Le monde scientifique tunisien est en deuil. Le père de l’industrie pharmaceutique tunisienne nous a quittés à 94 ans. Mohamed El Fekih a été nommé par Habib Bourguiba Président Directeur Général de la Pharmacie centrale de Tunisie en 1963. Il a, également bâti la SIPHAT en 1989.
Né le 1er juin 1930, Mohamed El Fekih a indubitablement laissé son empreinte sur la Tunisie.
Après avoir obtenu ses deux parties de baccalauréat, major de promotion en juin 1949, il fait un stage en pharmacie à l’Institut des Hautes études de Tunis (1950) et continue ses études en pharmacie en France à Marseille. Mohamed El Fekih obtient son diplôme de pharmacien en 1954.
Cependant, le travail de cet amoureux des sciences et de la Tunisie ne s’arrête pas là. Il a brillamment obtenu des diplômes de l’Institut de phytopharmacie ainsi que de l’Institut de Médecine et de Pharmacie Tropicale de Marseille. En parallèle de ces accomplissements, il réussit sa licence en sciences à la Faculté des Sciences de Marseille.
Mohamed El Fekih sera nommé assistant à la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Marseille. Il prépare sa thèse de Doctorat d’État en pharmacie, qu’il obtient en octobre 1957 avec les félicitations du jury. Lauréat de la Faculté cette même année, ce Nabeulien reçoit également le prix de thèse et une médaille d’argent en reconnaissance de son travail exceptionnel.
Il prépare en concomitance des certificats de biologie clinique et réussit aux certificats des études spéciales de sérologie et hématologie.
Carrière universitaire
Nommé chef de travaux à l’Institut des Hautes Études, il retourne en Tunisie pour débuter sa carrière universitaire dans son pays.
Ayant été nommé à la direction du Laboratoire de Pharmacologie, il prend en charge la formation des stagiaires en pharmacie.
Après avoir été nommé maître de recherches, puis maître de conférences, il poursuit sa carrière universitaire à la Faculté des Sciences de Tunis.
Il enseigna à la Faculté de Pharmacie de Monastir et a assumé respectivement les charges de membre du conseil de cette Université et du conseil de Direction de la Faculté des Sciences de Tunis. Il contribua à la formation en Tunisie des premières générations de médecins et de pharmaciens tunisiens, un exploit qu’on ne peut guère nier.
Carrière de santé publique
Le secrétaire d’État à la Santé publique l’appela pour mettre sur pied les laboratoires de biologie dans les hôpitaux et pour former les cadres nécessaires à la marche de ces laboratoires.
Il a exercé les fonctions de pharmacien conventionné, en charge de la direction du laboratoire, au sein du secrétariat d’État à la santé publique et aux affaires sociales de 1958 à 1963.
Il a ensuite assuré l’intérim du service de la pharmacie au départ de son titulaire français et jusqu’à la nomination d’un responsable tunisien à plein temps. Il sera nommé membre du Conseil d’administration de l’Institut Pasteur de Tunis, puis membre du Conseil d’administration de la Pharmacie centrale de Tunisie.
Mohamed El Fekih a été nommé en janvier 1963 par le président Habib Bourguiba en qualité de Directeur de la Pharmacie Centrale de Tunisie. Toutefois, son décret de nomination précisait qu’il conservait ses fonctions de maître de conférence à l’Université de Tunis. Il occupera parallèlement durant 17 ans les fonctions de maître de conférences à l’Université et de Directeur de la Pharmacie Centrale de Tunisie.
Le promoteur de l’industrie pharmaceutique en Tunisie a assuré la responsabilité de l’approvisionnement du pays en médicaments, devenu un monopole de l’État, tenant ainsi tête aux multinationales. Il occupera ce poste durant une vingtaines d’années.
Il a, en outre, le mérite d’avoir mis en place des laboratoires d’analyse dans les hôpitaux et d’avoir sauvé la Tunisie de l’épidémie de la tuberculose et du trachome (rmad).
Activités dans le domaine de la coopération internationale
Il a participé à une dizaine de missions, notamment à Genève, en Somalie, à Nairobi au Kenya et enfin à Tokyo (Japon) en tant qu’expert de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
En tant qu’expert de la Banque mondiale, il a participé à six missions, notamment au Sénégal, au Mali, en Haute Volta, au Cameroun et enfin en Chine populaire.
Il a travaillé dans le domaine du contrôle international des stupéfiants.
Il a aussi travaillé avec l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (UNIDO), la CNUCED et la Ligue des États Arabes.
Il a été l’artisan de la création du Laboratoire National de Contrôle des Médicaments, devenu centre de référence de l’OMS. Il a également développé la pharmacovigilance en collaboration avec le Centre international de la pharmacovigilance.
Activités dans le domaine de la culture
Au niveau national :
Le 28 février 1959, le secrétaire d’État à l’Éducation nationale a créé le premier Comité Culturel National, remplaçant l’ancienne Alliance Française. Son siège, situé au 16 Rue Larbi Zarrouk à Tunis, a été nommé « Maison des Associations Culturelles » (دار الجمعيات الثقافية). Mohamed El Fekih, membre de ce comité, a été désigné pour gérer la trésorerie et les activités de la maison pendant plusieurs années. Cela a préparé le terrain pour la création du Secrétariat d’État aux affaires culturelles, dirigé par Chadli Klibi, ancien membre du comité.
Au niveau régional :
Mohamed El Fekih a fondé de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG), notamment l’Union des chercheurs scientifiques tunisiens (1959) et la Société Tunisienne des Sciences Pharmaceutiques (1968).
Il a largement contribué aux activités sportives à Nabeul et au niveau national. En tant que trésorier et président de plusieurs associations sportives, dont l’association sportive de la Santé Publique et la Pharmacie Centrale, il a organisé le 4ème tournoi sportif de la santé en 1991, rassemblant toutes les associations des hôpitaux de la République. Président de la Fédération Nationale de la Boxe de 1988 à 1991, il a également préparé l’équipe nationale pour les Jeux méditerranéens de Palerme. Son mandat de dix-sept ans à la tête du Stade Nabeulien est bien connu des habitants de la ville.
Mohamed El Fekih a été durant neuf années membre du Conseil Municipal de Nabeul.
Il a reçu plusieurs distinctions, dont les insignes de chevalier puis d’officier de l’Ordre de la République, la médaille de l’Association des Pharmaciens Arabes et la médaille de l’Union des Médecins Arabes.
Un discours poignant a été prononcé par un membre du conseil de l’ordre des pharmaciens et le bureau directeur du Stade Nabeulien durant son inhumation, en présence d’un nombre impressionnant de personnes et de photographes. Le père spirituel du Stade Nabeulien a été reconnu pour son parcours de scientifique et ses qualités humaines qui ont marqué des générations.
Pour l’anecdote, un « barreh » a parcouru Nabeul à vélo pour annoncer le décès de ce grand homme.