Au début de ce second quinquennat, l’économie tunisienne se trouve confrontée à plusieurs défis majeurs qui menacent sa stabilité et son développement à court et moyen termes.
Ces défis touchent à la fois des aspects structurels, macroéconomiques et sociaux, créant un contexte difficile pour la croissance économique et la cohésion sociale.
Cette analyse vise à examiner ces enjeux de manière approfondie et à esquisser les perspectives envisageables pour les mois et les années à venir.
L’inflation, stabilisée autour de 6,7 %, reste un problème majeur pour l’économie tunisienne, avec des répercussions directes sur le pouvoir d’achat de la population. Cette inflation, combinée à des hausses continues des prix des produits de base tels que les carburants et les denrées alimentaires, contribue à une détérioration constante des conditions de vie, exacerbée par les fluctuations des prix internationaux et la dépréciation du dinar tunisien. Ce défi, à la fois économique et social, est au cœur des préoccupations nationales, tant sur le plan de la stabilité interne que sur celui de la gestion des inégalités croissantes.
- Causes structurelles et conjoncturelles de l’inflation :
L’inflation en Tunisie est le résultat d’une combinaison de facteurs internes et externes. D’une part, l’inflation importée liée à la hausse des prix internationaux des matières premières et à la volatilité des marchés mondiaux exerce une pression croissante sur les prix locaux. Cette tendance a été aggravée par les répercussions de crises géopolitiques, comme le conflit en Ukraine, qui ont perturbé les chaînes d’approvisionnement globales et entraîné une flambée des prix des carburants et des denrées alimentaires.
D’autre part, la dépréciation continue du dinar rend les importations plus coûteuses, exacerbant ainsi l’inflation interne. L’affaiblissement de la monnaie nationale est en grande partie dû aux déficits commerciaux chroniques, à la faiblesse des réserves de change et à une compétitivité limitée sur les marchés internationaux. Cette combinaison alimente une inflation structurelle difficile à maîtriser sans une réforme en profondeur des équilibres macroéconomiques.
- Erosion du pouvoir d’achat et conséquences sociales :
L’inflation persistante a un impact direct et dévastateur sur le pouvoir d’achat des ménages tunisiens. Avec une hausse des prix plus rapide que celle des salaires, les ménages à revenu moyen et faible voient leurs revenus réels diminuer. Ce qui affecte leur capacité à satisfaire leurs besoins essentiels. Les augmentations successives des prix des produits de base, en particulier des denrées alimentaires, ont un effet régressif, touchant de manière disproportionnée les ménages les plus vulnérables.
En effet, la hausse du prix des carburants, combinée à l’augmentation des coûts de transport, se répercute sur l’ensemble de l’économie, augmentant les coûts de production et de distribution. Cela se traduit par une inflation généralisée, qui affecte non seulement les biens de consommation, mais aussi les services, créant un cercle vicieux qui amplifie l’érosion du pouvoir d’achat.
- Politique monétaire restrictive, le dilemme pour la Banque centrale :
Pour contrer l’inflation, la Banque centrale de Tunisie a adopté une politique monétaire restrictive, en augmentant ses taux directeurs pour limiter la création monétaire et freiner la demande. Bien que cette approche vise à contenir les pressions inflationnistes, elle présente également des effets secondaires négatifs. Un resserrement monétaire rend plus coûteux l’accès au crédit pour les entreprises et les ménages, freinant ainsi l’investissement privé et ralentissant la consommation intérieure, deux moteurs clés de la croissance économique.
Le secteur privé, déjà affaibli par une conjoncture défavorable, se retrouve confronté à des difficultés accrues pour financer ses activités. Ce qui freine la création d’emplois et réduit les perspectives de croissance. Ce dilemme reflète une problématique classique : la lutte contre l’inflation par la restriction monétaire risque de compromettre l’investissement et l’activité économique à court terme, tout en exacerbant les tensions sociales liées à la baisse du pouvoir d’achat.
- Conséquences sociales à court terme :
À court terme, la persistance de l’inflation continuera à éroder les revenus des ménages, alimentant un sentiment de mécontentement social qui pourrait s’aggraver. L’augmentation des coûts de la vie, combinée à un marché du travail morose et à un taux de chômage élevé, amplifie les frustrations. Ces tensions pourraient rapidement se traduire par des mouvements sociaux. Et ce, d’autant plus que les hausses de prix affectent des produits essentiels, comme les denrées alimentaires de base et les carburants, dont la population dépend quotidiennement.
Les récents ajustements des subventions, dans le cadre des réformes imposées par les bailleurs de fonds internationaux, ont accentué ce mécontentement. La perception que ces mesures pèsent de manière disproportionnée sur les classes les plus modestes, sans amélioration tangible des conditions de vie, risque de générer des revendications sociales plus marquées, mettant en péril la stabilité politique.
- Risques à moyen terme :
Si l’inflation persistante n’est pas maîtrisée à moyen terme, la Tunisie pourrait être confrontée à une véritable crise sociale, avec des répercussions potentielles sur la stabilité politique. En l’absence d’une reprise économique solide ou de politiques redistributives efficaces, les inégalités sociales pourraient se creuser davantage, alimentant un sentiment d’injustice au sein de la population.
Les politiques monétaires restrictives, bien qu’efficaces pour contenir l’inflation à court terme, doivent être complétées par des réformes structurelles qui stimulent la production nationale, améliorent la compétitivité et renforcent la protection sociale. Sans cela, la pression sur le pouvoir d’achat continuera d’alimenter des frustrations sociales, créant un terreau propice à des mouvements de protestation, voire à une instabilité politique durable.
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* Dr. Tahar EL Almi,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)