ZOOM 3 – TUNISIE – Les grandes orientations commentées
Le budget de l’État pour l’année 2025, tel que présenté dans le « Rapport des Grandes Orientations », vise à s’inscrire dans une approche intégrée alignée sur le Plan de développement 2023-2025, tout en tenant compte des priorités fixées par les décisions présidentielles et gouvernementales. Il met l’accent sur des mesures visant à renforcer l’autosuffisance financière, tout en consolidant le rôle social de l’État.
Nous nous proposons un avant-propos critique.
L’autosuffisance financière et consolidation des recettes publiques
L’un des axes centraux du budget 2025 est le renforcement de l’autosuffisance pour stabiliser les finances publiques. Pour y parvenir, la lutte contre l’évasion fiscale et l’amélioration des services de la fiscalité et des douanes sont mises en avant.
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Bien que la priorité accordée à l’élargissement de l’assiette fiscale soit essentielle, les efforts antérieurs n’ont pas toujours donné les résultats escomptés, ce qui soulève des questions sur la capacité réelle de l’administration à mettre en œuvre ces réformes.
Par ailleurs, le contrôle de la masse salariale par la réduction des recrutements constitue une mesure potentiellement risquée dans un contexte de forte demande d’emploi, notamment parmi les jeunes. Cette décision, bien qu’essentielle pour maîtriser les dépenses, doit être accompagnée de solutions alternatives pour stimuler la croissance économique et l’emploi.
La rationalisation des dépenses et la maîtrise des coûts
Le budget prévoit une maîtrise rigoureuse des dépenses de gestion, allant de la rationalisation des consommations d’énergie à l’optimisation des dépenses liées aux missions diplomatiques.
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Bien que ces mesures soient louables, il est à craindre qu’elles puissent rencontrer des résistances administratives. L’optimisation de la gestion des parcs automobiles, par exemple, a été souvent évoquée sans aboutir à des résultats concrets dans le passé.
En outre, la réduction des subventions des hydrocarbures, tout en s’efforçant de préserver le pouvoir d’achat, pourrait s’avérer politiquement délicate. La dépendance aux subventions énergétiques est un problème structurel, et leur réduction graduelle pourrait accentuer les tensions sociales, surtout en l’absence d’un mécanisme efficace de compensation pour les ménages vulnérables.
Le renforcement du rôle social de l’État
Le budget 2025 met également l’accent sur la consolidation des dépenses sociales pour améliorer la redistribution des revenus et lutter contre la pauvreté.
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L’augmentation des allocations sociales est une réponse directe aux tensions sociales croissantes, mais des questions subsistent quant à la capacité de financement de ces mesures à moyen terme, compte tenu des contraintes budgétaires actuelles.
La rationalisation des dépenses de compensation
La rationalisation des dépenses de compensation, tout en préservant le pouvoir d’achat, est un objectif ambitieux.
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La réduction des subventions énergétiques et la lutte contre la contrebande et la spéculation nécessitent une mise en œuvre rigoureuse.
Cependant, la dépendance aux subventions et la persistance des activités illicites dans les circuits de distribution risquent de compliquer la tâche du gouvernement.
En particulier, l’objectif d’autosuffisance en blé dur, bien que noble, semble confronté à des défis majeurs, tels que les changements climatiques et la pénurie d’eau, qui nécessitent une action rapide.
Les investissements et la réforme fiscale
Enfin, le budget conditionne les financements des projets à leur avancement, ce qui est un signe positif en matière d’efficience.
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Toutefois, le nombre important de projets bloqués montre les limites du système bureaucratique actuel.
La réforme fiscale, quant à elle, vise l’élargissement de l’assiette fiscale et l’amélioration du climat des affaires.
Si ces orientations sont nécessaires pour stimuler la compétitivité, elles reposent sur des réformes structurelles souvent longues à mettre en œuvre et qui nécessitent une forte volonté politique.
En définitive, le budget de l’État pour 2025 propose une série de mesures ambitieuses pour maintenir l’équilibre des finances publiques tout en renforçant le rôle social de l’État.
Toutefois, le succès de ces orientations dépendra largement de la capacité du gouvernement à surmonter les défis de mise en œuvre, notamment en matière de réduction des subventions, de lutte contre l’évasion fiscale, et de gestion des dépenses publiques.
Le contexte socio-économique délicat en Tunisie impose une exécution rigoureuse de ces mesures afin d’éviter des tensions sociales et de favoriser un redressement durable.
Afin de garantir l’efficacité de ces mesures budgétaires ambitieuses et d’assurer l’équilibre des finances publiques, la politique monétaire jouera un rôle crucial en tant que levier complémentaire. En effet, la réussite des réformes envisagées dépendra non seulement de la capacité du gouvernement à rationaliser ses dépenses et à améliorer ses recettes, mais également du soutien d’une politique monétaire cohérente visant à stabiliser les variables macroéconomiques clés, telles que l’inflation, les taux d’intérêt et la liquidité bancaire.
Dans ce contexte, il est impératif que les autorités monétaires adoptent une approche alignée sur les objectifs budgétaires, en mettant en place des mesures destinées à limiter les pressions inflationnistes, tout en assurant une gestion prudente de la dette publique.
Une politique monétaire bien calibrée permettra non seulement de soutenir les efforts du gouvernement pour maîtriser les dépenses et rationaliser les subventions, mais aussi d’assurer un cadre stable pour l’investissement privé et la croissance économique à long terme.
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A suivre…
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)