Le ministère de la Justice a publié, le 27 octobre, un communiqué indiquant que des enquêtes pénales seront ouvertes contre des personnes publiant des contenus contraires aux bonnes mœurs. Chose promise, chose due, en quelques jours, une instagrameuse a été condamnée à quatre ans et demi de prison pour diffusion de contenus à caractère obscène et quatre autres créateurs de contenus seront bientôt jugés pour « harcèlement d’autrui, expression intentionnelle d’obscénités et poses immorales ou contraires aux valeurs sociétales affectant négativement le comportement des jeunes ».
Les plus conservateurs des Tunisiens diront que c’est de bon augure et qu’il fallait bien un gardien des mœurs pour sauvegarder nos coutumes de ces envahisseurs de la toile qui affectent négativement, comme on le dit, le comportement de nos enfants. Pour ce coup-là, ils ont quelque part raison. Certaines publications dépassent largement l’obscénité et touchent même à la dignité humaine. Il n’empêche que l’affaire a pris de l’ampleur et a provoqué un vaste débat entre ceux qui dénoncent un excès de propos grossiers et d’images obscènes sur les réseaux, et ceux qui y ont vu une nouvelle restriction des libertés.
Après tout, la notion de mœurs est assez vaste. En se référant à l’article 226 en question, on parle d’attentat à la pudeur et d’incitation à la débauche. Des expressions ambiguës et facilement manipulables, du moment que c’est subjectif. Des comportements banals dans un quartier de la capitale pourraient être considérés dans une autre ville comme des actes blasphématoires. Un certain habit est considéré comme osé dans une région, alors qu’il est tout à fait accepté dans une autre. Et c’est là que le bât blesse. Entre respecter les mœurs et atteindre à la liberté, il y a comme un malentendu. Mais bon, qu’à cela ne tienne, le décret 54 est déjà passé par là et on commence, comme qui dirait, à avoir l’habitude de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. La chose a perdu de son importance.
Le plus important aujourd’hui est de savoir qui est derrière les perturbations qui ont été enregistrées au niveau de quelques vols de Tunisair du 1er, 2, 3 et 4 novembre. Il paraît que c’est dû à des problèmes techniques inattendus ayant touché plusieurs avions. A moins que ça soit des lobbies qui commencent à se manifester ces jours-ci, ainsi que leurs ramifications au sein d’un nombre important d’administrations, d’institutions et d’entités publiques. C’est, du moins, ce qui a été annoncé lors d’une réunion du Conseil de sécurité nationale au palais de Carthage tenue le 4 novembre. Il a été d’ailleurs décidé de qualifier l’acte de crime, soulignant que la responsabilité ne repose pas seulement sur ceux qui ont exécuté les actes, mais aussi sur ceux qui les ont planifiés, ainsi que sur ceux qui ont orchestré d’autres actions similaires dans divers services publics. Ce n’est pas peu dire…
A propos d’administration, on ne voit plus très bien qui est satisfait de la loi de finances pour 2025. Pourtant, on avait cru comprendre que le texte avait été finement élaboré par le gouvernement qui voulait les meilleures des solutions aux pires de nos problèmes économiques. Toujours est-il que c’est vrai qu’elle n’a pas encore été adoptée par le Parlement, censé être une instance législative souveraine et représentative du peuple tunisien. Il avait même été dit que l’Etat recherchait désespérément à retrouver les équilibres de nature à relancer le char du même Etat, empêtré dans les dettes et quelque part incapable d’honorer ses promesses. Mais comme la partie la plus visible de l’iceberg est toujours la hausse vertigineuse du coût de la vie, tous les autres détails sont passés à la trappe et on a eu droit à une démonstration populaire, une ode à la gloire de l’économie sociale.
Ce n’est peut-être qu’une question dans l’air du temps…
Le mot de la fin est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n 906 du 6 au 20 novembre 2024