La victoire de Trump à l’élection présidentielle américaine est aussi celle de l’isolationnisme et du protectionnisme. Le discours de campagne du président élu s’est focalisé sur la lutte contre l’immigration et sur la nécessité de plus taxer les produits étrangers importés. Le slogan trumpiste « America first » s’inscrit dans un mouvement plus global remettant en cause la mondialisation et valorisant le retour des frontières contre la libre circulation des personnes et des marchandises.
De la crise financière de 2008 à la guerre en Ukraine en passant par le « Brexit », l’élection de Donald Trump et les crises sociales dans le « Sud global » (creusant les inégalités entre pays riches et pays pauvres), le discours sur la « mondialisation heureuse » est battu en brèche.
La remise en cause de la mondialisation
D’une part, la mondialisation, jusque-là considérée comme une force d’harmonisation et de pacification planétaire, est porteuse de fragmentation et de conflictualité, du fait de la montée en puissance de la Chine et autres grands pays émergents qu’elle favorisait; ainsi que des réactions identitaires et réactionnaires qu’elle provoquait un peu partout dans le monde.
D’autre part, la perspective d’une prospérité généralisée, d’un borderless world et d’un marché mondial régi par une « concurrence libre et non faussée », n’est plus à l’ordre du jour.
Dans le monde occidental, la confiance dans le modèle du libre-échange a perdu de son attractivité face à la fragilisation des classes populaires/moyennes par la fermeture d’usines, la destruction d’emplois et le creusement des inégalités. La mondialisation est de plus en plus perçue par les opinions publiques occidentales comme une source de risque et de vulnérabilité.
D’autre part, la perspective d’une prospérité généralisée, d’un borderless world et d’un marché mondial régi par une « concurrence libre et non faussée », n’est plus à l’ordre du jour.
La pandémie de Covid-19 (avec la dépendance aux masques et aux médicaments « made in China ») a servi de révélateur. Et la guerre en Ukraine (et ses conséquences sur les marchés des énergies et des céréales) a confirmé l’enjeu clé de la sécurité des chaînes mondiales de production et d’approvisionnement.
Partant, un souverainisme politique et économique se diffuse et affecte l’ordre international libéral établi en 1945. Le découplage et la réindustrialisation ont fait irruption dans les débats stratégiques, avec en toile de fond la résurgence du thème de la souveraineté (alimentaire, industrielle, technologique, etc.) et des pratiques protectionnistes.
Un mouvement de démondialisation
Un mouvement de « démondialisation » (conjuguant mesures protectionnistes et plans de subventions massives) prend forme. Même si l’idée doit être nuancée et relativisée, les fondements de la mondialisation sont mis en cause depuis la crise financière de 2008, mais également la première présidence Trump et la pandémie de Covid-19. Le retour des nations et du nationalisme, le néo-nationalisme en vogue (y compris dans les démocraties occidentales) se traduit par une défiance à l’endroit du multilatéralisme (institutionnel et normatif) et du libre-échange.
La vague protectionniste occidentale actuelle a des causes multiples. Elles vont de la crise financière de 2008-2009 à la prise de conscience post-Covid des vulnérabilités de certaines chaînes de valeur dans des secteurs stratégiques. S’y ajoutent les exigences de la bataille climatique et, pour les Etats-Unis, la rivalité avec la Chine dans les technologies de l’avenir.
Le retour des nations et du nationalisme, le néo-nationalisme en vogue (y compris dans les démocraties occidentales) se traduit par une défiance à l’endroit du multilatéralisme (institutionnel et normatif) et du libre-échange.
Enfin, ce moment protectionniste est aussi une réponse occidentale à la politique économique de Pékin. Aux dépens de la consommation intérieure, la Chine fonde sa croissance sur un blitz à l’exportation – un assaut planifié et survitaminé aux subventions publiques. « Concurrence déloyale », disent les Américains, qui répliquent. Tarifs douaniers sur nombre d’importations chinoises (100 % sur les véhicules électriques). Embargo sur une partie du high-tech américain à destination de la Chine.
La montée du protectionnisme occidental, doublée d’une baisse tendancielle de l’aide internationale, frappe les plus pauvres en Afrique, en Asie, en Amérique latine. Un tournant unilatéraliste et protectionniste susceptible de nourrir une guerre commerciale entre la Chine, les Etats-Unis et l’Europe, et d’exacerber les tensions internationales, en particulier entre les Etats-Unis et la Chine…