A quelques encablures de la ligne d’arrivée, la course au Palais de Carthage vient de connaître un nouveau rebondissement avec l’annonce, par l’ARP, d’une proposition de loi excluant le Tribunal administratif du processus électoral et le remplaçant par la justice judiciaire. Ce texte prévoit que les nouvelles dispositions soient appliquées à la présidentielle du 6 octobre, dont la campagne a été entamée depuis une semaine. Nos vaillants députés, des députés patriotiques et valeureux à souhait, qui ne reculent devant rien, n’ont pas froid aux yeux ; ils ont sacrifié leurs vacances parlementaires pour se retrouver dans l’urgence et rédiger l’amendement en question. A la va-vite, peut-être, mais on nous rassure que la copie remise pour étude sera décortiquée et débattue en toute sérénité. Ce sera fait avec le plus grand sérieux, même si le temps imparti ne s’y prête pas vraiment. Une semaine entre le dépôt de la proposition et la plénière. Vite fait, bien fait, du beau travail et ce n’est pas peu dire.
D’ailleurs, que peut-on dire devant l’évidence, celle que nous rappelle l’un des députés signataires de la proposition d’amendement ? Sans cette nouvelle loi, la Tunisie connaîtra, explique-t-il, le « scénario libyen, soudanais et la guerre civile ». C’est pour dire : heureusement que nos députés veillent au grain. Qu’importe si, entretemps, le 6 mars dernier, plus précisément, le président de la République avait assuré : « La Constitution de juillet 2022 a apporté de nouvelles conditions à l’élection présidentielle et rien ne justifie d’apporter des amendements à la loi électorale. Il n’existe aucune contradiction entre les dispositions de la Constitution », assurant que « celui qui pense à tort que cette contradiction existe, devrait se rappeler la suprématie de la Constitution face aux autres textes de loi». Mais bon, parfois, il faut être plus royaliste que le roi. A moins que…
Nos élus doivent bien savoir au fond d’eux-mêmes qu’ils ont cassé la branche sur laquelle ils étaient assis, mais demander un examen de conscience ne ressemble pas à la moralité politique, surtout dans une période électorale. Mais bon, qu’à cela ne tienne. Des élus du peuple qui n’écoutent pas le peuple, c’est quelque chose de banal. Pourquoi devra-ton écouter ces milliers de manifestants qui, par deux fois en une quinzaine de jours, sont descendus dans la rue pour exprimer leur ras-le-bol, pour dire clairement que quelque chose ne tourne pas rond en cette période électorale. Cela ne tourne pas rond, pour ne pas dire que cela tourne au vinaigre. Les slogans répétés lors de ces manifestations en disent long sur l’amertume de ces Tunisiens.
On ne parle pas forcément politique, mais plutôt de ces Tunisiens qui font la queue chaque jour pour un kilo de sucre ou un paquet de farine. De ces Tunisiens dont la vie est en train de prendre des tournures acides. C’est vrai que pour ces Tunisiens, la querelle autour des attributions du Tribunal administratif importe peu. Il n’empêche que ce sont des électeurs et là, on joue à la roulette russe. On peut toujours accuser le Tunisien de tous les maux, mais, tôt au tard, mal lui en prend celui qui touche à son assiette.
Le mot de la fin est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n 903 du 25 septembre au 9 octobre 2024