Ce mercredi 4 septembre, Emmanuel Macron pourrait nommer un nouveau Premier ministre. Les noms qui circulent avec insistance sont ceux du socialiste Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand, chantre d’une droite sociale. Mais rien ne se fera sans l’accord de Marine Le Pen.
Situation inédite en France. Plus de huit semaines après les élections législatives anticipées qui auront accouché d’une Assemblée divisée en trois blocs, le poste de Premier ministre est toujours vacant. Et tout semble indiquer que le locataire de l’Elysée, en maître des horloges, est sur le point de nommer à ce poste soit Xavier Bertrand, le patron des Hauts-de-France et chantre d’une droite sociale. Soit Bernard Cazeneuve l’ex-Premier ministre socialiste de François Hollande. A moins de se rabattre au final comme ultime solution sur le président du Conseil économique, social et environnemental Thierry Beaudet. En attendant, le Premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal se contente d’expédier les affaires courantes.
Alors que de nombreux commentateurs estiment qu’Emmanuel Macron n’a pas d’autre choix que de nommer à Matignon un homme issu de la gauche, l’hypothèse Bernard Cazeneuve ne convainc pas le Nouveau Front populaire de Jean-Luc Mélenchon, où l’ancien maire de Cherbourg ne compte pas que des amis. En effet, Bernard Cazeneuve ne cesse de fustiger depuis 2022 le rapprochement des socialistes et des insoumis, au point d’avoir rendu sa carte du PS après la dernière présidentielle.
« Bernard Cazeneuve est un homme de qualité, loin des caricatures que l’on trouve chez d’autres responsables de gauche, mais qui hélas porte, sans doute de façon un peu injuste, la tunique d’un hollandisme finissant », a expliqué l’ancien président Nicolas Sarkozy dans un entretien accordé au Figaro vendredi.
Laisser du temps au temps
Reste la question : pourquoi le maître de l’Elysée prend-il son temps pour installer un successeur à Gabriel Attal à Matignon? C’est d’abord parce que la Constitution lui en donne les moyens. « D’un point de vue juridique, c’est parfaitement constitutionnel, parce que l’article 8 ne fixe pas de délai. Vous pouvez avoir un gouvernement qui expédie les affaires courantes un mois, un an, cinq ans… », rappelle Benjamin Morel, un constitutionnaliste de renom.
« Le problème, ce n’est pas le nom du Premier ministre, mais c’est la coalition. Actuellement, le Nouveau Front populaire ne tiendrait pas 48 heures avant de tomber, tout comme un gouvernement LR allié au camp présidentiel. On a donc un blocage avec ces trois blocs », a-t-il conclu.
Un jeu d’équilibriste
Mais le temps presse. Le budget 2025 doit être déposé au Parlement le 1er octobre au plus tard. Ce moment stratégique concernant la politique à mener s’annonce périlleux en raison de la situation difficile des finances publiques et des divergences nettes qui existent entre les partis ; le ministère des Finances vient d’annoncer un nouveau dérapage du déficit, attendu à 5,6 % du PIB cette année, sans nouvelles mesures d’économies.
Ce budget devrait ensuite être voté par le Parlement. S’il est utilisé comme l’année dernière, l’article 49.3 de la Constitution qui permet de faire adopter un texte sans vote pourrait être une arme à double tranchant puisqu’il ouvrira la voie à une possible censure.
Outre le casse-tête du budget 2025, le futur chef du gouvernement devra d’abord constituer son équipe en respectant l’équilibre entre la droite et la gauche, une tâche qui ne s’annonce pas facile en raison de la polarisation de la vie politique française. D’autant plus que le Président pourrait refuser de nommer certaines personnes à des postes qui font partie de son domaine réservé comme les Affaires étrangères et la Défense.
Ensuite, il devra convaincre les députés de ne pas le censurer et faire adopter le budget.
Enfin, le chef du gouvernement devrait prononcer un discours de politique générale devant les députés pour exposer les grandes orientations de sa politique. Or, le nouveau gouvernement risquerait tout de même de faire l’objet d’une motion de censure : pour faire tomber le gouvernement, il faut qu’une majorité de députés (289) votent la censure. Déjà, la France insoumise a prévenu qu’elle censurerait tout Premier ministre qui ne serait pas Lucie Castets.
Marine Le Pen, maîtresse des horloges?
A propos, le chef de l’Etat a dû écarter Mme Castets de la course à Matignon. En effet, désignée candidate du Nouveau Front populaire au poste de Premier ministre par les formations de cette coalition de gauche arrivée en tête du second tour des législatives anticipées, Lucie Castets a été conviée à la réunion du vendredi 23 août entre les chefs de partis et de groupes parlementaires à l’Élysée.
Réaction immédiate de Marine Le Pen. La cheffe de file des députés Rassemblement national a crié à un « coup de force » en indiquant que son parti déposerait une motion de censure pour renverser le futur gouvernement si celui-ci incluait des membres de La France insoumise ou des Écologistes. Une position partagée par certains dans les rangs macronistes.
En revanche, le parti de l’extrême droite « accepterait un gouvernement technique, qui expédierait les affaires courantes et aurait pour mandat de mettre en place la proportionnelle aux législatives afin de dégager une majorité dans un an », révèle la triple candidate à l’élection présidentielle.
Ainsi, en aval de ce processus bancal, le Rassemblement national risque de se retrouver en situation d’arbitre, décidant de facto du sort du nouveau Premier ministre.