Dans la foulée de la victoire écrasante de Kaïs Saïed à l’élection présidentielle, Naoufel Saïed, son directeur de campagne, appelle à « une trêve politique », ainsi qu’ « à la nécessité de rompre avec les tiraillements et les conflits ». Des signes avant-coureurs d’une éventuelle décrispation de la vie politique ? Eclairage.
Il faut écouter attentivement Naoufel Saïed dont la parole est rare. D’abord, parce qu’il est le frère du président ; ensuite, étant le chef d’orchestre de sa campagne électorale, il est en quelque sorte son porte-parole, même s’il n’occupait aucune fonction officielle. Enfin, on murmure dans les coulisses qu’il a l’oreille du président et sa confiance totale.
Une voix qui se veut libre
D’ailleurs, il ne s’en cache pas puisque dans une interview qui n’est pas passée inaperçue et qu’il a accordée, mardi 8 octobre, à la Radio nationale, le frère du président a révélé qu’en sa qualité de membre de la famille, « il a toujours soutenu le président de la République de manière spontanée et conforme à la loi, sans jamais intervenir dans les décisions de l’État ni tirer profit de leur lien de parenté ».
« Le rôle de la famille du président s’est limité à l’explication de son projet électoral, à son soutien et à l’adoption de ses idées », a-t-il ajouté.
Abondant dans ce sens, la belle-sœur et membre de la campagne électorale du président de la République, Atika Chebil, a indiqué dans une déclaration accordée dans la soirée du 6 octobre 2024 à Mosaïque Fm qu’il était tout à fait normal qu’un candidat jouisse du soutien de sa famille en évoquant, à titre d’exemple, Donald Trump, le candidat républicain à la présidentielle américaine. Toutefois, assurait-elle, « la famille de Kaïs Saïed le soutient mais ne s’ingère nullement ni dans ses décisions ni dans ses choix ».
S’agit-il d’un soutien inconditionnel ? Naoufel Saïed se défend d’être l’ombre du président : « Avant d’être le frère de Kaïs Saïed, je suis un activiste politique totalement investi depuis des lustres dans les affaires publiques de mon pays. Étant en phase intellectuellement avec le projet de Kaïs Saïed, je vais œuvrer pour sa concrétisation ».
Cela dit, a-t-il martelé, « notre lien de parenté ne m’empêchera pas de m’exprimer, et je ne permettrai à quiconque de censurer ma voix ».
La paix des braves
D’autre part, les observateurs politiques relèvent que la quintessence de l’intervention du frère du président réside dans son appel à une « trêve politique » et à la nécessité « d’une accalmie politique pour bâtir et pour construire de nouveau le pays ».
S’agit-il de prémices d’une ère nouvelle basée sur la décrispation de la vie politique à partir du 6 octobre, date de la victoire écrasante de Kaïs Saïed qui rempile pour un second mandat ?
« Il est nécessaire d’accueillir positivement le message envoyé par le peuple le jour du scrutin du 6 octobre ; un nouveau point de départ basé sur le capital de confiance que les Tunisiens accordent au président. Confiance qui sera le socle de la réflexion dans le processus de construction d’un nouvel avenir pour le peuple tunisien », a-t-il soutenu.
Et d’ajouter : « La trêve politique est déjà en place et il est question de la consacrer. Jusqu’à quand va durer le conflit ? Nous ne pouvons pas continuer ainsi éternellement. Il est aujourd’hui temps de mettre les conflits de côté, de réinstaurer le calme politique et d’écouter la volonté du peuple ».
Mais, a-t-il averti, « en plébiscitant le président de la République, le peuple a confirmé son adhésion au processus du 25 Juillet. Les parties qui le contestent doivent enfin le comprendre, elles n’ont pas de différend avec Kaïs Saïed mais avec le peuple. Ce système qui a échoué à convaincre le peuple doit se remettre en question et régler son passif avec le peuple tunisien dont les attentes ont trouvé écho dans le processus du 25 Juillet ».
Et de conclure : « Les résultats (de l’élection présidentielle, Ndlr) prouvent que ceux qui ont adhéré au système de la décennie noire ne peuvent plus gouverner, cela est impossible ».
Comment lire le message somme toute rassurant du frère du président, lequel exclut pourtant de facto ceux qui ont adhéré « au système de la décennie noire », voire les islamistes et les cercles qui lui sont inféodés ?
Apaiser les esprits
Il est évident que pour concrétiser les promesses du chef de l’Etat de « bâtir et construire de nouveau le pays, il est primordial d’apaiser les esprits et de mettre fin aux tiraillements politiques qui étaient à leur comble pendant et avant l’élection présidentielle.
Comment ? En libérant, dans un geste politique fort et audacieux, les prisonniers politiques qui croupissent en prison pour de vagues accusations de complot contre l’Etat.
En levant la menace qui pèse sur les médias, les journalistes et les internautes dont certains sont poursuivis pour un simple post Facebook. La place de nos confrères Mohamed Boughalleb, Mourad Zeghidi, Borhen Bssaïs, ou encore Sonia Dahmani, est-elle derrière les barreaux ou dans les salles de rédaction ?
Enfin, en cessant de diaboliser les hommes d’affaires dans l’ensemble afin de mettre en place un climat de confiance favorable au retour de l’investissement privé. Et ce, pour impulser la croissance et peser sur l’inflation galopante.
Il en va ainsi de la prospérité de notre peuple et de son droit à une vie politique paisible et stable après une décennie de soubresauts et de convulsions engendrés par une révolution, fût-elle pacifique.