Si l’Union européenne devait un jour s’évaporer, ce que nombre d’analystes lui prédisent dans un avenir pas trop lointain, le mercredi 9 octobre restera dans l’histoire comme le jour où les fondations de l’UE ont été fortement secouées par le clash venimeux entre le Premier ministre hongrois, Viktor Orban (président en exercice de l’UE), et Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Le clash a eu lieu au cours du débat dans l’enceinte du Parlement européen, réuni en session plénière.
Venu présenter aux eurodéputés le programme des trois prochains et derniers mois de la présidence hongroise de l’UE, Viktor Orban, visiblement interloqué, a subi une pluie d’accusations et de critiques plus acerbes les unes que les autres de la part de Mme Von der Leyen.
Ce n’est un secret pour personne que la présidente de la Commission européenne déteste très cordialement le Premier ministre hongrois. Les raisons ? Evidemment son opposition à la guerre d’Ukraine, ses relations cordiales avec les présidents russe Vladimir Poutine et chinois Xi Jinping, auxquels il a rendu visite à Moscou et à Pékin, sans parler de son amitié avec Donald Trump qu’il a visité il y a quelques mois chez lui en Floride.
En somme, Orban est ami avec tous ceux que Von der Leyen abhorre…
Le mercredi 9 octobre donc, Mme Von der Leyen, profitant du débat en présence de Viktor Orban, s’est déchainée sur lui d’une manière débridée.
Le principal sujet de discorde entre les deux ennemis est évidemment l’Ukraine, et Von der Leyen, pour justifier son point de vue et dans une tentative de mettre au pilori son adversaire, n’a pas hésité à recourir à la démagogie la plus saugrenue : « Pour vous, la responsabilité de cette guerre n’incombe pas aux envahisseurs, mais aux envahis ; non pas à la soif de pouvoir de Poutine, mais à l’attachement des Ukrainiens à la liberté. Que diraient les combattants de la liberté hongrois qui s’étaient opposés à l’invasion soviétique de 1956? Et les combattants tchécoslovaques lors de l’invasion de 1968? […] Nous continuerons à soutenir l’Ukraine le temps qu’il faudra. Nous avons décidé de faire payer les envahisseurs en accordant à l’Ukraine les milliards d’euros d’intérêts générés par les avoirs russes en Europe…»
Les attaques de Mme Von der Leyen ne se sont pas arrêtées à l’Ukraine. Elle a fortement critiqué aussi son adversaire sur ce qu’elle appelle « l’octroi facile de visas aux Russes pour s’installer en Hongrie; le commerce avec la Russie, l’achat de produits énergétiques russes, etc. »
Viktor Orban a répondu avec colère sur l’amalgame fait par la présidente de l’UE et la similitude qu’elle a établie entre la guerre d’Ukraine et l’invasion soviétique de la Hongrie en 1956. « Deux événements totalement différents et n’ayant rien à voir l’un avec l’autre », a vivement protesté M. Orban.
Concernant la guerre d’Ukraine, Viktor Orban, fixant la présidente de l’UE, lui a fait cette leçon : « Sur le front ukrainien, nous sommes en train de perdre. La réalité est la suivante. L’UE est intervenue dans cette guerre de manière imprudente, sur la base de données erronées et d’une stratégie erronée de la part de la présidence de la Commission européenne. Si nous voulons gagner, nous devons changer cette stratégie qui est perdante. Je vous propose d’y réfléchir. Dans toute guerre, il doit y avoir des activités diplomatiques et des communications directes et indirectes avec l’adversaire. Si nous refusons de le faire, nous nous enfoncerons encore plus dans la guerre et il y aura de plus en plus de morts. Je vous propose de vous ranger du côté de la paix, d’un cessez-le-feu et d’une stratégie diplomatique. »
Après cette leçon de diplomatie, M. Orban a répondu aux autres critiques, de manière chiffrée et si convaincante qu’il a mis Mme Von der Leyen dans ses petits souliers. « Vous m’accusez de faciliter l’installation des Russes en Hongrie ? Dites-moi, Mme Von der Leyen, combien vous avez de Russes en Allemagne ? 300 000. Et en Espagne ? 100 000. Et en France ? 60 000. Et vous accusez la Hongrie qui accueille 7 000 citoyens russes ?! »
Abordant les critiques sur le commerce et l’énergie, il était tout aussi convaincant, plongeant encore plus Mme Von der Leyen dans la confusion et l’embarras : « Vous m’accusez de faire du commerce avec la Russie ? Le commerce que font les compagnies européennes avec ce pays de manières détournées et opaques s’élèvent à un milliard de dollars par mois. Et vous m’accusez de commercer avec les Russes ?
L’énergie ? Les achats de produits pétroliers russes effectués cette année par l’Union européenne s’élèvent à 8,5 milliards d’euros. Non pas directement chez les Russes, mais par l’intermédiaire de la Turquie et de l’Inde. Vous financez le budget de la Russie et vous m’accusez d’acheter l’énergie russe et vous m’en voulez d’avoir rendu visite au Kremlin ?!»
Ce clash inédit dans l’histoire de l’UE a été largement commenté par la presse internationale qui y a vu le symptôme d’une crise profonde de l’institution européenne que la guerre d’Ukraine continue d’aggraver. Paradoxalement, à force de s’entêter à vouloir sauver l’Ukraine et de se comporter en très fidèle vassale de Washington, Mme Von der Leyen est en train de mener l’Union européenne à sa perte.