Présentée comme une « victoire décisive » et un « tournant historique » par le Premier ministre israélien, l’assassinat du chef spirituel du Hezbollah a suscité des réactions de colère du côté de l’Iran. Mais sans passage à l’acte pour le moment, les autorités iraniennes craignant qu’une guerre totale contre le « petit Satan » ne finisse par l’effondrement de la République islamique.
Le monde retient son souffle depuis la mort d’Hassan Nasrallah, le chef spirituel du Hezbollah libanais, dans une frappe israélienne. Tout le monde scrute la réaction de l’Iran qui finance et arme le mouvement chiite ; et qui, par la voix du premier vice-président iranien, Mohammad Reza Aref, avertit « les dirigeants du régime d’occupation que l’effusion de sang injuste, en particulier celle du secrétaire général du Hezbollah, le martyr Sayyed Hassan Nasrallah, entraînera leur destruction ».
De même, le guide suprême de la Révolution islamique, l’ayatollah Ali Khamenei, promet aussi vengeance : « Le sang du martyr ne restera pas impuni », a-t-il promis.
Simples fanfaronnades pour se donner une contenance devant ses alliés, des milices implantées dans toute la région, y compris les milices chiites en Irak et Houthis au Yémen, et qui revendiquent une riposte iranienne proportionnelle à la énième provocation israélienne restée jusqu’à présent sans réponse?
Provocation
La dernière en date? Benjamin Netanyahou qui s’est félicité de la mort d’Hassan Nasrallah en en considérant qu’Israël a « réglé ses comptes », a mis en garde l’Iran. « Au régime des Ayatollahs, je dis : quiconque nous frappe, nous le frapperons. Il n’y a pas d’endroit en Iran ou au Moyen-Orient que le bras long d’Israël ne puisse atteindre, et aujourd’hui vous savez déjà à quel point c’est vrai », a-t-il déclaré. Le message est clair.
Un tigre de papier?
Il faut reconnaître à ce propos que le régime des mollahs a bien avalé des couleuvres de la part du « petit Satan » : l’assassinat du chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, le 31 juillet 2024 dans une résidence ultra sécurisée en plein cœur de Téhéran et gardée par des Gardiens de la Révolution; ou encore l’assassinat, le 3 janvier 2020, du général Qassem Soleimani, chef des forces Al-Qods, unité d’élite des Gardiens de la révolution et architecte de l’Axe de la Résistance pro-iranien au Moyen-Orient. Sans omettre l’élimination par les services secrets israéliens, le 27 novembre 2020, de Mohsen Fakhrizadeh, le cerveau du programme nucléaire iranien.
N’y a-t-il pas un risque que les différents partenaires au sein de l’« axe de la résistance » finissent par considérer que leur mentor iranien n’est pas un allié fiable et qu’il s’avère n’être qu’un tigre de papier au Moyen-Orient?
Realpolitik
En effet, qu’a fait le régime des mollahs hormis les menaces de vengeance? Rien, et pour cause.
C’est que, pour les dirigeants iraniens, beaucoup plus pragmatiques qu’on ne le pense, les intérêts supérieurs et les calculs géopolitiques à moyen et long terme priment sur l’esprit de revanche. Donc, il faut savoir plier l’échine en attendant le passage de l’orage. Le but ultime étant de posséder la bombe nucléaire avant d’oser se frotter à l’armée israélienne supérieure sur le plan militaire, technologique et en matière de renseignement. De plus, ce n’est un secret pour personne, Tel-Aviv détient à son actif cette terrible arme.
La vérité, c’est que Téhéran cherche à gagner du temps jusqu’en octobre 2025, date d’expiration de la clause permettant aux pays européens de renouveler les sanctions contre l’Iran sans droit de veto au Conseil de sécurité. Et c’est dans cette logique que l’Iran se concentre actuellement sur une campagne diplomatique visant à parvenir à une solution politique avec les États-Unis concernant son programme nucléaire.
Cela étant, c’est une question de survie pour le régime de Téhéran : faut-il sacrifier son programme nucléaire en déclarant la guerre à Israël rien que pour venger Hassan Nasrallah et voler au secours de la milice chiite au Liban? La réponse coule de source : le timing de la guerre entre Israël et le Hezbollah ne convient pas à la République islamique.
Ainsi, par leur self control, les mollahs qui ne sont pas tombés dans le piège tendu par Israël à l’Iran, adressent un clin d’œil à Washington pour dire que leur pays souhaite le dialogue et non la guerre.
Reste la question : il est évident que l’ancienne Perse veut sa bombe atomique et avale des couleuvres pour gagner du temps. Mais les Américains et l’Etat hébreu vont-ils le laisser la fabriquer, maintenant qu’elle montre des signes de faiblesse? C’est mal les connaître.