C’est une affaire de management. Pour chaque prestation, une fiche « process » est mise en place. Elle étudie sous toutes les coutures la prestation en question et imagine surtout qu’est-ce qui peut ne pas assurer efficacement cette prestation et comment agir pour satisfaire l’usager.
La scène se déroule dans une municipalité d’un quartier cossu de l’Ariana au cours du mois d’août dernier. A une vingtaine de personnes installées dans des sièges face à quatre bureaux assurant une prestation administrative, un agent municipal –une femme en l’occurrence – sort pour leur dire que « ceux qui attendent un extrait de naissance doivent savoir que l’imprimante ne fonctionne plus ». Un remake du « Il faut revenir demain » qui a la peau dure. « Hier, c’était la même chose après une heure d’attente », s’écrie un usager qui tend son ticket de file d’attente.
Une scène ordinaire, diriez-vous. Certes, mais les agents qui ne se soucient pas de cet « incident » – appelons-le ainsi – n’ont sans doute pas l’empathie nécessaire pour comprendre que cela ne devrait pas avoir lieu. L’« incident » peut toujours être évité. « J’ai travaillé deux années dans un pays du Golfe et je n’ai jamais vécu une pareille scène, commente un cadre sexagénaire, aujourd’hui à la retraite, parmi l’assistance, qui ajoute : « Et ce n’est pas là, dit-il, une question seulement de moyen ».
Où est l’empathie ?
Il y a, comme un peu partout, « un problème de management de la qualité ». En concluant : « Notre administration est insensible à ce type de problème et n’arrive pas à les résoudre aussi par un manque de volonté ou de conscience. Car, obtenir les moyens financiers ne constitue pas une réelle difficulté. Nous avons des partenaires, comme les Européens, qui peuvent nous aider à sortir de l’auberge ».
Tout le monde a eu du reste cette impression : nombre de nos fonctionnaires sont imperméables à l’« empathie ». Se mettre à la place de l’autre, en l’occurrence, ce n’est pas, pour ainsi dire, leur fort. Peut-on imaginer ne serait-ce qu’une seconde que la citoyenne, qui a exprimé son mécontentement pour avoir perdu du temps à attendre sans avoir obtenu son extrait de naissance pour lequel elle s’est déplacée, a peut-être une autorisation d’une heure ou deux heures pour pouvoir se rendre à la municipalité ? Et qu’elle ne pourrait pas l’obtenir le lendemain ? Sait-on du reste son degré d’urgence ?
« Rendre un bon service »
Oui. Mais, c’est ainsi, pourrait nous dire tout un chacun. L’administration est ainsi faite. Et tout le monde a pris le pli de ses désagréments. Faux, car sous d’autres cieux, y compris dans des pays arabes, on a trouvé le moyen d’éviter précisément ces désagréments. C’est une affaire de management. Ainsi, pour chaque prestation, une fiche « process » (procédure) est mise en place. Elle étudie sous toutes les coutures la prestation en question et imagine surtout qu’est-ce qui peut ne pas assurer efficacement cette prestation et comment agir de sorte pour satisfaire l’usager.
Prenons le cas de notre imprimante à qui il arrive de flancher, ne peut-on pas prévoir de la remplacer sur le champ, en attendant qu’elle soit réparée, par une autre imprimante d’un autre service situé en back-office ? Ne peut-on pas mettre, encore, dans le magasin une imprimante de « rechange » pour « le cas où » ? Est-ce faute d’avoir réfléchi à ces solutions ? Possible. C’est possible. « Dans notre pays, nous savons produire, mais pas toujours pensé aux voies et mieux de rendre un bon service », revient à la charge notre retraité ayant travaillé dans un pays du Golfe.
Satisfaction des usagers
Et il va sans dire que cette fiche « process » doit intégrer toutes les étapes menant à la satisfaction de l’usager. A commencer par ces longues attentes qui peuvent durer des heures. Le chef de l’Etat s’en est du reste plaint à l’endroit précisément des actes de naissance. S’agissant d’améliorer ce que les spécialistes appellent « l’expérience client ou usager » aux points clés d’une structure.
Et si cette fiche « process » n’était qu’un luxe ? Est-ce propre aux seuls pays développés ? Faux. Car, le vécu de toutes les administrations a pratiquement partout changé dans le monde. Et on ne le dira jamais assez : la réforme de l’administration est synonyme de progrès et d’opportunités pour attirer et pour séduire des investisseurs aussi bien tunisiens qu’étrangers. Et ce n’est pas peu.
La formule « mriguel » ne servira plus à rien !
Sans oublier évidemment les bienfaits pour les agents qui vont être moins exposés aux critiques et autres désagréments émanant des usagers souvent exaspérés par certains comportements. En précisant que ces derniers peuvent occasionner jusqu’à des rixes.
Ajoutons que rien ne sert de reculer la mise en place de toute la dynamique des fiches « process » ou de toute autre procédure pouvant contribuer à une exécution rapide et efficace des prestations administratives. Dans la mesure où il n’y a pas d’autre choix que d’y aller au plus vite. On s’en rendra compte tôt ou tard. A ce moment la formule « mriguel » (Tout va bien) ne servira plus à rien !