Chaque rentrée universitaire, au-delà de l’espoir qu’elle suscite, pose les sempiternelles questions de sa capacité d’adaptation, de l’exigence de qualité et d’excellence et, fin des fins, de ses tenants et aboutissants. Chacune de ses réussites et avancées soulève une vague de satisfaction et titille notre orgueil national. Sauf que, paradoxalement, le pays joue à qui gagne perd. Si bien que la notoriété de notre enseignement universitaire en fait une victime désignée. Toute réussite universitaire a un goût de cendres et ajoute, au-delà de notre joie et notre fierté, à notre frustration. Il y a même lieu de s’inquiéter à l’idée de nous faire voler et confisquer le fruit d’un effort réalisé au prix d’un énorme sacrifice national.
Former des diplômés comme pour les préparer au départ et à l’exode n’a pas que des répercussions économiques et financières. La question est aussi d’ordre moral, éthique et géopolitique.
Chaque rentrée universitaire, au-delà de l’espoir qu’elle suscite, pose les sempiternelles questions de sa capacité d’adaptation, de l’exigence de qualité et d’excellence et, fin des fins, de ses tenants et aboutissants.
L’enseignement qui nous a affranchis par le passé de la domination coloniale doit nous libérer aujourd’hui de l’hégémonie et de la dépendance des puissances postindustrielles. Il doit briser le diktat de l’échange inégal qui a changé de forme, sans disparaitre pour autant. Hier, matière première bradée, aujourd’hui, matière grise sans dédommagement aucun.
Comment mettre fin à ce hold-up planétaire, sinon en développant notre économie, nos capacités d’absorption de talents, de compétences et de génie tunisien? A charge pour le pays de créer un écosystème, un environnement suffisamment attractif, où il fait bon vivre et travailler. Et de retrouver au plus vite les chemins vertueux d’une croissance forte et durable, portée par de nombreuses créations de startups et d’entreprises à forte valeur ajoutée et à forte intensité technologique. Plus on monte dans la hiérarchie de l’économie de la connaissance, plus l’économie est à même d’accorder des salaires décents pour faire barrage sinon limiter l’exode des cerveaux.
Il n’est même pas exclu d’envisager leur retour, si nos entreprises se mettent à la manœuvre. Elles doivent en faire la démonstration en s’engageant dans des logiques industrielles, avec l’ambition de rivaliser avec les meilleurs de ce monde et de jouer dans la cour des grands.
Le risque est que le nec plus ultra de nos compétences, formées à grands frais du contribuable, est aujourd’hui plus qu’hier courtisé et convoité par les puissances extérieures qui leur offrent de meilleures conditions de travail et de vie. Il n’empêche! On ne peut nous soustraire de cette exigence de promouvoir sur une vaste échelle les unités d’excellence en matière d’enseignement, de recherche et de formation professionnelle. Le dire en ce moment, en ces temps de disette économique et financière, prête à sourire. Mais on a tout à gagner à forcer le destin en pariant sur le futur. Il n’y a aucune fatalité à voir nos jeunes et moins jeunes compétences prendre le chemin de l’exil, en quête de meilleurs plans de carrière, de notoriété ou de conditions de vie. Il n’est même pas exclu d’envisager leur retour, si nos entreprises se mettent à la manœuvre. Elles doivent en faire la démonstration en s’engageant dans des logiques industrielles, avec l’ambition de rivaliser avec les meilleurs de ce monde et de jouer dans la cour des grands. Elles auront besoin d’établir des connexions, un réseau de partenariats et de contrats-programmes avec les universités et les institutions de recherche. Elles pourront ainsi décliner et anticiper leurs besoins en matière de qualifications et de compétences, tout en s’impliquant et en concourant à faire émerger les architectes du futur.
Pour preuve, la Corée du Sud, Singapour, la Malaisie… ont su le faire et ont pu résister à la loi de gravitation des États Unis d’Amérique qui dominaient la zone pacifique au fait de sa croissance. Le voudrions-nous? Nos entreprises, nos banques et nos sociétés le pourraient-elles, alors qu’elles ont toutes les peines du monde à briser le carcan bureaucratique qui les enserre dans un étroit corset? Peu de chose les y incite, alors même qu’elles ont un statut peu enviable, qu’elles sont en mal d’assurance et de reconnaissance, en proie au doute, sans discernement ni distinction… en l’absence d’un climat apaisé. Pour autant, elles représentent la seule voie de salut.
A ce titre, elles ont plus que jamais besoin de l’accompagnement de l’Etat pour les inciter et les encourager dans leur effort de s’ouvrir sur le monde pour gagner en efficacité et élargir à l’international leur capacité de développement. Elles pourront ainsi offrir aux diplômés de ce qui reste de nos centres d’excellence une perspective à laquelle ils aspirent.
Université – Entreprise : même combat. Elles doivent mettre en commun leur intelligence et leurs ressources. Le décollage économique du pays, l’affirmation de sa maitrise technologique et son émergence sur la scène mondiale autrement qu’à travers la quête de levée de fonds et d’emprunts financiers, dépendent largement de la capacité de notre enseignement de se projeter dans le futur.
Université – Entreprise : même combat. Elles doivent mettre en commun leur intelligence et leurs ressources. Le décollage économique du pays, l’affirmation de sa maitrise technologique et son émergence sur la scène mondiale autrement qu’à travers la quête de levée de fonds et d’emprunts financiers, dépendent largement de la capacité de notre enseignement de se projeter dans le futur. L’excellence sinon rien! Plus vite on verra se sceller ce partenariat, cette destinée commune, plus on a de chances de relever le défi d’excellence et de qualité de nos écoles et de nos universités, aujourd’hui au plus bas dans les classements mondiaux. L’honneur du pays est de hisser notre enseignement au niveau d’exigence de performance qui doit être le sien. Nous avions fait de l’école et de l’université, promues au rang de seconde religion, notre principal levier de développement et la source de tous nos espoirs pour ne pas les voir disparaitre des écrans radar des palmarès mondiaux. Il n’y a pas pire pour le pays qu’un tel déclassement.
Cet édito est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n°902 du 11 au 25 septembre 2024