Aujourd’hui, le monde change à grande vitesse. Les ennemis d’une époque deviennent les alliés d’aujourd’hui et vice-versa. Après la crise Ukraine-Russie et le conflit syrien, plusieurs pays se préparent à une nouvelle géopolitique au Moyen-Orient et au Proche-Orient. Pour une compréhension approfondie des enjeux géopolitiques, il est crucial d’adopter une perspective mondiale. Le Dr Rafaa Tabib, géopolitologue et enseignant à l’École Supérieure de Guerre de Tunis, met en lumière les enjeux géopolitiques actuels au Moyen-Orient et au Proche-Orient ainsi que sur l’impact sur les civils et le rôle perçu de la communauté internationale. Interview:
Quels sont les impacts potentiels de la région Moyen-Orient, Proche-Orient ?
Rafaa Tabib: Cela dépend des scénarios et de la capacité des uns et des autres à briser l’ennemi. Malheureusement, nous nous dirigeons vers une situation où il n’y aura ni séparation, ni paix, ni guerre. Je pense que nous nous acheminons vers des frappes stratégiques qui pourraient avoir des conséquences dévastatrices. La première partie qui déclarera forfait sera celle qui perdra. Cela dépend donc de l’issue de la bataille et des affrontements.
Il est déjà évident dans les représentations de la population, tant en Occident que dans la région du Moyen-Orient, qu’Israël n’est plus la force qu’elle était auparavant et qu’elle a désormais besoin de protection de la part des Américains pour survivre. Avec le dénouement qui se profile, les cartes vont changer. Je suis convaincu, d’après nos analyses et les échos que nous recevons de la région, qu’il y aura des gouvernements et des régimes qui tomberont, et peut-être même une révision des cartes dans la région.
Comment voyez-vous la réaction de la communauté internationale ?
Rafaa Tabib: La communauté internationale n’existe pas vraiment. Il n’y a rien qui s’appelle la communauté internationale.
Quelles sont les conséquences justement possibles pour les civils actuellement ?
Lorsqu’on évoque le terme « communauté », on parle d’un ensemble de valeurs et de rêves partagés. Cependant, qu’est-ce qui est réellement partagé aujourd’hui ? On assiste à des tragédies, comme des enfants écrasés par des chars d’assaut, tandis que certains continuent de prôner les valeurs occidentales et la démocratie.
Il semble donc qu’il n’y ait rien pour nous unir. Nous ne faisons plus partie d’une véritable communauté, mais plutôt de tribus globalisées, chacune avec ses propres intérêts et préoccupations. Maintenant nous appartenons à des tribus globalisées.
Un mot de la fin ?
N’oublions jamais que nous sommes en guerre depuis les accords Sykes-Picot, il y a un peu plus d’un siècle, en raison de l’interventionnisme occidental dans notre région et de sa volonté de maintenir sa domination sur nos peuples. Aujourd’hui, tous les peuples se sont levés contre cette domination occidentale.
Comme l’a écrit Emmanuel Todd dans son livre sur la défaite de l’Occident, ce dernier est en train de perdre partout dans le monde. Il ne reste pratiquement plus aucune base occidentale en Asie. Même les pays considérés comme des plateformes pour la présence occidentale, comme la Corée ou le Japon, deviennent désormais des pourvoyeurs pour les caisses américaines.
Nous ne savons même plus qui domine qui. En Afrique, les peuples se relèvent après la chute de l’apartheid ; une véritable vague d’émancipation est en cours. En Amérique latine, nous assistons à l’émergence de gouvernements de gauche. Cependant, notre région souffre encore : ce ne sont pas seulement les Américains qui exercent cette domination ; certains régimes arabes sans légitimité cherchent également une couverture américaine.
Les Américains sont présents non seulement parce qu’ils veulent dominer, mais aussi parce que certains régimes en font explicitement la demande.