Par l’attaque d’une rare envergure menée contre l’ensemble du territoire israélien, la République islamique d’Iran vise à établir sa dissuasion face « à l’ennemi sioniste ». Tout en évitant à tout prix une guerre totale dont les conséquences sont imprévisibles pour le régime des mollahs.
Dans un article paru sur les colonnes de L’Economiste Maghrébin, mardi 1er octobre et intitulé « Téhéran ne bougera pas le petit doigt pour le Hezbollah », l’auteur de ces lignes prédisait que « pour les dirigeants iraniens, beaucoup plus pragmatiques qu’on ne le pense, les intérêts supérieurs et les calculs géopolitiques à moyen et long terme priment sur l’esprit de revanche. Donc, il faut savoir plier l’échine en attendant le passage de l’orage. Le but ultime étant de posséder la bombe nucléaire avant d’oser se frotter à l’armée israélienne supérieure sur le plan militaire, technologique et en matière de renseignement ».
Par conséquent, ajoute l’article : « C’est une question de survie pour le régime de Téhéran : faut-il sacrifier son programme nucléaire en déclarant la guerre à Israël rien que pour venger Hassan Nasrallah et voler au secours de la milice chiite au Liban ? La réponse coule de source : le timing de la guerre entre Israël et le Hezbollah ne convient pas à la République islamique ».
Or, le lendemain, les sirènes d’alerte retentissaient dans l’ensemble du territoire israélien, l’Iran ayant tiré entre 180 et 200 missiles pour venger la mort la mort d’Hassan Nasrallah et d’Ismaïl Haniyeh, les chefs du Hezbollah libanais et du Hamas palestinien. La précédente analyse a-t-elle été démentie par les faits, soit une attaque d’une grande envergure lancée par l’Iran contre l’ennemi israélien? Pas si vite.
Une attaque d’envergure
En effet, Téhéran a annoncé, mercredi 2 octobre à la télévision d’Etat, avoir lancé 200 missiles contre l’Etat hébreu, dont pour la première fois plusieurs missiles hypersoniques Fattah, capables de se déplacer à 15 fois la vitesse du son, volant à basse altitude, avec une trajectoire difficilement prévisible, rendant leur interception complexe. A en croire Les gardiens de la révolution, armée idéologique iranienne, « 90 % des missiles avaient atteint leur cible ».
Ironie du sort : selon un premier bilan humain, un Palestinien a été tué par un éclat de missile à Jéricho. En Cisjordanie, deux Israéliens ont été légèrement blessés.
Pour sa part, Tsahal a avancé « qu’environ 180 missiles ont été tirés vers le territoire israélien depuis l’Iran ». Tout en affirmant « qu’un grand nombre d’entre eux ont été interceptés par le système de défense Dôme de fer ».
« Incroyable risque »
Faut-il en conclure que le régime des mollahs, faisant fi de toute prudence, a pris « l’incroyable risque d’attaquer Israël », selon l’expression du quotidien français Le Point? Sachant que le président américain, Joe Biden, l’allié inconditionnel de l’Etat hébreu, a déclaré à la presse que « Les Etats-Unis soutiennent pleinement, pleinement, pleinement Israël ». Tout en s’empressant depuis la salle de crise de la Maison Blanche d’ordonner à l’armée américaine « d’intercepter les missiles balistiques iraniens ciblant Israël ».
Bref, Téhéran s’apprête-il à engager une guerre totale contre son ennemi héréditaire en dépit du rapport des forces qui est loin de lui être favorable? Ou cherche-t-il à laver l’affront d’une série d’humiliations infligées par l’Etat hébreu dont la dernière en date était l’assassinat d’Hassan Nasrallah?
« L’Iran a commis une grave erreur ce soir et en paiera le prix », a déclaré, en soirée, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. « Nous nous en tiendrons à ce que nous avons fixé : celui qui nous attaque, nous l’attaquons », a-t-il menacé.
Apaisement
A noter que face aux menaces israéliennes, le ton, côté Téhéran, était à l’apaisement : « Nous avons agi ainsi après avoir fait preuve d’une immense retenue pendant près de deux mois, afin de laisser la place à un cessez-le-feu à Gaza », a écrit sur la plateforme X le ministre des Affaires étrangères iranien, Seyed Abbas Araghchi. Ajoutant que « notre action est terminée à moins que le régime israélien ne décide d’inviter à de nouvelles représailles. Dans ce cas, notre réponse sera plus forte et plus puissante ».
Par cette déclaration officielle, il semble évident que le régime des mollahs ne cherche pas l’escalade avec Tel-Aviv.
Dissuasion
En effet, selon les experts militaires, l’opération d‘ampleur baptisée « Promesse honnête 2 » lancée contre le territoire israélien avec des plus de 180 missiles balistiques- une attaque « environ deux fois plus large en termes de nombre de missiles balistiques lancés que celle de la nuit du 13 avril », selon le Pentagone- vise à rétablir la dissuasion face à son ennemi juré.
Ainsi, en créant un nouveau choc psychologique chez des citoyens israéliens épuisés par les massacres du Hamas du 7 octobre 2023 et un an de guerre à Gaza, Téhéran adresse un avertissement à Israël avec une opération entièrement « calibrée » ne visant strictement que des sites militaires israéliens, couplées au nombre limité de victimes israéliennes. Et ce, dans le but de rétablir l’équilibre des forces dans la région. Tout en restaurant l’image écornée de l’Iran, coupable aux yeux des opinions publiques arabes de ne pas porter secours au Hezbollah libanais. Ainsi, l’honneur est sauf et l’affront lavé.