Fitch Ratings a relevé la note de solvabilité à long terme en devises étrangères (IDR) de la Tunisie à ‘CCC+’, contre ‘CCC-‘. Dans deux communiqués publiés sur sa page, le professeur d’économie Ridha Chkondali décrypte cette nouvelle positive pour l’économie tunisienne.
Nous allons résumer le premier communiqué qui analyse ce qui a contribué à l’évolution de cette notation de Fitch Ratings :
1) L’agence a exprimé sa confiance dans la capacité de l’État à répondre à ses besoins financiers importants; malgré des difficultés telles que le niveau élevé de la dette intérieure et l’accès limité au financement externe. Elle estine que l’État peut maintenir un niveau suffisant de réserves de devises pour honorer les paiements extérieurs et les obligations de la dette.
2) La diminution du déficit du compte courant a permis de renforcer les réserves de devises. Lesquelles devraient rester au-dessus de trois mois jusqu’en 2026; malgré l’absence d’un programme du Fonds monétaire international. Cette situation permet à la Tunisie de respecter ses engagements internationaux, comme les obligations en euros d’une valeur d’un (1) milliard de dollars arrivant à échéance en janvier 2025 et les obligations en euros d’une valeur de 700 millions d’euros arrivant à échéance en juillet 2026.
Cependant, l’augmentation des besoins de financement, le déficit budgétaire persistant et l’allongement des échéances des dettes locales et étrangères à long terme entraîneront une augmentation considérable des besoins de financement pour la période à venir, qui seront beaucoup plus élevés que ceux de la période précédente (18 % du PIB en 2024, contre 14 % du PIB pour la période 2025-2026). Ces besoins seront également bien au-dessus de la moyenne de la période 2015-2019 (9 % du PIB). Ce qui représente l’un des niveaux les plus élevés parmi les pays ayant une notation « CCC+ » ou inférieure.
3) Le déficit budgétaire persistant et l’allongement des échéances des dettes locales et extérieures à long terme entraîneront une augmentation significative des besoins de financement des années à venir, qui seront considérablement plus élevés que ceux des périodes précédentes. En 2024, ces besoins devraient atteindre 18 % du PIB et dépasser 14 % du PIB pour la période 2025-2026. Ces niveaux sont nettement au-dessus de la moyenne de 9 % du PIB enregistrée entre 2015 et 2019, plaçant ainsi le pays parmi ceux avec les niveaux les plus élevés dans la catégorie des notations « CCC+ » ou inférieures.
4) Les sources de financement externe sont limitées mais continues. L’agence prévoit que la Tunisie pourra mobiliser encore 600 millions de dollars d’ici la fin de l’année 2024.
5) L’agence estime que le secteur bancaire local pourrait aider à financer les dépenses de l’État, surtout que les dépôts croissent plus rapidement que la demande de crédit. Cependant, cela augmentera le risque pour les banques publiques. Car elles devront supporter une part plus importante de l’importance du financement à cause de la prudence des banques privées.
6) Pour l’agence, le secteur bancaire local pourrait contribuer au financement des dépenses publiques, surtout en raison de l’excédent de dépôts par rapport à la demande de crédit. Cependant, cette solution pourrait augmenter les risques pour les banques publiques, qui seraient amenées à financer une part plus importante des dépenses en raison de la prudence des banques privées. Ainsi, les banques publiques pourraient se retrouver avec une exposition accrue aux risques financiers.
7) La politique d’austérité adoptée par l’Etat devrait réduire le déficit budgétaire de 7,1 % du PIB en 2023 à 4,7 % en 2026, en diminuant les dépenses en salaires, développement et soutien. Toutefois, aucune réforme majeure du système de soutien n’est prévue en raison de l’opposition politique aux hausses de prix. La baisse des prix internationaux pourrait réduire les coûts de soutien de 1,7 point du PIB d’ici 2026.
8) L’agence prévoit que la dette restera très élevée et pourrait être confrontée à certains chocs financiers, tels qu’une baisse de la valeur de la monnaie et des fluctuations des prix mondiaux des matières premières. L’agence prévoit que la dette publique restera au-dessus de 80 %, atteignant 83,4 % en 2024, 82,2 % en 2025 et 80,8 % en 2026 (contre 83,9 % en 2023).
9) L’agence anticipe peu de risques politiques ou de tensions sociales autour des élections. La politique devrait rester inchangée après les élections.
10) D’après l’indice WBGI de gouvernance de la Banque mondiale, la Tunisie affiche un classement moyen. Cette donnée indique des faiblesses dans plusieurs domaines : stabilité politique, respect de l’État de droit, droits de participation politique, capacité institutionnelle et niveaux de corruption.
Toutefois, Ridha Chkoundali n’a pas manqué d’évoquer des facteurs qui peuvent conduire à une baisse de la notation. A savoir un échec dans l’obtention d’un financement extérieur suffisant ; ainsi que la baisse des réserves en devises ou la diminution significative de la valeur du dinar.