En Algérie, le taux de participation, inférieur à 50 %, était le principal enjeu du scrutin présidentiel dont le président sortant, Abdelmadjid Tebboune, est sorti vainqueur avec un score écrasant. Eclairage.
C’est sans surprise que le président algérien sortant, Abdelmadjid Tebboune, est réélu au premier tour pour un second mandat à la tête du pays avec une majorité écrasante. Tant ses deux concurrents à la course présidentielle étaient loin de faire le poids devant un ancien homme d’appareil, devenant une figure paternelle pour beaucoup d’Algériens.
Démesure
Mais, c’est le score de 94,65 % qui a surpris tout le monde par son ampleur. Même Bouteflika n’avait jamais tutoyé ces sommets en dépit de quatre élections. Le taux de participation, scruté à la loupe par les observateurs au local et à l’étranger, étant le principal enjeu de cette élection.
Jugez-en : Abdelmadjid Tebboune, 78 ans, a été élu dans un pays où 70 % de la population a moins de 40 ans. Et ce, avec 5 329 253 voix sur 24,3 millions d’inscrits. Il est talonné par Abdelaali Hassani, le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP, islamiste modéré) avec 178 797 voix (3,17 %). Youssef Ouchiche, leader du Front des forces socialistes (FFS) ferme la marche avec 122 146 voix (2,16 %).
« Le scrutin s’est déroulé dans des conditions optimales et en toute transparence », se félicitait Mohamed Charfi, président de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE). Il s’exprimait ainsi lors d’une conférence de presse, tenue dimanche 8 septembre, pour annoncer les résultats préliminaires des élections présidentielles anticipées tenues la veille.
A savoir que le taux de participation moyen tant attendu avait été annoncé par le président de l’ANIE tard dans la soirée du samedi 7 septembre.
Zones d’ombre
Ainsi, tout au long de la matinée et de l’après-midi du dimanche 8 septembre, les Algériens attendaient en vain l’annonce des résultats. Avec trois heures de retard, Mohamed Charfi, président de l’ANIE, se présentait à la télévision pour annoncer une « moyenne » du taux de participation à l’échelle du pays de 48,03 % au niveau national et de 19,57 % pour le vote de la communauté nationale établie à l’étranger. Et ce,sans toutefois préciser le nombre d’électeurs par rapport aux plus de 24 millions d’inscrits.
Comment expliquer ce retard? Par les inondations dans le Sahara, notamment à Béchar et Tamanrasset, qui ont retardé la remontée des résultats? Sachant que ce taux était très faible dans certaines wilayas : 4,36 % à Tizi Ouzou, 3,75 % à Béjaïa et une participation quasi nulle en Kabylie.
Pour rappel, les bureaux de vote sont restés ouverts jusqu’à 21 heures, comme l’a décidé en fin de journée l’Autorité nationale indépendante des élections. Sans aucun doute, afin de maximaliser la participation.
Etrange. Selon les chiffres officiels, sur 24 millions d’inscrits, une participation annoncée de 48,03 % représente environ 11 millions de voix, dont 5 millions pour le président Tebboune sortant! Cela veut dire en clair que 6 millions de votants auraient déposé des bulletins blancs dans les urnes. Puis, comment expliquer que le taux de participation ait pu passer de 26 % à 48 % en trois heures; alors qu’il était de 13,11 % à 13 heures? Mystère.
Rafistolage?
De quoi nourrir des soupçons sur la thèse officielle concernant le chiffre réel du taux de participation, enjeu réel du scrutin présidentiel en Algérie.
« L’ANIE refuse de donner le véritable taux de participation. Les informations concernant le corps électoral et le nombre des votants, base du calcul du taux de participation, ont été supprimées de l’infographie présentée par M. Charfi de manière volontaire et intentionnelle », accuse dans l’anonymat un journaliste sur les réseaux sociaux.
Pour sa part, Atmane Mazouz, le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) qui a boycotté le scrutin, estime que « la désertion des urnes est telle que les centres urbains donnaient l’impression de villes mortes et les informations constatées et remontées par les militants et de nombreux citoyens à travers le pays donneraient vraisemblablement un taux réel qui ne saurait dépasser 18 %. Ce désaveu est historique car il concerne l’ensemble des régions du pays et, contrairement à 2019, le régime a eu tout le temps et toute la latitude de le préparer à sa guise.
Idem pour l’ancien président du MSP (tendance Frères musulmans), Abderrezak Makri, qui juge que « le gonflement du taux de participation n’a jamais atteint ce degré de toute l’histoire des élections en Algérie : de 26 % à 48 % en trois heures! Comme si, soudainement, des millions d’Algériens s’étaient mobilisés. Personne n’a vu ces foules. Le président n’avait pas besoin de trafiquer ce taux puisqu’il a gagné. Cette falsification du taux de participation annule intégralement la crédibilité du scrutin ».
Des accusations gravissimes qui tranchent avec l’optimisme affiché par le quotidien gouvernemental, El Moudjahid, qui se félicite que « malgré la canicule et les vacances, les Algériens se sont rendus aux urnes » !