En dépit de la condamnation sévère à 12 années de prison ferme contre le candidat à la présidentielle, Ayachi Zammel, en plus de l’interdiction de vote, est-il encore éligible? Théoriquement oui, à moins d’un rebondissement de dernière heure.
Chut ! La campagne électorale des candidats pour la présidentielle tunisienne s’achève jeudi à l’étranger et vendredi 4 octobre en Tunisie. Soit 24 heures avant le scrutin présidentiel prévu le 6 octobre. Commencera alors une période de silence électoral pendant laquelle il est interdit aux candidats de mener toute activité électorale. Comme il est également interdit aux médias et aux citoyens de diffuser tout message à caractère de propagande électorale sur n’importe quel outil de communication; et ce, en vertu des dispositions de la loi électorale. Alors profitons-en pour évoquer le cas d’un citoyen lambda, Ayachi Zammel.
Industriel de 47 ans, il prospère dans l’agroalimentaire et est un ancien député peu connu du grand public, jusqu’à sa candidature à la magistrature suprême. Une fois acté officiellement comme candidat, il a vu sa vie basculer dans l’horreur, broyé par la machine infernale de la justice. Jugez-en vous même!
Des condamnations très lourdes
En effet, accusé de falsification de parrainages dans le cadre de l’élection présidentielle, celui qui figure parmi les trois candidats en lice pour l’élection présidentielle prévue dimanche prochain a été condamné le 1er octobre par la chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Tunis 2, à une peine extrêmement sévère de 12 années de prison ferme. A savoir une peine de trois ans d’emprisonnement pour chaque affaire parmi les quatre dossiers le concernant. De plus, ces condamnations sont accompagnées d’une interdiction de vote.
A cet égard, notons qu’Ayachi Zammel était arrêté dès le 2 septembre 2024 pour des soupçons de faux parrainages. Dans une affaire où le tribunal de Manouba le remettait en liberté le 6 septembre. Avant qu’il ne soit de nouveau arrêté sur instruction du tribunal de Jendouba pour des accusations similaires. Tandis que la juge qui a ordonné sa libération a été aussitôt mutée.
Puis, le 18 septembre, le tribunal de première instance de Jendouba le condamnait à vingt mois de prison dans une affaire similaire. Suivie d’une autre peine, le 25 septembre, de six mois de prison pour avoir utilisé une attestation falsifiée.
Jeudi 3 octobre, le président du comité de défense du candidat à la présidentielle Ayachi Zammel, Me Abdessatar Messaoudi, a annoncé, via un post sur Facebook, que la Cour d’appel de Jendouba a confirmé le verdict rendu en première instance à l’encontre de son client, soit 20 mois de prison.
Et d’ajouter que le collectif de défense allait recourir à « tous les moyens légaux », y compris la justice internationale, pour défendre la cause de leur client. « Il reste en lice », a-t-il martelé.
Justice éclair
Mais là où les choses se gâtent c’est lorsque, à l’étonnement de ses avocats, le dossier de leur client jugé en première instance par le tribunal de Jendouba a été rapidement transféré à la Cour d’appel de la même ville.
Ainsi, lors de l’audience, l’ensemble des avocats de la défense a déposé les notifications de leur représentation et a unanimement demandé un report pour pouvoir consulter le jugement de première instance et préparer leurs plaidoiries. Et ce, afin de leur permettre d’étudier le dossier en profondeur avant de présenter des rapports à la Cour.
Mais, à la surprise générale, et laissant peu de temps à la défense pour se préparer convenablement, la Cour d’appel décida de reporter l’audience de seulement quelques heures, passant de 10h à 13h le même jour. « Un délai aussi court, même dans les affaires urgentes, est rare et soulève des questions sur la volonté apparente d’obtenir un arrêt en appel avant la date du 6 octobre, coïncidant avec le jour de l’élection présidentielle », lit-on dans le communiqué émanant de l’équipe des avocats de la défense.
Un dossier politique
S’agit-il d’un arrêt accéléré visant à écarter Ayachi Zammel de la course à la présidentielle? C’est la thèse avancée par l’avocat Faouzi Jaballah qui évoque dans un post publié jeudi 3 octobre 2024 un dossier qui est transféré « à la vitesse de l’éclair » à la Cour d’appel de Jendouba.
L’équipe de la défense, a-t-il ajouté, demande un délai pour prendre connaissance du texte du jugement de première instance, en discuter devant la Cour d’appel et rédiger des rapports à soumettre à la Cour. « Or, fait inattendu et totalement inacceptable », la Cour décide de retarder le dossier de 10 heures à 13 heures le même jour, ce qui sera l’heure de la plaidoirie.
Et de conclure : « C’est une chose qui n’arrive jamais, même dans les cas les plus urgents. La raison est claire : ils insistent pour obtenir un jugement d’appel avec effet immédiat avant le 6 octobre ».
Au final, Ayachi Zammel, un des seuls trois candidats autorisés à concourir, est-il encore en lice pour le scrutin du 6 octobre? Et ce, en dépit des condamnations prononcées contre lui par la justice, dont les 12 années de prison ferme pour des accusations liées à des falsifications de parrainages.
L’arrêt rendu (la Cour d’appel de Jendouba a confirmé le verdict rendu en première instance à l’encontre d’Ayachi Zammel, soit 20 mois de prison. NDLR) « n’invalide ni sa candidature ni les votes en sa faveur », assure l’avocate Dalila Ben Mbarek Msaddek, membre du comité de défense.
« Il s’agit d’un arrêt rendu après la validation de la candidature et qui n’a pas d’effet rétroactif. Il ne comporte pas d’interdiction de candidature », a encore expliqué l’avocate.
Du fond de sa cellule, M. Zammel est-il encore en lice pour la présidentielle qui se joue dans deux jours? Etrange situation.