La Banque Centrale de Tunisie (BCT) a publié son rapport annuel pour l’année 2023, soulignant des évolutions clés dans la masse monétaire, les crédits et les avoirs extérieurs. Le rapport met en lumière un contexte économique difficile, marqué par la stagnation de la croissance, des déséquilibres budgétaires et des pressions inflationnistes persistantes. Voici les principaux points à retenir.
En 2023, la masse monétaire M3 a progressé à un rythme quasi similaire à celui de 2022 (+9% contre +9,1%). Cette évolution résulte principalement de l’augmentation des créances nettes sur l’Administration Centrale, qui ont presque doublé, atteignant +9.542 millions de dinars tunisiens (MDT) contre +4.902 MDT en 2022. En revanche, les créances sur l’économie ont fortement ralenti, n’enregistrant qu’une croissance de +2,5% (+2.831 MDT), comparée à +7,9% (+8.203 MDT) l’année précédente. Notons également un redressement significatif des avoirs extérieurs nets, atteignant +2.860 MDT contre un recul de -636 MDT en 2022.
Décélération du rythme annuel moyen de la masse monétaire
Bien que la masse monétaire ait continué de croître, le rythme annuel moyen de progression a décéléré (+7,9% en 2023 contre +8,8% en 2022). Ce ralentissement est attribuable aux retombées économiques des crises successives, notamment la pandémie de Covid-19 et le conflit russo-ukrainien, qui ont affecté tant la sphère réelle que monétaire. Par ailleurs, l’écart entre l’évolution du PIB aux prix courants (+9,4% contre +6,7% en 2022) et celle de l’agrégat M3 s’est réduit, entraînant une hausse de la vitesse de circulation de la monnaie (1,345 en 2023 contre 1,327 en 2022).
Hausse des billets et monnaies en circulation
Les billets et monnaies en circulation (BMC) ont poursuivi leur augmentation, représentant 13,7% du PIB en 2023, contre 13,5% en 2022. Ce taux, élevé par rapport à la moyenne de 11,2% enregistrée entre 2015 et 2019, reflète une préférence continue des agents économiques pour l’utilisation du cash, malgré certaines mesures visant à en limiter la détention. En 2023, les BMC ont augmenté de 10,7% (+2.016 MDT), atteignant 20.842 MDT en fin d’année.
Renforcement de la monnaie scripturale
La monnaie scripturale a également connu une accélération de sa croissance en 2023 (+8,7% ou +2.534 MDT), un rythme supérieur à celui de 2022 (+5,3% ou +1.483 MDT). Cette progression est portée par l’augmentation des dépôts à vue auprès du CCP (+23,1%) et des banques (+7,5%), en dépit de fluctuations mensuelles importantes.
Stabilité des placements monétaires
Les placements monétaires ont légèrement accéléré en 2023 (+9,9% ou +5.401 MDT), principalement grâce à la croissance des dépôts bancaires et postaux. L’épargne bancaire a progressé de 10,6% (+2.976 MDT), tandis que l’épargne postale a connu une hausse de 12,7% (+1.046 MDT). Toutefois, les titres monétaires, en particulier les certificats de dépôt et bons de caisse, ont décéléré (+0,5% en 2023 contre +21,6% en 2022).
Créances sur l’économie en forte décélération
L’encours des créances sur l’économie a progressé de manière modérée (+2,5% ou +2.831 MDT) en 2023, après une hausse plus marquée en 2022 (+7,9% ou +8.203 MDT). Cette faible progression reflète la décélération des crédits professionnels, qui n’ont augmenté que de +1.935 MDT en 2023, contre +8.294 MDT en 2022. Les secteurs des services, de l’industrie, et de l’agriculture ont tous enregistré des ralentissements dans l’octroi des crédits.
Reprise notable des avoirs extérieurs
Les avoirs extérieurs nets ont affiché une forte reprise en 2023, atteignant +2.860 MDT après une baisse de -636 MDT en 2022. En conséquence, les réserves en devises ont progressé de 13,7%, atteignant 27.920 MDT à la fin de 2023, soit l’équivalent de 120 jours d’importation, contre 100 jours à la fin de 2022.
Augmentation des créances nettes sur l’Administration Centrale
Les créances nettes sur l’Administration Centrale ont augmenté de manière significative en 2023 (+9.542 MDT contre +4.902 MDT en 2022), en grande partie grâce à l’achat de bons du Trésor par la BCT. La mobilisation d’emprunts intérieurs et extérieurs a également contribué à cette hausse, le gouvernement ayant levé un total de 3.799 MDT via des emprunts nationaux et environ 750 MDT en devises via un prêt syndiqué.
Des crédits en baisse pour les entreprises privées
L’encours des crédits accordés aux entreprises privées a fortement ralenti en 2023 (+1.059 MDT contre +5.668 MDT en 2022). Ce ralentissement s’est ressenti dans presque tous les secteurs d’activité, notamment dans l’industrie et les services, où la progression des crédits à court et long termes a été modeste, voire en baisse dans certaines branches.
Augmentation des créances impayées
Malgré les efforts des banques pour radier les créances douteuses, leur encours a augmenté de 17,6%, atteignant 13.551 MDT à la fin de 2023. Ce taux, en hausse par rapport à 2022 (13,6%), reflète la détérioration des conditions économiques et les difficultés rencontrées par certains secteurs, notamment l’industrie manufacturière et le commerce.