Trois grands projets pour l’amélioration des services dans les bibliothèques publiques de tous les gouvernorats sont pilotés par le département du livre au ministère des Affaires culturelles. La facilitation de l’accès au livre pour les non-voyants et déficients visuels est au cœur des actions du département qui ambitionne de généraliser ce concept dans toutes les bibliothèques du pays.
Dans une interview avec la TAP, la Directrice de la lecture publique au Département du livre, Leila Selmi, a déclaré que son département s’attèle à parachever ces trois grands projets, de rénovation des bibliothèques publiques et de développement de leur collections, afin de les rendre des lieux plus attrayants pour le lectorat, notamment les enfants.
Ce chantier national compte notamment un « projet d’accès à la culture pour les personnes vulnérables » qui offre à ces catégories sociales un accès plus facile et adapté à leurs besoins. Cet important projet comprend trois axes qui consistent en l’acquisition de « livres en braille », d’accessoires de lecture (littéralement des valises de lecture) et des « audiothèques » qui sont des supports conçus pour les non-voyants et déficients visuels.
« Un budget annuel est consacré à l’acquisition de ce genre de livres en braille dont le prix est assez élevé », a indiqué la responsable, tout en présentant des données et de chiffres en lien à ces projets.
L’initiative des « valises des non-voyants » devra être, progressivement, généralisée dans les bibliothèques publiques sur l’ensemble de la république à raison de 10 valises pour chaque gouvernorat. Dans une première étape, un lot d’accessoires devra, bientôt, être mis à la disposition du lectorat, non-voyants et déficients visuels, dans deux bibliothèques régionales, aux gouvernorats de Monastir et Béja, a fait savoir la directrice.
L’interviewée a souligné que les accessoires de lecture en braille, le plus souvent importés, pourront être prêtés aux institutions privées en charge des personnes mal-voyantes, afin que « chacun puisse en bénéficier ».
Lancé en 2021, l’axe des audiothèques a couvert jusqu’à maintenant 7 bibliothèques régionales des villes de Ben Arous, Kasserine, Sfax, Tunis et Tozeur. Un coin équipé d’un ordinateur, d’écouteurs et d’autres outils est mis en place dans chacune de ces bibliothèques qui fournissent des livres audio pour le lectorat cible.
La directrice du Département de la lecture publique a expliqué que la distribution des livres en braille et des audiothèques est une priorité pour les bibliothèques proches des centres pour personnes non-voyantes. Citant des statistiques de la Fédération Nationale des aveugles, la responsable a annoncé que la plus grande collection de livres en braille se trouve dans la bibliothèque régionale de Ben Arous, située près de « l’Ecole préparatoire des aveugles de Bir El Kassaa ».
Pour son deuxième projet, le Département de la lecture publique offre ce qu’il appelle « espaces modèles » à certains groupes sociaux à travers un concept qui diffère du modèle des bibliothèques classiques. Sa directrice annonce le chiffre total de 41 espaces, divisés en trois catégories, dédiés à « l’éducation parentale » et qui se répartissent sur 24 espaces dotés de coins aménagés pour la lecture « audio » et autres pour la lecture « numérique » qui couvrent actuellement 11 espaces.
« L’éducation parentale » est un cadre d’apprentissage et ludique à la fois, orienté aux enfants en phase préparatoire, ou même en maternelle, qui peuvent en bénéficier à condition qu’ils soient accompagnés de leurs parents, a-t-elle dit. Cet espace offre des conditions favorables à la lecture à travers des couleurs attrayants et des meubles confortables en mettant à la disposition des enfants des livres fabriqués à partir de matériaux adaptés à leur âge, tels que les livres en tissu ou en plastique et les livres éducatifs en 3 D.
Le troisième projet baptisé les « Jardins de la lecture » consiste à exploiter les espaces verts de certaines bibliothèques et leur aménagement pour l’accueil des visiteurs et l’organisation des activités culturelles outdoor. Ce projet a été lancé à la Bibliothèque publique de Houmt Souk, dans l’île de Djerba, avec l’ambition de l’implanter successivement dans le reste des bibliothèques publiques du pays.
Politiques de développement des collections dans les bibliothèques publiques :
Evoquant la politique « d’acquisition et de développement des collections livresques » dans les bibliothèques publiques à travers la République, Leila Selmi a annoncé que le ministère des Affaires Culturelles alloue annuellement « un budget d’environ six millions de dinars tunisiens pour l’acquisition de livres et autres publications périodiques et numériques, tunisiennes et étrangères ».
Le Département de la lecture publique demande, chaque année, aux bibliothèques régionales de lui adresser des propositions des titres manquants. De nouvelles publications sont par la suite, acquises au profit des bibliothèques qui les demandent.
L’acquisition des livres et autres publications se fait sous la supervision d’un comité spécial qui comprend notamment des représentants des bibliothèques publiques. En 2023, il y a eu l’acquisition d’une collection de « 1112 livres dont 839 en arabe, 239 en d’autres langues étrangères et 34 livres en arabe et en français », a fait savoir la responsable affirmant que la réunion du comité de cette année n’a pas encore eu lieu.
Le processus d’acquisition des livres est soumis à un ensemble de critères. Selon la responsable au département du livre, les membres du comité doivent avoir les connaissances scientifiques et littéraires nécessaires en la matière et choisir des publications récentes. Dans ce contexte, elle a indiqué que « l’écart des prix des livres littéraires et scientifiques est principalement déterminé par la disponibilité de la production intellectuelle, en particulier du livre tunisien qui demeure peu abondant et ne touche pas tous les secteurs ».
Elle a fait constater « une grande pénurie qui touche, généralement, le domaine des Sciences exactes et les livres pour les jeunes, ce qui explique, à son avis, le taux de fréquentation assez faible des bibliothèques pour cette catégorie de lecteurs. D’autant plus que la mise en page et le contenu du livre tunisien pour enfant demeure peu attrayant et n’incite pas à la lecture, a-t-elle ajouté.
Les acquisitions sont distribuées aux bibliothèques publiques via les bibliothèques régionales. Conformément aux conventions de partenariat conclues entre le ministère des Affaires culturelles et autres structures publiques, un nombre important des livres est offert aux bibliothèques scolaires, aux centres d’hébergement et de loisirs pour enfants et autres espaces.
Au cours du premier semestre de 2024, les livres distribués étaient repartis entre les institutions culturelles avec bibliothèques (3 595), les délégations régionales aux Affaires culturelles (3 380), le ministère de l’Éducation (3 180), les associations et les organisations (3200), le ministère de la Famille, de la femme, de l’enfance et des personnes âgées (1 760), le ministère de la justice (1000) et le ministère de l’Enseignement supérieur (215).
Les livres sont distribués selon les besoins et dans les limites des stocks disponibles, a affirmé la Directrice de la lecture publique au Département du livre.
Programmes d’incitation à la lecture :
Mme Selmi a souligné que « la distribution des livres à diverses institutions rentre également dans le cadre des divers programmes d’incitation à la lecture lancés depuis les années 90, afin de préserver la relation entre la bibliothèque et ses adhérents qui sont pour la plupart des élèves étudiants et des étudiants. »
« Les bibliothèques généralement situées à proximité des établissements éducatifs et d’enseignement supérieur, constituent un véritable refuge pour les élèves et les étudiants passionnés de lecture, a indiqué la responsable.
Dans le cadre de la politique d’encouragement à la lecture, des manifestations sont organisés chaque année, à l’instar de celle consacrée à « la lecture en milieu rural » qui est organisée, en coopération avec le ministère de l’Éducation, par 40 bibliothèques itinérantes.
« Un livre sur les frontières » est une manifestation qui vise à rapprocher le livre des enfants dans les écoles et les espaces culturels dans les zones frontalières du Nord au Sud du pays. Les bibliothèques itinérantes s’installent temporairement dans ces régions et offrent différentes activités éducatives pour les écoliers ce qui facilite ainsi leur accès au livre.
Lancé en 2023, cette manifestation est organisée, chaque session, par l’une des bibliothèques régionales des gouvernorats frontaliers. Le programme de 2024 sera parrainé par la Bibliothèque régionale de Tozeur qui passera le flambeau, en 2025, à la Bibliothèque Régionale de Kasserine.
Le programme national d’incitation à la lecture comprend une manifestation annuelle baptisée « Colonie de vacances pour le livre » dont la 31ème édition sera clôturée par un Forum, prévu les 13 et 14 octobre, pour l’évaluation des travaux de sa session actuelle et des programmes de bibliothèques pour l’année en cours ainsi que les rapports sur cet événement dans diverses régions du pays. Des ateliers de formation sur l’organisation des festivals et leur promotion auront également lieu en marge de ce Forum.
Le championnat national de la lecture tenu sa troisième session en 2023, constitue une manifestation phare dont l’impact est palpable chez le jeune lectorat. Les qualifications se font au niveau local, régional et national dans le cadre d’un concours basé sur la lecture d’un nombre spécifique de Livres. L’événement rassemble annuellement 1440 candidats à raison de 60 participants de chaque gouvernorat.
Leila Selmi a souligné que ces projets ont pour ultime objectif de moderniser les bibliothèques publiques en Tunisie afin qu’elles soient au diapason des développements techniques et bibliothécaires dans le monde et d’en faire des espaces attractifs pour le lectorat, en phase avec l’usage croissant de la technologie.
Avec TAP