La présidence de Donald Trump, marquée par son style de gouvernance non conventionnel et son approche centrée sur les intérêts américains, aurait des répercussions significatives sur les relations internationales et sur les pays du Maghreb, dont la Tunisie.
Dans un contexte global marqué par les rivalités géopolitiques, les tensions commerciales, et une polarisation accrue, les choix de politique étrangère de Trump pourraient introduire des incertitudes, tout en offrant des opportunités de repositionnement stratégique pour les pays maghrébins.
ZOOM 6 – Les perspectives pour le Maghreb : opportunités et risques
La réélection de Donald Trump représente pour les pays du Maghreb un défi important, nécessitant une adaptation rapide et stratégique.
Les implications de la politique étrangère de Trump, centrée sur les intérêts nationaux des États-Unis, la réduction de l’engagement international et un protectionnisme accru, pourraient redéfinir le rôle des pays maghrébins sur la scène internationale.
Cependant, cette situation apporte aussi des opportunités uniques pour réorienter leurs priorités économiques et diplomatiques.
- Premier défi, la diversification des partenariats économiques : saisir les opportunités globales
Face à une Amérique moins présente et plus axée sur ses propres intérêts, les pays du Maghreb seront incités à élargir leur éventail de partenaires économiques.
La Chine, la Russie, et même l’Inde, qui cherchent toutes à accroître leur influence en Afrique, pourraient devenir des partenaires majeurs pour le Maghreb. Ces pays apportent des investissements importants dans les infrastructures, l’énergie, et les technologies, secteurs critiques pour le développement régional.
La diversification pourrait également inclure une coopération renforcée avec les pays du Golfe, comme les Émirats arabes unis et le Qatar, qui sont déjà présents au Maghreb par le biais de projets immobiliers et énergétiques.
Ces partenariats pourraient atténuer la dépendance vis-à-vis des flux d’investissements traditionnels et ouvrir de nouveaux marchés pour les exportations maghrébines. Cependant, il est crucial que ces accords soient équilibrés pour éviter une dépendance excessive et garantir des bénéfices mutuels.
- Deuxième défi, le renforcement des alliances régionales : vers une autonomie stratégique
Un désengagement américain dans la région pourrait aussi encourager les pays du Maghreb à intensifier leur coopération régionale pour renforcer leur autonomie stratégique.
Bien que la coopération régionale ait historiquement été limitée par des rivalités, notamment entre le Maroc et l’Algérie, la nécessité de compenser l’absence de soutien extérieur pourrait pousser ces pays à explorer des voies de collaboration plus pragmatiques, particulièrement dans les domaines de la sécurité, de l’économie et de la gestion des ressources naturelles.
Par exemple, une intégration accrue des économies maghrébines permettrait de dynamiser les échanges intra-régionaux, qui restent aujourd’hui faibles, et de créer des synergies dans des secteurs clés comme l’agriculture et l’énergie renouvelable.
Une coopération plus étroite sur les questions de sécurité, notamment la lutte contre le terrorisme et la gestion des flux migratoires, pourrait également renforcer la stabilité régionale. Bien qu’il soit difficile de surmonter les désaccords historiques, cette nouvelle dynamique pourrait encourager un dialogue plus constructif entre les dirigeants maghrébins.
- Troisième défi, l’attraction des investissements hors occident : nouvelles opportunités.
L’une des grandes priorités pour les pays du Maghreb sera d’attirer des investissements en dehors des canaux traditionnels occidentaux.
L’Union européenne, partenaire historique de la région, pourrait se montrer hésitante à intensifier son soutien, en raison des préoccupations concernant les réformes structurelles et les conditions de gouvernance dans les pays maghrébins.
Ainsi, en se tournant vers des pays émergents comme la Turquie, la Chine, et même le Japon, les économies maghrébines peuvent explorer de nouvelles sources d’investissements directs étrangers (IDE) et de transferts de technologie.
Cependant, une telle stratégie comporte des risques. Les conditions d’investissement des nouvelles puissances peuvent être moins transparentes et parfois plus exigeantes en termes d’accès aux ressources naturelles ou de soutien diplomatique.
Par ailleurs, ces partenariats peuvent susciter des tensions avec les alliés traditionnels des pays maghrébins, notamment en Europe, qui voient l’expansion de la Chine et de la Russie en Afrique avec méfiance.
Les gouvernements maghrébins devront donc équilibrer soigneusement leurs relations avec les partenaires émergents et occidentaux pour maximiser les avantages économiques sans compromettre leurs intérêts stratégiques.
- Quatrième défi: développer une diplomatie agile – naviguer dans un contexte global complexe
Les incertitudes de la politique étrangère américaine sous Trump obligeraient les pays du Maghreb à adopter une diplomatie plus agile et proactive.
Une diplomatie agile signifie être capable de manœuvrer entre différents partenaires, de s’adapter rapidement aux changements géopolitiques, et de tirer parti des opportunités sans s’enfermer dans des alliances exclusives.
Cela inclurait le maintien de bonnes relations avec l’Europe tout en renforçant les liens avec des puissances non occidentales, et le développement d’une coopération plus étroite avec des acteurs régionaux comme la Turquie ou le Qatar.
Par exemple, le Maroc pourrait jouer de son partenariat stratégique avec les États-Unis pour maintenir certains privilèges commerciaux, tout en renforçant sa coopération avec des puissances comme la Chine pour les investissements en infrastructures.
La Tunisie, quant à elle, pourrait utiliser son statut de “partenaire privilégié” de l’Union européenne pour renforcer ses exportations vers l’Europe, tout en développant des projets énergétiques financés par des investisseurs asiatiques.
Ce type de diplomatie permettrait aux pays du Maghreb de maximiser les bénéfices de chaque relation bilatérale sans sacrifier leur autonomie.
- Cinquième défi: redéfinir le rôle du Maghreb sur la scène internationale
Finalement, la réélection de Trump pourrait offrir aux pays du Maghreb une occasion unique de réévaluer et de redéfinir leur positionnement international.
Les défis liés au retrait partiel de l’Amérique de la région nécessitent des solutions novatrices pour répondre aux aspirations économiques et sécuritaires des sociétés maghrébines. En adoptant une approche proactive et en privilégiant une diversification stratégique de leurs relations, les pays du Maghreb pourraient non seulement limiter les impacts négatifs d’une politique protectionniste américaine, mais aussi capitaliser sur les nouvelles dynamiques internationales pour renforcer leur souveraineté et accroître leur influence régionale.
Toutefois, cette ouverture vers de nouveaux partenariats implique des risques. Les pays maghrébins devront veiller à ne pas devenir des points de tension géopolitique entre les grandes puissances, notamment si la compétition entre l’Occident et des acteurs comme la Chine ou la Russie s’intensifie.
La stabilité économique et politique des pays maghrébins pourrait être mise à l’épreuve si cette concurrence entraîne des conditions d’alliance strictes ou des pressions pour prendre parti dans des conflits internationaux.
IN FINE
En somme, les perspectives pour le Maghreb dans un contexte de réélection de Trump oscillent entre des opportunités stratégiques et des défis complexes.
La capacité des pays maghrébins à saisir ces opportunités dépendra de leur aptitude à diversifier leurs partenariats, à renforcer leurs alliances régionales, et à adopter une diplomatie pragmatique et flexible.
En tirant parti de cette situation, les pays du Maghreb pourraient renforcer leur autonomie stratégique, réduire leur dépendance vis-à-vis des puissances occidentales, et s’affirmer en tant qu’acteurs indépendants et influents sur la scène internationale.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)