La nouvelle proposition de loi qui vise à modifier la loi organique qui définit le Statut de la Banque centrale de Tunisie (BCT) présente plusieurs lacunes. Même si l’idée sous-jacente n’est autre que donner au gouvernement de meilleures conditions de financement, nous pensons qu’il ne faut pas que cela se transforme en un problème plus grave.
La proposition cherche à modifier l’article 7 de la loi organique régissant la BCT, l’objectif de la Banque centrale est quadruple :
- Veiller à la stabilité des prix ;
- Appuyer la politique économique du gouvernement, y compris la croissance et l’emploi ;
- Instaurer une cohérence entre la politique monétaire et celle financière et les besoins du budget, afin de réduire l’endettement et son coût ;
- Contrôler le taux du change dinar et éviter tout risque de dégringolade du dinar.
Théoriquement, cela est excellent sauf qu’en réalité, ce n’est pas le cas. Nous allons les aborder point par point.
La préservation du dinar était toujours une priorité
Tout d’abord, la politique de Banque centrale a toujours placé le dinar au cœur des préoccupations. Si le Taux Directeur demeure élevé c’est pour permettre au dinar de rester solide. Toute baisse coûte si cher en termes de service de la dette et sur les balances de paiements.
Un taux élevé permet de garder une bonne rémunération en faveur des déposants non-résidents, renforçant ainsi nos avoirs extérieurs. Sur le front local, cela a permis de mobiliser de l’épargne. Ce qui a donné une profondeur au marché de dettes locales. Sans cela, l’Etat n’aurait pas pu lever autant de ressources pour financer son déficit en l’absence de financements extérieurs. Ainsi, il a soutenu directement la politique économique du gouvernement car il lui a fait épargner le coût additionnel d’une baisse du taux de change, maintenant ainsi son équilibre.
De plus, nous ne voyons pas de divergences entre la politique monétaire et celle financière. Ceux qui pensent que la baisse du Taux Directeur de 100 points de base pourrait relancer l’économie ne comprennent pas à quel point le problème de l’investissement est profond en Tunisie. Quelques années auparavant, nous étions à des niveaux bas. Est-ce qu’il y avait une dynamique exceptionnelle? Non et les chiffres le confirment. L’investissement ne se résume pas aux coûts de ressources. C’est une question de rentabilité de l’entreprise. Si les coûts de production, sociaux et fiscaux sont élevés, même une politique monétaire souple ne pourra pas donner les résultats escomptés. L’essentiel des mesures à prendre revient donc au gouvernement, pas à la BCT.
Effets contradictoires
Enfin, les canaux de transmission de la politique monétaire ne sont pas fluides. Il ne faut comparer la Tunisie à la FED ou la BCE par exemple. Lorsque l’une de ces deux institutions prend une mesure, l’effet positif est direct. Elles ont relevé leurs taux quasiment dans la même période que celle de la Tunisie, avec des niveaux d’inflation proches. Aujourd’hui, les Etats-Unis et l’Europe tournent autour d’une inflation de 2 %, mais nous n’espérons retoucher les 5 % qu’en 2025.
Reste à préciser un point, auquel nous allons revenir avec plus de détails dans un autre papier. Permettre à l’Etat d’avoir des lignes de financements directs et permanents de la BCT va directement augmenter la masse des billets et monnaies en circulation. Avec l’impact des augmentations salariales issus du changement du barème de l’IRPP, les prix vont augmenter en flèche immédiatement. Cela va à l’encontre du premier objectif de la BCT.
La probabilité de relever le Taux Directeur au-dessus de son niveau actuel est forte si un tel projet est adopté. Puisque l’inflation ne pourra plus être contrôlée, la hausse des taux sera de nouveau, un passage obligatoire. Il faut juste jeter un coup d’œil sur la Turquie pour comprendre de quoi nous sommes en train de parler.