BATX, qui désigne les quatre firmes géantes de l’Internet chinois : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) rivalisent désormais avec les GAFAM de la Silicon Valley, figures modernes du soft power américain. Ces géants du numérique sont des acteurs premiers de l’enjeu stratégique que représente la maîtrise de l’intelligence artificielle (de plus en plus intégrée dans la sécurité nationale des deux puissances mondiales).
Une menace pour la souveraineté des Etats et les libertés individuelles?
Cette montée en puissance des GAFAM pose des questions de souveraineté (liées notamment au cloud) et d’autonomie stratégique (y compris pour les pays industrialisés). Outre l’accumulation de capital et de leur poids financier, grâce à leur mainmise sur les câbles de fibre optique sous-marins (secteur jusque-là dominé par les grands opérateurs internationaux de télécoms), ces entreprises dominent l’accès au Web. L’essentiel des communications numériques dans le monde passe en effet par les câbles (notamment sous-marins).
Plus largement, ces plateformes numériques et autres réseaux sociaux (de l’américain Twitter au chinois TikTok) offrent des services et des technologies qui impactent directement nos modes de vie et représentations du monde.
La question de la souveraineté des Etats dans l’espace numérique se pose ainsi avec acuité, aux niveaux national (enjeu du « cloud », ces serveurs où sont stockées des ressources informatiques), régional/européen (enjeu de la « protection des données personnelles ») et international (enjeu de la « gouvernance des réseaux »).
La maîtrise des données numériques générées par les activités des milliards d’utilisateurs connectés, ajoutée à une situation de quasi-monopole de certaines entreprises américaines (GAFAM ou NATU – Netflix, Airbnb, Tesla, Uber) et chinoises (BATX), confère à ces opérateurs un pouvoir qui bouleverse les modes de régulation de la vie sociale de nos sociétés. La question de la souveraineté des Etats dans l’espace numérique se pose ainsi avec acuité, aux niveaux national (enjeu du « cloud », ces serveurs où sont stockées des ressources informatiques), régional/européen (enjeu de la « protection des données personnelles ») et international (enjeu de la « gouvernance des réseaux »).
Les grands acteurs américains et chinois ont conforté leur prédominance sur le marché du cloud, l’informatique en ligne. De fait, les fameux GAFAM américains hébergent toutes les applications et données personnelles des utilisateurs de par le monde. L’enjeu est autant économique, stratégique, géopolitique (multiplication des menaces dans le cyberespace) que démocratique. Un pouvoir d’influence remarquable qui souligne la place de ces acteurs privés, jusque dans la sphère intime des individus.
De fait, les fameux GAFAM américains hébergent toutes les applications et données personnelles des utilisateurs de par le monde. L’enjeu est autant économique, stratégique, géopolitique (multiplication des menaces dans le cyberespace) que démocratique
Cette évolution pose des questions en matière de respect de la vie privée, de liberté individuelle (notamment en ce qui concerne nos données personnelles) et de vie démocratique. Ainsi, il est avéré que la diffusion de fausses informations via Facebook avait joué un rôle non négligeable dans l’élection de Donald Trump. Un déficit de régulation qui contraste avec la censure constatée depuis le début de la guerre à Gaza. Un rapport de l’ONG Human Rights Watch a déjà mis en cause Meta pour une censure systématique des propos de soutien à la Palestine sur ses plateformes depuis le 7 octobre. Des slogans comme « Palestine libre », « Stop au génocide » sont souvent supprimés sur Facebook et Instagram …