Georgia Meloni qui sous-traite désormais son problème migratoire et qui érige l’externalisation des frontières comme politique officielle pour mieux gérer les flux migratoires vers son pays, a rendu un hommage appuyé à la Tunisie « dont l’Italie reconnait l’importance prioritaire », selon l’expression du ministre italien de l’Intérieur. Faut-il se réjouir que notre pays devienne le garde-côte du pays de Garibaldi?
L’annonce est spectaculaire : les flux migratoires vers l’Italie ont chuté de 60 % en 2024 par rapport à 2023. C’est ce qu’a déclaré mardi 15 octobre Giorgia Meloni, la présidente du Conseil italien, lors de son intervention au Sénat en vue du Conseil européen des 17 et 18 octobre. Toutefois, elle n’a pas résisté au plaisir de noter, non sans malice, qu’à la même période, les arrivées d’immigrants clandestins par la Méditerranée occidentale vers l’Espagne ont augmenté de 56 %.
Les chiffres exposés par Mme Meloni devant le Sénat corroborent les révélations du ministère italien de l’Intérieur en septembre dernier. Lesquelles soulignent que les autorités tunisiennes ont empêché près de trente mille migrants irréguliers d’entrer en Italie en 2024. « Ces données témoignent de l’engagement de la Tunisie dans la lutte contre les trafiquants d’êtres humains, dont l’Italie reconnait l’importance prioritaire », a-t-il reconnu sur la plateforme X.
Selon la cheffe de file du parti d’extrême droite et national-conservateur Fratelli d’Italia, cette chute drastique de l’immigration vers les côtes italiennes est le couronnement du mémorandum signé avec la Tunisie. D’ailleurs elle la qualifie de « partenaire désormais incontournable » dans la lutte contre l’immigration clandestine, de manière à endiguer le phénomène migratoire à la source. « Cet exploit est dû aux politiques du gouvernement italien, bien sûr; mais aussi au soutien que l’Europe a garanti à nombre de nos propositions comme les mémorandums avec la Tunisie et l’Égypte » a-t-elle reconnu.
Un « modèle » à suivre
S’érigeant comme modèle de lutte efficace contre l’immigration irrégulière, Giorgia Meloni n’a pas caché « sa fierté » que l’Italie soit devenue « un modèle à suivre ».
« Je note avec satisfaction l’intérêt exprimé ces dernières semaines par divers représentants de gouvernements européens et non européens, de différentes couleurs politiques, à l’instar de la France, l’Allemagne, la Suède et le Royaume-Uni, pour le pragmatisme et l’efficacité qui ont marqué notre action dans la lutte contre l’immigration clandestine », a-t-elle ajouté.
Pour rappel, l’ancien ministre des Affaires étrangères tunisien Nabil Ammar et son homologue italien Antonio Tajani, en visite en Tunisie, avaient déjà signé à Tunis, un mémorandum d’entente pour la coopération en matière de gestion des flux migratoires irréguliers.
En contrepartie de l’engagement de la Tunisie à lutter contre la migration irrégulière et la traite des êtres humains, ce texte prévoyait un quota annuel de 4 000 postes d’emploi non saisonniers sur une période de trois ans au profit des travailleurs tunisiens en Italie.
D’autre part, en plus des accords conclus avec la Turquie (2016), la Libye (2017) et la Mauritanie (2024), un accord « stratégique et global » a été signé entre l’Union européenne et l’Egypte. Lequel prévoit un « engagement total pour contrôler l’immigration clandestine » de l’Égypte, à travers le renforcement des frontières, la lutte contre le trafic d’êtres humains et l’aide au retour. En échange, l’UE s’engage à fournir 7,4 milliards d’euros d’aide financière et à favoriser l’ouverture de voies d’immigration légales.
L’Albanie, nouvelle prison d’Europe?
Notons enfin que hormis les accords signés avec un certain nombre de pays situés au Sud de la Méditerranée, Rome avait signé en 2023 un accord avec l’Albanie, entré en vigueur lundi 14 octobre 2024.
Ainsi, concocté par la présidente du Conseil italien ultraconservatrice Giorgia Meloni, qui a promis lors de son élection en 2022 de mettre fin aux arrivées de migrants par voie maritime, cet accord-dénoncé par certains comme contraire au droit européen et qui ressemble curieusement à celui sur les camps de rétention que Londres voulait mettre en place avec le Rwanda, abandonné depuis- prévoit la création de deux centres en Albanie, d’où les migrants pourront effectuer une demande d’asile en Italie.
Concrètement, les migrants interceptés par la marine ou les garde-côtes italiens dans les eaux internationales seront transférés sur un navire militaire pour un premier contrôle. Les personnes considérées comme vulnérables par la loi – les mineurs, les femmes, les personnes souffrant de troubles mentaux, ayant été victimes de torture, de violences sexuelles ou de traite d’êtres humains – seront envoyées en Italie. Les autres seront emmenées dans un centre du nord de l’Albanie, au port de Shengjin, pour être identifiées. Une fois enregistrés, ces hommes seront emmenés dans un second centre situé dans une ancienne base militaire à Gjader, en attendant que leur demande d’asile soit traitée.
Ainsi, en transférant les migrants vers un pays non-membre de l’UE, Giorgia Meloni espère provoquer un effet dissuasif et réduire le nombre de débarquements en Italie, qui s’élevait en 2023 à environ 158 000.
Toutefois, comme prévu, l’accord signé entre l’Albanie et l’Italie soulève des craintes relatives à d’éventuelles violations des droits humains. A savoir si l’Albanie fournissait une protection suffisante aux demandeurs d’asile. Même si Rome a assuré que l’agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) serait sur place en tant qu’observatrice pendant les premiers mois.