La réélection de D. Trump à la Maison Blanche a au moins un sens : son discours nationaliste, viriliste, autoritaire et sexiste est bien enraciné dans la société américaine, en particulier parmi les « hommes blancs » non diplômés. Le président des Etats-Unis élu a surfé sur la tentation du repli national, au sens économique et identitaire.
Le discours protectionniste est le versant commercial du discours sécuritaire et identitaire qui se traduit par le rejet des immigrés mexicains et des musulmans. Si la démocratie américaine est malade du trumpisme, celui-ci n’est ni un phénomène spontané, ni un phénomène déconnecté de l’histoire américaine : il est profondément ancré dans une culture politique de la violence aux Etats-Unis.
Si la démocratie américaine est malade du trumpisme, celui-ci n’est ni un phénomène spontané, ni un phénomène déconnecté de l’histoire américaine : il est profondément ancré dans une culture politique de la violence.
Une campagne présidentielle violente
Au-delà de la tentative d’assassinat dont a été victime D. Trump durant sa campagne électorale, celle-ci a été marquée par une série d’invectives, d’attaques personnelles. Le tout dans une mise en scène digne d’un mauvais film hollywoodien. Une campagne présidentielle qui vient jeter une lumière crue sur l’impossibilité même d’organiser un débat démocratique fondé sur les idées, le respect de l’autre et l’échange d’arguments raisonnés.
La violence qui a opposé les deux principaux candidats à la Maison Blanche nous rappelle que les États-Unis, malgré leur statut officiel de « grande démocratie », ne sont toujours pas une démocratie apaisée. Des groupes de soutien de Donald Trump rappellent que la société américaine est une société historiquement militarisée, lointain héritage des milices coloniales de la guerre d’indépendance et de l’héroïsation du citoyen en armes, chargé de défendre les valeurs américaines de toute submersion extérieure et d’une subversion interne.
Le projet de mur pour barrer la route aux immigrés latino-américains, son appel à interdire totalement l’entrée des musulmans sur le territoire, y compris de nationalité américaine, dessinent un environnement discursif où l’Américain moyen, blanc, est assailli de toutes parts, en proie au « grand remplacement » et, finalement, menacé d’éradication.
Bien qu’elle soit une constante de l’histoire américaine, la violence d’extrême droite a trouvé en Donald Trump un symbole, un signe de reconnaissance institutionnelle, de légitimité idéologique et tactique. Son projet de mur pour barrer la route aux immigrés latino-américains, son appel à interdire totalement l’entrée des musulmans sur le territoire, y compris de nationalité américaine, dessinent un environnement discursif où l’Américain moyen, blanc, est assailli de toutes parts, en proie au « grand remplacement » et, finalement, menacé d’éradication.
Par-delà le calcul politique, la coloration paranoïde de la personnalité du chef de l’État, largement mise en lumière par la psychiatrie américaine et européenne, participe activement à la banalisation de la violence politique.
Trump : symbole de la violence politique aux Etats-Unis
On aurait tort d’y voir un simple phénomène conjoncturel. L’historien Richard Hofstadter a montré dès les années 1990 comment le « style paranoïaque » fait partie intégrante de la culture politique américaine. L’idée même que la nation est plongée, malgré elle dans un combat à mort pour sa survie face aux mouvements migratoires et au pullulement d’ethnies minoritaires qui altèrent la « pureté de sa race », remonte à la fin du XIXe siècle. Sous l’influence du darwinisme social, le « racisme scientifique » s’y est épanoui, légitimant l’extermination des Amérindiens, l’esclavage puis la ségrégation des Noirs et l’expansionnisme américain.
Ces positions ont été défendues au sommet de l’État : Theodor Roosevelt assimilait l’anéantissement des autochtones au struggle for life de Darwin. Sur les mêmes fondements, il a fait de l’isolationnisme de Monroe un instrument offensif d’hégémonie en Amérique latine. Son successeur Woodrow Wilson, loin de l’image d’Épinal du père de l’égalité entre les peuples, fut un défenseur actif de la « civilisation blanche » contre la « menace asiatique ».
Theodor Roosevelt assimilait l’anéantissement des autochtones au struggle for life de Darwin. Sur les mêmes fondements, il a fait de l’isolationnisme de Monroe un instrument offensif d’hégémonie en Amérique latine.
La thèse du « Choc des civilisations » de Samuel Huntington perpétue et légitime encore de nos jours l’idée que la nation américaine, réduite à un substrat ethno-religieux, est plongée dans une « lutte pour la survie ».
Ce sentiment de menace existentielle traduit un sentiment de déclin inéluctable au plan géopolitique face à la montée en puissance de la Chine. Face à l’affaiblissement relatif des États-Unis dans le rapport de force international, Trump cherche à réactiver cette lutte originaire de la civilisation américaine contre un ennemi protéiforme.
L’onde de choc Trump constitue une opportunité historique pour répondre avec sérieux aux pathologies des sociétés modernes …