Après le « feuilleton » de la loi électorale fin septembre 2024, des députés de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), du reste au nombre de 27, ont déposé, le 10 octobre 2024, un autre projet de loi visant à retirer à la Banque centrale de Tunisie (BCT) « le pouvoir de définir de façon exclusive les taux d’intérêt et la politique monétaire, ou encore la gestion des réserves d’or et de devises ».
La proposition a été transmise au Bureau de l’Assemblée qui a l’a transmise à son tour à la commission parlementaire des finances à la date du 17 octobre 2024.
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Composée de plus d’une quarantaine d’articles, la proposition de loi comporte dans sa nouvelle version de l’article 7 de la loi n° 2016-35 du 25 avril 2016, portant « fixation du statut de la Banque centrale de Tunisie élargissant le rôle de la BCT afin qu’elle participe à la stabilisation des prix ».
Ensuite, dans l’article 9 de la proposition de loi, il est indiqué que « les décisions touchant à la révision des taux d’intérêt devront se faire en concertation avec le gouvernement ».
Quant à l’article 25 de la proposition, la BCT sera aussi responsable du « financement du remboursement des prêts étrangers en devises et de leurs intérêts en mobilisant la somme due des réserves en devises de la Banque centrale ».
Il est indiqué que la BCT devra, dans le cadre de sa politique monétaire visant à répondre aux besoins des banques en liquidités, acquérir, en premier lieu, les bons émis par le gouvernement et détenus par celles-ci. « La BCT ne fera recours à aucun autre mécanisme de financement de la banque sauf si celle-ci ne possède pas de bons émis par le gouvernement ».
À rappeler que des députés avaient adopté, le 6 février 2024, un projet de loi qui avait été soumis alors par le gouvernement en vue de permettre à « la BCT de financer le Trésor public ». La loi indiquait qu’il s’agissait d’« une exception aux dispositions de l’article 25 de la loi portant fixation du statut de la BCT et en vue de financer une partie du déficit du budget de l’État de l’année 2024 ». Ainsi, la Banque centrale est autorisée, exceptionnellement, à accorder des facilités au Trésor public de l’État à hauteur d’un montant net d’une valeur de 7 000 millions de dinars (ou 7 milliards de dinars) » remboursable sur dix ans avec une période de grâce de trois ans et sans intérêts ».
Comprendre par là que si cette proposition de loi est acceptée -et cela risque d’être le cas-, l’institut d’émission ne pourra plus décider tout seul mais après concertation avec le gouvernement. La BCT dira ainsi adieu à son « indépendance ».
Cela dit en passant, l’indépendance d’une Banque centrale dans un pays émergent est somme toute relative.
Cette proposition de loi va faire couler beaucoup d’encre… pour rien, car au final elle se transformera en projet de loi qui sera adopté par l’ARP.
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