La présidence de Donald Trump, marquée par son style de gouvernance non conventionnel et son approche centrée sur les intérêts américains, aurait des répercussions significatives sur les relations internationales et sur les pays du Maghreb, dont la Tunisie.
Dans un contexte global marqué par les rivalités géopolitiques, les tensions commerciales et une polarisation accrue, les choix de politique étrangère de Trump pourraient introduire des incertitudes. Tout en offrant des opportunités de repositionnement stratégique pour les pays maghrébins.
ZOOM 4 – Quatrième incertitude : positionnement face à la Chine et à la Russie… dilemmes pour les pays du Maghreb
Les tensions croissantes entre les États-Unis et des puissances comme la Chine et la Russie ont un impact non négligeable sur les pays du Maghreb, qui se retrouvent à jongler entre leurs liens traditionnels avec l’Occident et leur intérêt grandissant pour les partenariats avec ces nouveaux acteurs. Cette situation expose les pays maghrébins à des choix stratégiques complexes, les amenant à réfléchir à leur positionnement et aux compromis qu’ils devront faire pour préserver leur souveraineté et sécuriser leurs intérêts économiques et politiques.
Les pays du Maghreb, notamment le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, ont des relations de longue date avec l’Europe et les États-Unis.
Ces liens incluent des accords commerciaux privilégiés, des investissements directs, et des programmes d’aide au développement. La coopération avec les États-Unis se manifeste également sur le plan sécuritaire, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et du contrôle des flux migratoires.
Ces relations traditionnelles apportent une stabilité économique et politique aux pays maghrébins, mais créent aussi une dépendance vis-à-vis des partenaires occidentaux, qui influencent souvent leurs politiques nationales et régionales.
- Effets de l’intérêt croissant pour la Chine et la Russie : opportunités et contraintes
Ces dernières années, les pays du Maghreb ont élargi leurs partenariats économiques et politiques avec la Chine et la Russie, attirés par des alternatives aux conditions strictes souvent imposées par les partenaires occidentaux.
La Chine, par exemple, propose des investissements massifs dans les infrastructures, notamment dans le cadre de l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie. Plusieurs projets chinois, tels que la construction de ports, d’autoroutes et de centrales énergétiques, répondent aux besoins criants en infrastructures dans la région, particulièrement en Algérie et au Maroc.
La Russie, de son côté, a renforcé sa présence en Afrique du Nord dans des domaines comme la sécurité et l’énergie. Son partenariat avec l’Algérie dans le domaine des hydrocarbures et ses accords militaires témoignent d’une volonté d’influence accrue dans la région.
Pour les pays du Maghreb, ces partenariats représentent des opportunités d’accéder à de nouvelles ressources, de diversifier leurs exportations et de bénéficier de nouvelles technologies, sans les conditions politiques souvent associées aux investissements occidentaux.
- Effets des pressions américaines et des équilibres délicats
Sous la présidence de Trump, les États-Unis ont adopté une position plus ferme face à la Chine et la Russie, exhortant leurs partenaires internationaux à limiter leurs interactions avec ces puissances. Ce climat de confrontation pourrait avoir des conséquences pour les pays maghrébins, qui pourraient se retrouver sous pression pour limiter leurs partenariats avec la Chine et la Russie afin de ne pas compromettre leurs relations avec l’Occident.
Par exemple, une coopération trop visible avec la Chine dans des secteurs stratégiques comme les télécommunications pourrait être perçue comme une menace pour la sécurité par les États-Unis et leurs alliés. Ce qui risquerait de compliquer les relations diplomatiques.
Toutefois, céder à ces pressions pourrait être perçu comme une atteinte à leur souveraineté nationale par les gouvernements du Maghreb, qui souhaitent avant tout préserver leur indépendance dans leurs choix de partenariats.
Par ailleurs, limiter les interactions avec la Chine et la Russie pourrait priver les pays du Maghreb d’opportunités de financement et d’infrastructures cruciales pour leur développement économique.
- Effets entre la neutralité et la diversification des partenariats
Dans ce contexte complexe, une option pour les pays du Maghreb pourrait consister à adopter une posture de neutralité vis-à-vis des rivalités entre les grandes puissances, afin de bénéficier à la fois des relations avec l’Occident et des partenariats avec la Chine et la Russie.
Cette position pourrait cependant être difficile à maintenir si les pressions américaines s’intensifient. Une neutralité trop marquée pourrait même être perçue comme un manque de loyauté par leurs partenaires traditionnels.
Une alternative pourrait être de renforcer leurs relations avec des puissances régionales émergentes comme la Turquie et le Qatar, qui, tout en étant moins hégémoniques, ont montré une volonté de soutenir des projets économiques et sécuritaires au Maghreb.
La Turquie, par exemple, s’implique de plus en plus dans le secteur de la construction et de la défense. Tandis que le Qatar investit dans les infrastructures et le tourisme.
Cette diversification permettrait aux pays du Maghreb d’éviter une trop grande dépendance envers une seule puissance et de maintenir une certaine flexibilité dans leurs alliances internationales.
- Effets des risques de dépendance stratégique et de l’instabilité géopolitique
S’engager plus étroitement avec des puissances comme la Chine ou la Russie pourrait cependant engendrer de nouveaux risques de dépendance stratégique pour les pays du Maghreb.
En effet, ces partenaires alternatifs pourraient demander, en échange de leur soutien, des concessions économiques ou politiques qui limiteront la marge de manœuvre des États maghrébins.
Par ailleurs, un rapprochement excessif avec la Chine ou la Russie pourrait isoler le Maghreb de ses alliés traditionnels occidentaux. Ce qui pourrait nuire à ses intérêts dans des domaines comme l’aide au développement et les accords commerciaux privilégiés.
Enfin, la région maghrébine elle-même pourrait devenir un terrain de compétition géopolitique entre les grandes puissances, comme en témoignent les tensions autour de la Libye, où plusieurs acteurs externes cherchent à influencer l’avenir politique du pays.
Un contexte d’intérêts divergents pourrait alors compliquer la coopération régionale, fragiliser la stabilité politique et potentiellement polariser les pays du Maghreb en fonction de leurs alliances.
En définitive, les pays du Maghreb se trouvent dans une situation stratégique délicate, tiraillés entre la préservation de leurs liens avec l’Occident et les opportunités offertes par la Chine et la Russie.
Dans ce contexte de tensions internationales croissantes, ils devront faire preuve de diplomatie et de pragmatisme pour adopter un positionnement qui préserve leurs intérêts nationaux, tout en évitant des dépendances excessives.
La diversification de leurs alliances, notamment en renforçant les relations avec des partenaires régionaux comme la Turquie et le Qatar, pourrait être une solution pour maintenir un équilibre. Mais cette stratégie demande une grande habileté diplomatique et une vigilance constante face aux évolutions géopolitiques.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)