L’affaire Donia Gueni intervient dans un contexte de sensibilisation accrue en Algérie autour du harcèlement sexuel; un comportement sévèrement puni par la législation en place. Paradoxalement, cette jeune fille tunisienne jugée dans un procès expéditif et condamnée à un an de prison ferme en a fait les frais : de victime, elle devient coupable!
Notre voisin de l’Ouest n’avait pas besoin d’avoir sur les bras une affaire aussi embarrassante que celle de la jeune femme tunisienne Donia Gueni, 21 ans, arrêtée, jugée à la va-vite et incarcérée en Algérie. Au point de nécessiter l’intervention du ministre des Affaires étrangères, Mohamed Ali Nafti, qui – selon les révélations, jeudi 10 octobre sur les ondes de Jawhara FM, du président de l’Organisation tunisienne de développement et de lutte contre la corruption, Zoubeir Turki – aurait pris personnellement l’affaire en main en donnant des instructions à notre ambassadeur à Alger pour intervenir auprès des autorités algériennes. Mais de quoi s’agit-il au juste?
Donia Gueni a publié une vidéo sur les réseaux sociaux où elle relate sa mésaventure en Algérie qui s’est terminée par une condamnation à un an de prison dans ce pays, après un procès éclair. Et ce, pour avoir dénoncé des faits de harcèlement sexuel.
L’Algérie « pas sûre pour les femmes »
En effet, critiquant dans une vidéo virale la réponse des autorités algériennes à sa plainte pour harcèlement sexuel et estimant que leur comportement ne répondait pas à la gravité de la situation, elle déclare que l’Algérie « n’était pas un pays sûr pour les femmes ». Une déclaration qui a provoqué un tel tollé en Algérie que certains médias, à la recherche de buzz, n’ont pas hésité à dénoncer des propos qui portent atteinte à la dignité du pays et à la souveraineté de l’Etat. Pas moins que cela !
Les faits, rien que les faits…
Dans une intervention mercredi 9 octobre 2024 sur les ondes de Diwan Fm, l’avocat de Donia Gueni, Me Mohamed Chahdi, a levé le voile sur les circonstances de l’arrestation et de la condamnation de sa jeune cliente.
Selon ses dires, Donia, qui s’était rendue en Algérie pour faire du shopping, a été victime de harcèlement sexuel de la part d’un groupe d’individus de nationalité algérienne lors de son séjour touristique à Annaba. En portant plainte, elle aurait été maltraitée par la gendarmerie algérienne d’Annaba avant d’être arrêtée. Ce qui l’aura poussé, par une réaction spontanée, à se plaindre de ne pas être en sécurité en Algérie.
Et c’est le début du cauchemar : accusée de « diffamation sur les réseaux sociaux, fausses accusations contre un fonctionnaire public et atteinte à la souveraineté de l’État », la jeune plaignante écopa d’un an de prison et d’une amende de 3 000 dinars algériens.
Mais, le plus surprenant, selon Me Mohamed Chahdi, c’est la célérité des poursuites judiciaires contre sa cliente qui a été arrêtée, jugée et condamnée à un an de prison et à une amende en l’espace de deux jours. Sans avoir eu l’opportunité de contacter sa famille ni d’être assistée par un avocat lors de son procès : « Ma cliente n’a pas bénéficié de protection juridique adéquate, notamment le droit à une défense appropriée et à un procès équitable », a-t-il déploré.
Me Chahdi a également souligné que la défense a fait appel du jugement, avec l’aide de ses collègues avocats algériens, mais que la date de l’audience n’a pas encore été fixée.
Solidarité
Rappelons, enfin, que suite à la condamnation sévère de la jeune tunisienne pour des raisons somme toute futiles, une vidéo partagée sous l’impulsion d’un sentiment d’humiliation et de colère pour tout ce qu’elle a subi, en plus de l’indifférence des autorités algériennes alors qu’elle était l’objet d’ harcèlement sexuel caractérisé, de nombreuses voix, tant en Tunisie qu’à l’étranger dénoncent l’injustice de sa condamnation et appellent à sa libération immédiate.
Ainsi, Najwa Dhaouadi, membre de l’Association des droits de l’Homme et des réfugiés à Genève, a plaidé pour la relaxation de Donia Gueni, arguant que ses déclarations ont été faites sous le coup de l’émotion. Alors que des personnalités publiques tunisiennes, à l’instar l’actrice Leila Chebbi, ont lancé des appels aux ministères tunisiens des Affaires étrangères et de l’Intérieur pour qu’ils interviennent auprès des autorités algériennes. En soulignant la jeunesse de Donia et l’importance des relations historiques entre les deux pays qui devraient favoriser la clémence dans cette affaire.
Quant à la famille qui dit avoir avait perdu tout contact avec elle depuis son emprisonnement et qui réclame l’intervention diplomatique des autorités tunisiennes, elle espère une issue favorable susceptible de mettre fin au cauchemar de leur fille.
Affaire à suivre.