Un rapport parlementaire que Le Monde et Franceinfo ont pu consulter accuse Nestlé d’avoir utilisé des « traitements interdits » pour purifier ses eaux minérales, trompant ainsi les consommateurs en vendant une eau prétendument pure à un prix élevé. Le rapport, publié le mercredi 16 octobre, après une mission d’enquête menée par le Sénat, pointe également la responsabilité des ministres qui auraient laissé faire sans prendre de mesures.
La sénatrice écologiste de Paris Antoinette Guhl a mené une mission d’information flash entre avril et octobre− trente-cinq personnes ont été auditionnées− sur les politiques publiques en matière de contrôle des traitements des eaux minérales, présidée par la sénatrice (Les Républicains) des Alpes-Maritimes Dominique Estrosi Sassone. Le rapport a été adopté mercredi par la commission des affaires économiques. Il est accablant tant pour l’industriel, Nestlé, que pour le gouvernement.
« On ne peut pas être sûr qu’il n’y a plus de tromperie sur le site de Perrier », a déclaré Antoinette Guhl, qui rappelle qu’à l’issue de la mission, il est confirmé que « Nestlé a trompé le consommateur pendant des années en lui vendant une eau 200 fois plus cher que celle du robinet en prétendant qu’elle provenait d’une source naturellement pure, alors qu’elle faisait l’objet de traitements interdits, filtres UV et à charbon actif. »
Nestlé a reconnu avoir eu recours à ces traitements en 2021, mais sans que l’affaire soit rendue publique. Le gouvernement a ensuite assoupli la réglementation, permettant l’utilisation de certains filtres.
Cependant, la traçabilité des eaux reste opaque, notamment dans l’usine française Perrier, où des eaux contaminées pourraient encore être utilisées.
Non-conformité due à une pollution bactériologique
Un rapport de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), que Le Monde et Franceinfo ont pu consulter, arrive aux mêmes conclusions que la sénatrice écologiste : il est impossible de tracer l’eau commercialisée et de garantir qu’elle est issue d’une source naturelle.
En décembre 2023, deux arrêtés préfectoraux ont déclassé deux forages d’« eau minérale naturelle » à « eau de boisson », vendue sous la marque Maison Perrier, sur le site d’embouteillage de Perrier après la découverte d’importants taux de non-conformité dus à une pollution bactériologique d’origine fécale.
Le 30 mai dernier, des inspecteurs de la DGCCRF et des agents de l’agence régionale de santé d’Occitanie réalisent un contrôle du site de production de Vergèze, notamment d’une ligne d’embouteillage. A l’issue de leur inspection, leur conclusion est sans appel : la directrice de la qualité de Nestlé Waters « n’a pas été en mesure de nous présenter en temps réel la traçabilité en amont de la ligne 28 ».
Cette scission de la traçabilité est d’autant plus problématique depuis le déclassement de deux forages en eau destinée à la consommation humaine. Pour les inspecteurs, cette rupture de traçabilité représente « un point critique de loyauté ».