L’année 2024 s’annonce difficile pour l’économie tunisienne, marquée par la persistance de problèmes structurels profonds et des chocs conjoncturels récurrents. Selon le rapport de la Banque centrale de Tunisie (BCT) pour l’année 2023 publié le 18 octobre 2024, le ralentissement économique, la faible productivité, ainsi que la pression sur les finances publiques continuent d’étouffer la reprise. Ces difficultés, déjà ancrées dans l’économie, sont exacerbées par des facteurs externes tels que la montée des tensions géopolitiques, la crise climatique et l’inflation.
En 2023, la Tunisie a enregistré une croissance économique presque nulle, à 0,2%, contre 2,8% l’année précédente. Ce résultat découle principalement de la mauvaise performance du secteur agricole, durement touché par le stress hydrique persistant, ainsi que de la faible demande internationale, en particulier de la zone euro, principal partenaire commercial du pays. La production d’hydrocarbures et de phosphate est restée basse, tandis que le secteur manufacturier a souffert du contexte international.
Malgré ces difficultés, les services, notamment le tourisme et les transports, ont montré des signes de redressement. Le secteur touristique, en particulier, a enregistré une hausse des recettes de 27,7%, permettant de compenser partiellement les contreperformances dans d’autres secteurs.
Faiblesse de la demande intérieure et chute de l’investissement
La demande intérieure, élément moteur de la croissance, a également montré des signes de fatigue. La consommation privée a connu une croissance limitée de 1,5%, freinée par un chômage élevé (16,4%) et une inflation persistante. L’investissement a chuté, avec un taux d’investissement à seulement 15,5% du PIB, bien en deçà des besoins pour relancer une croissance solide. Ce repli est exacerbé par une faible épargne nationale, qui a atteint un niveau alarmant de 5,4% du revenu national disponible brut, accentuant le déficit de financement.
Amélioration du secteur extérieur et stabilisation du dinar
Malgré ces difficultés internes, le secteur extérieur a enregistré une amélioration notable en 2023. Le déficit courant a été ramené à 2,2% du PIB, grâce à une réduction significative du déficit commercial (-32,4%) et à une hausse des exportations agricoles, notamment une bonne récolte d’huile d’olive. Cette dynamique positive a contribué à stabiliser le dinar et à soutenir les réserves de devises, qui couvrent désormais 120 jours d’importations, contre 100 jours en 2022.
Défis budgétaires et endettement accru
Le déficit budgétaire, bien qu’en légère amélioration, reste préoccupant à 7,4% du PIB en 2023. L’augmentation des remboursements de la dette, combinée à des difficultés dans la mobilisation de ressources extérieures, a exacerbé les besoins de financement, qui ont atteint 26 milliards de dinars. La dette publique a continué à croître, atteignant 83% du PIB, renforçant la dépendance de la Tunisie envers l’endettement intérieur.
Inflation et politique monétaire vigilante
Sur le plan monétaire, la BCT a maintenu son taux d’intérêt directeur à 8% pour juguler l’inflation, qui a toutefois commencé à ralentir en 2023. Le taux d’inflation a chuté à 8,1% en décembre, après avoir atteint un pic de 10,4% en début d’année. Cette modération est attribuée à la baisse des prix internationaux et à la faiblesse de la demande intérieure.
Perspectives pour 2024 : des signes de reprise, mais des risques persistants
Pour 2024, la BCT prévoit une croissance modeste de 1,6%, soutenue par une amélioration dans l’agriculture et le tourisme. Cependant, les perspectives restent incertaines en raison des contreperformances des hydrocarbures et des faibles perspectives de croissance en Europe. De plus, l’inflation, bien que sous contrôle, pourrait être ravivée par des tensions géopolitiques et la pression sur les finances publiques.
Un environnement fiscal tendu et des réformes nécessaires
La situation budgétaire demeure fragile. Le service de la dette publique, en forte hausse, limitera la marge de manœuvre pour l’investissement public. La Tunisie devra poursuivre ses réformes fiscales pour maîtriser ses dépenses tout en cherchant de nouvelles sources de financement, tant à l’échelle nationale qu’internationale.
Face à ces défis, une gestion prudente des politiques économiques et fiscales sera cruciale pour préserver la stabilité macroéconomique et espérer une reprise durable. Le changement climatique, qui pèse lourdement sur les ressources en eau, reste un défi majeur à surmonter pour assurer une croissance à long terme.