L’émission de dette commune pour financer les investissements dans l’énergie et l’innovation, l’intégration des marchés de capitaux et monétaires et une intégration économique plus profonde et plus substantielle sont le « remède » proposé par l’ancien Premier ministre italien et ex-patron de la BCE, Mario Draghi, pour la compétitivité en difficulté de l’Union européenne.
Le rapport de Draghi tant attendu sur la compétitivité de l’économie européenne a été présenté il y a quelques jours et définit trois défis clés pour l’UE : combler le déficit d’innovation; décarboner l’Europe; et passer à une économie circulaire et à l’autosuffisance en matières premières. Car la dépendance aux importations dans un environnement géopolitique instable le rend vulnérable aux crises.
Ainsi, le rapport « Super Mario » souligne que l’Europe devrait briser les tabous du passé en procédant à une intégration financière majeure sur les marchés de capitaux et monétaires et émettre une dette commune (euro-obligations) qui financera les objectifs européens communs. Dans ce sens, il « indique » le maintien du Fonds de relance, également soutenu par la Grèce et d’autres pays de l’UE. De même qu’il adopte l’évaluation de la Commission sur la nécessité de compléter la politique zéro pollution (des investissements supplémentaires – principalement publics – de 750 à 800 milliards d’euros seront nécessaires sur une base annuelle).
En outre Mario Draghi estime que pour combler l’écart technologique avec la Chine et les États-Unis, un investissement supplémentaire de 200 milliards d’euros par an sera nécessaire au cours des sept prochaines années.
Cela soulève également de sérieuses inquiétudes quant au fonctionnement de certaines branches industrielles, qui évoluent actuellement dans des cadres nationaux, sans stratégie ni plan d’action clairs. Le rapport souligne que l’industrie européenne devrait fonctionner selon un système de règles unifié, avec des objectifs et des financements d’investissement communs, pour rattraper et vaincre la concurrence internationale.
Dans le secteur critique de l’énergie, le rapport fixe comme objectifs immédiats la réduction des coûts excessifs actuellement payés par l’UE, la décarbonation et la promotion des sources d’énergie renouvelables – toujours avec des règles d’établissement et de fonctionnement communes –, la promotion de la technologie nucléaire moderne et l’intensification de l’utilisation de l’hydrogène dit « vert ».
Innovation économique, mais avec cohésion sociale
Même si le rapport met l’accent sur l’augmentation des investissements dans la recherche et l’innovation, le développement de l’intelligence artificielle et la réduction de l’écart technologique avec les États-Unis et la Chine, il met particulièrement l’accent sur un problème : le maintien de la cohésion sociale et de l’État-providence que l’Europe a construit au fil des années.
Comme il le souligne, la main-d’œuvre de l’UE diminue d’année en année et les nouvelles technologies menaceront les relations professionnelles. Il indique généralement que l’entrée de l’automatisation aux États-Unis au cours de la période 1980-2016 a contribué à l’augmentation de 50 à 70 % de l’écart salarial entre les travailleurs instruits et les travailleurs moins instruits.
Pour cette raison, selon le rapport, il devrait y avoir des programmes de reconversion continue. Tandis que pour ceux qui se retrouvent sans travail en raison de leur âge, l’État providence devrait fonctionner et offrir sécurité, santé, transports, afin de maintenir la cohésion sociale.
Concernant la diffusion de l’innovation dans les États membres de l’UE, le rapport, tirant les leçons du modèle américain, souligne qu’en plus du modèle central, il devrait également y avoir des politiques régionales, qui analyseront les objectifs centraux dans les caractéristiques particulières de chaque région. Autrement dit, ils devraient être choisis à l’avance là où se trouveront des usines de haute technologie et des espaces d’innovation.
Le principe de l’unanimité
Le rapport Draghi souligne enfin qu’après ses élargissements successifs, l’UE souffre dans le domaine de la prise de décision à l’unanimité car les 27 pays européens sont à des vitesses de développement différentes et chacun a des intérêts différents. Pour tenter de surmonter la difficulté de l’unanimité et de pouvoir faire avancer les projets visant à renforcer la compétitivité de l’Europe, le rapport propose un terrain d’entente. Puisqu’il existe de nouveaux plans pour la compétitivité de l’Europe, ils peuvent être adoptés avec un avis unanimement positif, et ensuite, pour les différentes parties du plan, les décisions prises à la majorité peuvent être mises en œuvre.