Le juge d’instruction du pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme a procédé à la clôture de l’instruction dans le cadre de l’affaire de l’évasion de cinq détenus terroristes de la prison civile de Mornaguia. Après plusieurs mois d’enquête, le juge a pris la décision de renvoyer l’affaire devant la chambre d’accusation, qui est compétente pour juger des actes de terrorisme et statuer sur la suite à donner à cette affaire.
Contexte de l’évasion et des arrestations
L’incident remonte à plusieurs semaines, lorsque cinq détenus, classés parmi les terroristes les plus dangereux, ont réussi à s’évader de la prison civile de Mornaguia, située dans la banlieue sud de Tunis. Cette évasion spectaculaire a mis en lumière des failles importantes dans le système de sécurité de l’établissement pénitentiaire. Les cinq détenus, qui étaient jugés pour des actes de terrorisme graves, ont réussi à échapper à la surveillance des autorités pénitentiaires. Ce qui a déclenché une vaste opération de recherche.
Les forces de sécurité, notamment les unités antiterroristes, ont été déployées sur plusieurs semaines dans les quartiers sensibles de Cité Ettadhamen et dans la banlieue sud de la capitale. L’opération a finalement permis de retrouver et de capturer les cinq fugitifs, mais non sans difficultés. L’évasion avait semé la panique dans la région, mettant en alerte les autorités judiciaires et sécuritaires sur les dangers que représentaient ces détenus.
Mandats de dépôt et poursuites contre le personnel pénitentiaire
À la suite de l’évasion, le juge d’instruction a procédé à l’audition de plusieurs témoins et à l’examen minutieux des circonstances ayant permis cette fuite. L’enquête a mis en évidence des dysfonctionnements au sein de la gestion pénitentiaire, notamment des négligences dans la surveillance des détenus. En conséquence, le juge a émis des mandats de dépôt à l’encontre d’une vingtaine de membres du personnel pénitentiaire, impliqués dans cette affaire, qu’ils aient été directement responsables de la fuite ou qu’ils aient fait preuve de négligence.
Par ailleurs, l’enquête a révélé qu’un membre de la famille de l’un des fugitifs, en l’occurrence l’épouse d’un des détenus, avait apporté une aide après l’évasion. Ce qui constitue un acte de complicité. Elle a été également mise en examen et son nom figure dans les mandats de dépôt délivrés par le juge d’instruction.
Renvoi devant la chambre d’accusation spécialisée en affaires de terrorisme
L’affaire, qui concerne des actes de terrorisme, a été prise en charge par la chambre d’instruction du pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme. En vertu de la loi n° 2015-26 du 7 août 2015, relative à la lutte contre le terrorisme et à la prévention du blanchiment d’argent, l’instruction judiciaire vise à déterminer la responsabilité des accusés dans la commission des infractions liées au terrorisme. Cette loi définit les actes de terrorisme de manière large, incluant l’organisation, la préparation et la commission d’attentats, ainsi que les actions visant à faciliter l’évasion de détenus liés à des activités terroristes.
L’article 6 de cette loi stipule que toute personne impliquée dans la libération illégale de détenus condamnés pour des crimes terroristes peut être poursuivie pour complicité, une infraction passible de lourdes peines. De plus, l’article 13 de la même loi prévoit des sanctions sévères à l’encontre des fonctionnaires ou agents de l’État qui omettent d’exercer leurs responsabilités en matière de sécurité, notamment ceux travaillant dans les établissements pénitentiaires.
La chambre d’accusation, chargée de statuer sur cette affaire, devra désormais se prononcer sur la nature des peines encourues par les accusés, qu’ils soient membres du personnel pénitentiaire, complices extérieurs ou les détenus eux-mêmes. Les juges devront également évaluer si l’évasion des détenus et l’assistance de leurs proches constituaient une tentative d’organiser un complot terroriste ou s’il s’agissait de faits isolés.
Les implications juridiques et pénales de l’affaire
Dans ce contexte, la législation tunisienne en matière de lutte contre le terrorisme prévoit des peines sévères pour ceux qui facilitent ou participent à la fuite de détenus condamnés pour des actes terroristes. En vertu de l’article 17 de la loi n° 2015-26, la tentative de fuite d’un détenu terroriste est considérée comme un acte de complicité. Et ce, même si la tentative échoue. Les peines peuvent aller jusqu’à 30 ans de prison pour les complices directs de l’évasion, en fonction de leur rôle dans l’opération.
En outre, l’aide logistique ou matérielle fournie à un détenu terroriste pour faciliter son évasion, comme cela a été le cas pour l’épouse d’un des fugitifs, constitue une infraction grave en vertu des articles 18 et 19 de la même loi, et peut entraîner des peines de prison allant jusqu’à 20 ans.
Perspectives judiciaires : une affaire à suivre de près
Le renvoi devant la chambre d’accusation ouvre la voie à une série de décisions judiciaires cruciales. Et l’affaire risque d’avoir des répercussions significatives sur la gestion de la sécurité pénitentiaire en Tunisie. Le traitement juridique de cette évasion pourrait également redéfinir les pratiques de surveillance dans les prisons, notamment en ce qui concerne les détenus classés comme terroristes.
Les autorités judiciaires, par l’entremise de la chambre d’accusation, devront prendre en compte l’impact de cet incident sur la sécurité nationale et faire respecter les principes de justice, de lutte contre le terrorisme et d’intégrité dans les fonctions publiques, en particulier au sein du système pénitentiaire.
Source : Mosaïque FM