La présidence de Donald Trump, marquée par son style de gouvernance non conventionnel et son approche centrée sur les intérêts américains, aurait des répercussions significatives sur les relations internationales et sur les pays du Maghreb, dont la Tunisie.
Dans un contexte global marqué par les rivalités géopolitiques, les tensions commerciales, et une polarisation accrue, les choix de politique étrangère de Trump pourraient introduire des incertitudes, tout en offrant des opportunités de repositionnement stratégique pour les pays maghrébins.
ZOOM 5 – Cinquième incertitude : impacts sur les relations intermaghrébines et la coopération régionale
Une présidence Trump, marquée par un retrait partiel de l’engagement américain en Afrique du Nord, pourrait avoir des répercussions significatives sur les relations intermaghrébines et sur la coopération régionale, suscitant à la fois des opportunités et des défis pour les pays du Maghreb.
- Première répercussion : un vide stratégique et une incitation à l’autonomie régionale
Le désengagement progressif des États-Unis dans la région pourrait être perçu comme une opportunité pour les pays du Maghreb de prendre en main leur propre destin stratégique, en renforçant les mécanismes de coopération régionale pour pallier l’absence d’un soutien extérieur.
Avec des défis communs comme la lutte contre le terrorisme, la gestion des flux migratoires, et les enjeux de développement économique, les pays maghrébins ont tout intérêt à coordonner leurs efforts pour renforcer leur sécurité et leur résilience économique.
Ce contexte pourrait encourager des initiatives autonomes de coopération, telles que l’augmentation des échanges commerciaux intra-maghrébins, le partage d’infrastructures énergétiques, ou encore la coordination en matière de gestion des ressources en eau.
Cependant, la capacité des pays maghrébins à s’unir face à l’absence de soutien américain dépend de leur volonté de surmonter les rivalités politiques et économiques qui freinent traditionnellement les efforts de coopération régionale.
Si les États-Unis continuent de réduire leur engagement au Maghreb, il est possible que les acteurs régionaux soient contraints de trouver des solutions autonomes et d’adopter une approche pragmatique face aux enjeux communs.
- Deuxième répercussion : les rivalités historiques et l’obstacle à la coopération
Malgré les potentiels avantages d’une coopération accrue, les relations entre les pays du Maghreb, et en particulier entre le Maroc et l’Algérie, restent entravées par des divergences géopolitiques profondes.
Le différend sur le Sahara Occidental est au cœur de cette rivalité, divisant depuis des décennies le Maroc et l’Algérie – qui soutient le Front Polisario en faveur de l’indépendance de ce territoire. Ce conflit persistant a entravé des initiatives clés de coopération, telles que l’Union du Maghreb arabe (UMA), qui reste aujourd’hui inactive en raison de ces tensions.
Dans un contexte où le soutien des États-Unis aux initiatives de médiation s’amenuise, il pourrait devenir encore plus difficile pour les pays du Maghreb de trouver un terrain d’entente pour résoudre leurs différends.
Un retrait américain peut également réduire les pressions extérieures sur les gouvernements locaux, les incitant moins à faire des concessions pour débloquer les processus de coopération régionale.
Sans un acteur extérieur de poids pour encourager ou imposer des compromis, il est peu probable que les tensions historiques soient surmontées facilement, limitant ainsi les perspectives de collaboration régionale.
- Troisième répercussion : les enjeux économiques et l’opportunité pour l’intégration commerciale
Le retrait américain pourrait également donner un nouvel élan à l’intégration économique régionale en poussant les pays du Maghreb à chercher des alternatives pour compenser la perte d’investissements américains.
Avec la chute des investissements étrangers directs (IED) et des aides américaines potentielles, il deviendrait d’autant plus urgent pour ces pays de renforcer le commerce intra-maghrébin, qui demeure à un niveau extrêmement bas par rapport à d’autres régions africaines.
Le développement de corridors commerciaux, la suppression des barrières tarifaires, et l’harmonisation des politiques douanières pourraient non seulement dynamiser les économies locales, mais aussi améliorer la résilience économique du Maghreb face aux chocs externes.
Toutefois, ces initiatives nécessitent une volonté politique forte et des efforts soutenus pour harmoniser les infrastructures, les standards de production et les régulations douanières entre les pays.
Sans l’incitation ou le soutien d’une puissance extérieure, ces efforts de rapprochement économique risquent d’être compromis par les rivalités internes et les priorités politiques nationales divergentes.
- Quatrième répercussion: la sécurité régionale … une coopération nécessaire mais difficile
La lutte contre le terrorisme et la gestion des flux migratoires sont des enjeux de sécurité majeurs pour les pays du Maghreb, qui partagent des frontières poreuses et des menaces sécuritaires communes.
La diminution de l’assistance américaine, en matière de renseignement et de financement des initiatives de sécurité, pourrait contraindre les pays maghrébins à renforcer leur coopération sécuritaire.
Cela inclurait le partage d’informations de renseignement, la coordination des patrouilles frontalières, et des opérations conjointes contre les groupes terroristes.
Cependant, cette coopération sécuritaire reste entravée par un manque de confiance mutuelle, en particulier entre le Maroc et l’Algérie, ainsi que par une différence dans les approches stratégiques vis-à-vis de certains acteurs régionaux.
Par exemple, l’Algérie, avec sa doctrine de non-ingérence militaire, adopte une politique de sécurité largement basée sur la défense intérieure, tandis que le Maroc a manifesté une volonté accrue de participer à des initiatives sécuritaires régionales et internationales. Cette divergence rend difficile la mise en œuvre de stratégies sécuritaires régionales coordonnées.
Sans un soutien américain pour arbitrer ou encourager des partenariats sécuritaires, les pays du Maghreb risquent de manquer les synergies nécessaires pour répondre efficacement aux défis de sécurité régionaux.
De plus, le désengagement américain pourrait encourager d’autres puissances, comme la Russie ou la Chine, à jouer un rôle accru dans les affaires sécuritaires du Maghreb, introduisant ainsi de nouvelles dynamiques géopolitiques qui pourraient compliquer davantage la situation sécuritaire.
- Cinquième répercussion: le rôle de puissances alternatives … vers de nouvelles alliances ?
Face à l’absence d’un engagement américain, les pays du Maghreb pourraient être tentés de se tourner vers d’autres partenaires, notamment la Chine et la Russie, qui cherchent à renforcer leur présence en Afrique.
En plus de leurs partenariats économiques croissants, ces deux puissances offrent également des options de coopération en matière de défense et de sécurité.
La Russie, par exemple, propose des équipements militaires et des programmes de formation, tandis que la Chine est de plus en plus active dans le financement des infrastructures et dans des programmes de cybersécurité.
Toutefois, cette diversification des alliances comporte des risques pour les pays maghrébins, qui devront gérer habilement leur positionnement géopolitique pour éviter une dépendance excessive vis-à-vis de ces puissances.
Par ailleurs, cette ouverture vers des puissances non occidentales pourrait engendrer des tensions avec les partenaires européens, qui jouent un rôle fondamental dans l’économie et la sécurité du Maghreb, et qui partagent des préoccupations concernant l’influence croissante de la Chine et de la Russie en Afrique.
En définitive, le retrait partiel des États-Unis sous une présidence Trump pourrait créer un contexte favorable à une autonomie accrue et à un renforcement de la coopération régionale au Maghreb.
Cependant, les rivalités internes, notamment entre le Maroc et l’Algérie, demeurent un frein majeur à cette coopération.
Le défi pour les pays du Maghreb sera de saisir cette opportunité pour renforcer leur intégration régionale sans perdre leur souveraineté ni créer une dépendance excessive envers d’autres puissances.
Pour réussir, les États maghrébins devront adopter une approche pragmatique qui combine des initiatives de coopération économique et sécuritaire avec une diversification stratégique de leurs partenariats, tout en restant vigilants face aux risques de dépendance ou de conflit d’intérêts entre leurs nouveaux alliés et leurs partenaires traditionnels.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)