Il n’aura pas mis longtemps pour confirmer tout le bien qu’on pensait de lui et le talent qu’on lui connaissait. Son parcours professionnel quand il était aux responsabilités dans une banque privée de la place de haute qualité avant d’être propulsé à la tête d’une grande banque publique n’arrêtait pas d’impressionner. Pas surprenant qu’il s’est vu confier la direction de la Banque de Tunisie qui fête cette année son 140ème anniversaire. Une banque au passé prestigieux et à l’avenir tout aussi prometteur. Et qui a été de tout temps pilotée par d’impressionnants capitaines au long cours.
Le passage de témoin a été à la hauteur des espoirs. Hichem Rebai, puisque c’est de lui qu’il s’agit, prouve en si peu de temps qu’il est de la lignée de ces grands managers visionnaires qui avaient présidé à la destinée de la banque. La Banque de Tunisie respire aujourd’hui, comme hier, la santé. Elle tient son cap, maitrise ses charges et s’ouvre sur le monde qui arrive. Ses fondamentaux sont tout aussi solides, ses résultats, ses ratios sont au vert et son positionnement est à l’image de l’ambition qui l’anime. Ils lui confèrent une véritable force tranquille. A croire que derrière chaque réussite, il y a une stratégie, et derrière chaque stratège, il y a un management au top niveau et des idées portées par des hommes et des femmes résolus d’aller de l’avant. Interview.
En tant que banque cotée en Bourse, la première question porte toujours sur votre commentaire quant aux résultats de l’établissement au premier semestre 2024. Êtes-vous en ligne avec vos estimations ?
À la suite du lancement de notre Plan de développement stratégique pour 2023-2027, la Banque de Tunisie a axé ses efforts sur des axes prioritaires tels que l’efficacité opérationnelle, la satis- faction client, la transformation digitale ainsi que la consolidation de son système d’information. Tous ces axes sont les leviers d’une croissance saine et durable de la banque.
Au 30 juin 2024, la banque a réalisé des produits d’exploitation de 439,5 millions de dinars, contre 391,8 millions de dinars une année auparavant, soit une hausse de 12%.
Le ratio de rentabilité des fonds propres (ROE) s’est établi à 14,5%, confirmant la bonne capacité de la banque à rémunérer le capital. Le retour sur actifs (ROA) a également montré une amélioration, atteignant 2,40%.
La qualité des actifs demeure un enjeu crucial. Le ratio des créances douteuses est de 7,26%, ce qui est en ligne avec les normes sectorielles. La banque a renforcé ses provisions pour les pertes potentielles sur les créances en défaut, portant le ratio de couverture à plus de 80 %.
Elle affiche une assise solide de liquidité, avec un ratio de liquidité à court terme supérieur à 197%.
Son ratio de solvabilité à 16,9%, assez confortable par rapport aux exigences réglementaires, témoigne d’un niveau et d’une qualité de fonds propres capables de soutenir sa croissance tout en assurant le coussin de sécurité pendant les périodes difficiles. Dans l’ensemble, la Banque de Tunisie affiche une performance financière solide, avec des indicateurs de rentabilité et de gestion des risques bien orientés.
Les chiffres réalisés au 30 juin 2024 confirment ainsi la pertinence des axes retenus dans le Plan de développement stratégique.
Est-ce que le plafonnement des frais de certains services bancaires, imposé pour une année, vous a réellement causé un manque à gagner ?
Oui, mais pas très sensiblement. Tout d’abord, parce que la Banque de Tunisie n’applique pas des conditions élevées pour ses clients. Le benchmark et nos enquêtes de satisfaction nous révèlent que globalement, nos relations sont plutôt satisfaites de notre pricing policy. Ensuite, la BT s’est résolument engagée dans la démarche d’une finance responsable à même d’assurer une meilleure transparence de la tarification appliquée et une amélioration de la qualité de services.
Enfin, elle porte une ambition confirmée pour l’allègement des charges sur la clientèle, la promotion de l’inclusion financière, la réduction de l’utilisation du cash et le développement des canaux digitaux.
Est-ce que le niveau élevé du taux de rémunération de l’épargne vous a causé des soucis au niveau du coût de ressources ? C’est probablement une autre facette de la hausse des taux.
Sur le plan macroéconomique, l’épargne nationale a franchi le cap de 30 milliards de dinars en 2024. Bien qu’en pourcentage du PNB, le taux de l’épargne nationale soit en deçà du niveau souhaité, la question qui se pose se situe par rapport à la tendance qui constitue un obstacle à la consommation et de surcroît, à la demande globale. Mais, dans un contexte inflationniste, il serait plus indiqué de rationaliser la consommation locale et de convertir le flux de l’épargne comme une vraie contrepartie pour l’investissement national. La période de la hausse des taux est aussi celle où les épargnants s’intéressent davantage à cette catégorie de placement, en attendant une opportunité de placement dans d’autres formes d’actifs financiers ou immobiliers.
Nous considérons que cette catégorie de dépôts, étant des plus stables, est un facteur clé sur lequel reposent les projections de business et de productivité.
Naturellement, le taux élevé de 7 % (par l’effet de la mécanique du taux directeur), n’est pas de nature à faciliter une adéquation optimale de nos emplois, mais notre ambition est de continuer à mobiliser de l’épargne de manière à stabiliser le socle de nos ressources (35% du total-dépôts de la banque) et de consolider notre capacité à accompagner nos clients dans leurs projets personnels ou professionnels.
Interview réalisée par Hédi Mechri et Mohamed Ali Ben Rejeb
Extrait de l’interview qui est disponible dans le Spécial Finance du mag de l’Economiste Maghrébin n 905