La France vit une séquence politique caractérisée par l’instabilité et la confusion. Certes, un gouvernement a été nommé par le président Macron. Mais celui-ci souffre d’une faible légitimité démocratique, à tel point que son avenir dépend de la bonne volonté de Marine Le Pen. Une dépendance qui explique en partie l’ADN politique radicalement de droite de ce gouvernement dirigé par M. Barnier.
Quant à l’extrême droite de Marine Le Pen, elle semble opter pour la patience en vue de l’accès au pouvoir… Une perspective qui ne représente en rien une réponse à la nette dégradation des finances publiques de la France.
Un paysage médiatique radicalisé
Si l’extrême droite est aux portes du pouvoir, elle le doit d’abord à son hégémonie médiatique et culturelle. Ses mots et son imaginaire dominent plus que jamais le débat public et le paysage médiatique. Cette réalité place différents acteurs face à leur propre responsabilité (plus ou moins assumée) : des dirigeants de chaîne, des journalistes ou autres éditorialistes ont collaboré à la stratégie de dédiabolisation des idées/partis d’extrême droite et à la légitimation du vote en leur faveur. En témoigne l’omniprésence de ses représentants non seulement dans les médias privés mais aussi dans le service public de l’audiovisuel : les plateaux TV et les ondes radiophoniques ont été investis par ses porte-parole officiels et officieux.
Si l’extrême droite est aux portes du pouvoir, elle le doit d’abord à son hégémonie médiatique et culturelle. Ses mots et son imaginaire dominent plus que jamais le débat public et le paysage médiatique. Cette réalité place différents acteurs face à leur propre responsabilité (plus ou moins assumée) : des dirigeants de chaîne, des journalistes ou autres éditorialistes ont collaboré à la stratégie de dédiabolisation des idées/partis d’extrême droite et à la légitimation du vote en leur faveur.
Outre ces visages, ce sont les idées et l’imaginaire du RN qui n’ont cessé d’être promus par un système médiatique de plus en plus aligné sur le rythme et les pratiques de chaînes « d’information » continue. En effet, leurs choix éditoriaux s’inscrivent largement dans une démarche de légitimation des représentations et obsessions de l’extrême droite : sécurité, autorité, immigration, islam, identité. Ces thèmes ne se sont pas imposés d’eux-mêmes. Ce suivisme idéologique libéralo-réactionnaire, auquel le service public de l’audiovisuel lui-même n’échappe pas totalement, se traduit par un déficit de contradiction lors des interviews. La légèreté programmatique, le racisme structurel et les éléments de langage du RN sont relativisés et peu questionnés.
Un gouvernement sous influence de l’extrême droite
Non seulement la survie du « gouvernement Barnier » dépend de la volonté de Mme Le Pen, mais sa feuille de route programmatique est largement influencée par les priorités de l’extrême droite. En cela, la séquence actuelle consacre la longue dérive réactionnaire des élites politiques françaises.
Ainsi, lors de la passation de pouvoir au ministère de l’Intérieur, Bruno Retailleau, nouveau ministre de l’Intérieur, a martelé sa devise : « Rétablir l’ordre, rétablir l’ordre, rétablir l’ordre ». La mission inhérente au ministère de l’Intérieur est ainsi érigée en une sorte d’obsession, de nature à invisibiliser une autre fonction de ce ministère régalien : la garantie des libertés publiques. En cela, ici comme ailleurs, le nouveau gouvernement est appelé à intensifier et à accélérer une dynamique illibérale.
Une tendance lourde qui nourrit l’union idéologique des droites autour du discours de l’extrême droite. Ainsi, alors qu’une énième loi sur l’immigration vient à peine d’être votée, le Premier ministre a estimé que l’on devait « traiter cette question de l’immigration avec beaucoup plus de rigueur ». « Il y aura des ruptures, beaucoup plus de fermeté et en même temps de l’humanité », a-t-il ajouté. Précisant qu’il s’agit de « la ligne » qu’il compte « suivre […] pour maîtriser et limiter une immigration qui devient souvent insupportable ».
Des obsessions loin de l’urgence économique et financière à laquelle est confronté le pays. La dette publique de 3 228,4 milliards (112 % du PIB) au second semestre, un record, confirme la forte dégradation des comptes publics en 2024. Une dette de plus en plus cher à financer.
Michel Barnier a réfuté tout « tabou ou totem ». Or en trente ans, une vingtaine de textes législatifs se sont déjà succédé en matière de politique d’immigration et d’asile. Michel Barnier se plie ainsi à un exercice imposé de la vie politique française, qui traduit une vision sécuritaire et identitaire de la « question de l’immigration ». Celle-ci jette une lumière crue sur la déshumanisation d’immigrés érigés en ennemi de la sécurité et d’une identité (française) fantasmée.
Des obsessions loin de l’urgence économique et financière à laquelle est confronté le pays. La dette publique de 3 228,4 milliards (112 % du PIB) au second semestre, un record, confirme la forte dégradation des comptes publics en 2024. Une dette de plus en plus cher à financer. En effet, sur le marché primaire, le taux auquel Paris emprunte sur dix ans, utilisé comme référence par les investisseurs, a dépassé celui de l’Espagne, du Portugal ou de la Grèce… Outre la perspective d’une hausse des impôts (qui devrait cibler les grands groupes), l’objectif de trouver au moins 10 milliards d’euros d’économie devrait se traduire aussi par une politique d’austérité. Celle-ci consisterait à engager des coupes budgétaires toujours plus drastiques. Et ce, au risque de tendre plus encore le climat politique et social…