Tollé général à l’annonce d’une proposition d’amendement de la Loi électorale qui prévoit d’écarter le Tribunal administratif, en cas de litige postélectoral, au profit de la justice judiciaire. La société civile dans son ensemble se mobilise contre une loi tant décriée.
Face à l’inertie coupable de nos soi-disant intellectuels, trop chétifs, trop attachés à leurs petits privilèges, totalement coupés des préoccupations réelles de leurs concitoyens, c’est dorénavant la société civile qui lève la tête, se rebiffe et prend la relève. La preuve? Le rassemblement de protestation, le deuxième en un mois, contre la proposition d’amendement de la loi électorale qui a eu lieu, dimanche dernier, devant le Théâtre municipal de Tunis et auquel participaient, presque anonymes, se fendant dans la foule, de nombreux activistes et figures de l’opposition venus crier leur refus d’une élection présidentielle qui semble, à leurs yeux, pliée d’avance.
Combien de manifestants? Peu importe le nombre, certains médias parlent d’environ 1 500 personnes, hommes, femmes et enfants. Mais encore faut-il rappeler que cette marche de protestation fut convoquée en urgence par des partis politiques, des associations et des organisations de la société civile pour protester contre l’annonce, deux jours plutôt, d’une proposition d’amendement de la loi électorale. Alors que nous sommes en pleine campagne électorale et à environ deux semaines du scrutin présidentiel prévu pour le 6 octobre prochain.
De qui s’agit-il au juste et quid de ce tollé contre cette proposition de loi en phase de préparation? C’est que le texte en question, qui a mis le feu aux poudres, prévoit de retirer au Tribunal administratif la compétence de statuer sur les conflits postélectoraux et de la confier à la justice judiciaire. Une mesure selon l’opposition qui porte atteinte à l’Etat de droit en Tunisie, discrédite les élections et balise la voie au profit du président sortant pour un second mandat.
Rappelons à ce propos que le Parlement a renvoyé la proposition d’amendement de la loi électorale– soumis par 34 députés de différents groupes- devant la Commission de la législation générale, accompagné d’une demande d’examen en urgence. Sachant que le bureau de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a décidé d’organiser une séance plénière exceptionnelle vendredi 27 septembre 2024 consacrée à l’examen de la proposition d’amendement de la loi électorale soumise par des députés de différents blocs. Pourquoi tant de précipitation?
« Abrutis, mercenaires et espions »
Réponse d’un député zélé : « J’ai signé la tête haute la proposition d’amendement de la loi électorale en faveur de mon pays la Tunisie, sa paix, sa sureté et sa civilité contre ces abrutis, mercenaires et ces espions de l’étranger. Avec Kaïs Saïed jusqu’à la fin, non au scénario libyen, soudanais et la guerre civile! » Ainsi, s’exprimait le député de la circonscription de Jendouba, Hatem Houaoui dans un statut sur FB avec sa courtoisie légendaire!
Question d’éthique
« C’est contraire à l’éthique, à la logique et aux normes internationales, car on ne change pas les des règles du jeu en pleine partie », s’est indigné le député et président de la commission parlementaire de la culture et du tourisme, Yassine Mami. Ainsi, il a indiqué que les interrogations et les questions à l’égard du rôle du Tribunal administratif « ne devaient pas être abordées à deux semaines de la tenue de l’élection présidentielle ».
S’exprimant le 23 septembre 2024 sur les ondes de Mosaïque Fm, il a par ailleurs dénoncé l’ignorance des députés à l’origine de cette initiative du contenu même de cette proposition de loi. « Dix députés sont intervenus aujourd’hui, aucun d’eux n’a évoqué l’un des articles de la proposition de loi. Au lieu de discuter aujourd’hui des points contenus, nous ne faisons qu’évoquer des complots et des accusations visant le Tribunal administratif ».
Rappelons à ce propos que de nombreuses organisations ont estimé que cette proposition d’amendement de la loi électorale à l’approche des élections présidentielles du 6 octobre, représente « une violation et porte préjudice aux fondements de l’État de droit et aux principes du système démocratique». On peut citer : le Parti des Travailleurs, le Courant démocrate, Afek Tounès, le Parti socialiste, Al Massar, Ettakatol et Al Qotb; des groupes de la société civile à l’instar de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH), Coalition Soumoud, l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), l’Association Aswat Nissaa et le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES). Ainsi que l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), l’Association des magistrats tunisiens (AMT) et l’Ordre des avocats.
« Inacceptable sur la forme et sur le fond »
« On ne change pas la loi électorale une semaine avant l’élection », a glissé le bâtonnier Hatem Mziou samedi 21 septembre sur Mosaïque FM. Tout en ajoutant que le changement de la loi électorale pour que les litiges électoraux soient examinés par la justice judiciaire au lieu de l’administrative est « inacceptable, tant sur la forme que sur le fond ».
Idem pour le SG de l’UGTT, Noureddine Tabboubi, qui a réagi jeudi 19 septembre au projet d’amendement de la loi électorale en pointant du doigt une loi et un timing « sur mesure ».
L’adoption de ce projet de loi « va conduire au report des élections. Ce qui risque de maintenir le pays dans cette situation économique déplorable », a encore estimé le patron de la centrale syndicale, lors de l’ouverture du congrès de la Fédération générale du transport.