Au moment où le débat sur l’immigration en France atteint des sommets de polarisation et au milieu des attaques répétées venant de l’extrême droite contre l’Algérie, l’ancien Premier ministre français, Dominique de Villepin, se dresse de toute sa stature pour défendre l’Algérie, ce « pays ami ». Tout en prônant le « dialogue » et le « respect mutuel », au lieu de la logique stérile de la confrontation.
Alors que le Vieux continent connaît depuis plusieurs années une vague de mouvements populistes et nationalistes, que la France, depuis le référendum raté, négocie aujourd’hui un virage à droite toute sur des positions anti-immigration- qui étaient jusque-là l’apanage de l’extrême droite et qui sont en train de contaminer les partis de centre droit- une voix libre et courageuse, celle de l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin se distingue, dans un contexte européen de durcissement des politiques migratoires, en appelant à la raison et à la coopération plutôt qu’à la confrontation.
Un Juste parmi les Justes
Et pour cause. Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, n’avait-il pas prononcé le 14 février 2003 devant le Conseil de sécurité des Nations unies un discours historique à plus d’un titre. Et ce, pour affirmer l’opposition de son pays à une intervention militaire en Irak? N’a-t-il pas prévenu dans un discours récent qu’« il n’y aura pas de paix au Moyen-Orient sans la création d’un Etat palestinien »? En rappelant à l’occasion qu’« en 1948, il y a un peuple qui a été privé de sa terre. 700 mille Palestiniens ont dû partir. Et cette injustice-là, c’est celle qui est encore à l’œuvre ».
Crispation
Et c’est dans un climat tendu entre l’Algérie et l’ancienne puissance coloniale- exacerbé par les attaques répétées contre l’Algérie en France, venant de l’extrême droite et marqué d’un côté par les accusations de génocide pendant la colonisation lancées par le président algérien Abdelmadjid Tebboune; et d’un autre côté par le revirement spectaculaire de la France qui soutient désormais le plan d’autonomie marocain concernant le Sahara occidental- que l’ancien patron de la diplomatie française sous Chirac observe avec inquiétude le dégradation progressive des liens bilatéraux entre Alger et Paris.
« Malheureusement, depuis plusieurs mois, voire des années, nous voyons la relation avec ce grand frère, ce pays ami qu’est l’Algérie, se détériorer de jour en jour […] allant de mal en pis, jusqu’à des accusations qui dépassent et de loin, toute réalité », a-t-il déploré.
« Dialogue et respect mutuel »
En revanche, et pour dégeler la situation, De Villepin insiste sur la nécessité d’un « dialogue » et du « respect mutuel » pour aborder ces questions sensibles. Il appelle à « la capacité d’assumer cette histoire qui est partagée et qui est si importante des deux côtés de la Méditerranée. » Or, constate-t-il, « cette vision contraste avec la rhétorique de plus en plus dure adoptée par certains politiciens français ».
Ainsi, en réponse à l’animatrice qui l’interpelait lundi 7 octobre sur le plateau de la chaîne France Info sur la crise actuelle entre l’Algérie et la France, déclenchée en juillet dernier après que le président français a décidé de soutenir les thèses marocaines sur la question du Sahara occidental; ainsi que le refus du président algérien Abdelmadjid Tebboune d’effectuer une visite en France « dans les conditions actuelles », Dominique de Villepin a souligné que « la France ne peut pas ignorer l’Algérie dans sa recherche de solutions à tous les problèmes posés ». Il met en garde contre la « tentation » en France « de faire de l’Algérie le bouc émissaire d’un certain nombre de nos problèmes, particulièrement en matière d’immigration ».
Revenant sur l’épineux dossier du Sahara occidental, l’homme d’Etat français, membre de la droite gaulliste, a soutenu qu’ « Emmanuel Macron ne devait pas ignorer l’Algérie à ce sujet ». En expliquant que le Président a voulu rétablir le dialogue avec le Maroc en acceptant la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental; mais qu’il aurait dû « faire tout cela dans le cadre des Nations Unies et en coordination avec l’Algérie ».
Des blessures encore béantes
Concernant la question mémorielle, les blessures étant restées vives des deux côtés de la Méditerranée, l’intervenant trouve absurde « d’ouvrir une guerre avec l’Algérie » ou « une guerre des mémoires »; et en remettant en cause les accords de 1968, qui accordent un statut particulier aux Algériens en France.
« Si nous regardons en arrière- et ce travail a été effectué par de nombreux historiens- il y a des crimes de guerre, voire des crimes contre l’humanité ». Or, « une reconnaissance claire d’un passé est nécessaire; sauf que certains politiciens en France cherchent à contourner, à déformer, ou à minimiser avec des termes inadéquats ». Un clin d’œil éloquent aux récentes déclarations des amis de Mme Le Pen.
Rappelons enfin que les récentes déclarations de l’ancien Premier ministre, connu pour son soutien aux causes justes, surviennent dans un contexte d’attaques virulentes de l’extrême droite qui exerce de plus en plus une influence grandissante sur la politique intérieure et extérieure de la France et qui exploite les questions de l’immigration et la question mémorielle pour empoisonner les relations, déjà exécrables, entre Alger et Paris.