Le 17 mars 2023, la Cour pénale internationale (CPI) a émis un mandat d’arrêt contre le président russe, Vladimir Poutine, pour « crime de guerre et déportation illégale d’enfants ukrainiens. » On se rappelle alors les louanges qui pleuvaient sur la CPI à partir de Washington. Biden et ses collaborateurs et les membres du Congrès rivalisaient à qui mieux encense la Cour de Lahaye. Pourtant, les milliers d’enfants ukrainiens dont il était question n’étaient ni kidnappés ni déportés par Poutine. Orphelins pour la plupart, ils étaient transférés en Russie dans le but de les protéger des affres de la guerre.
Le 21 novembre 2024, la même CPI a émis un mandat d’arrêt contre le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, et son ex-ministre de la défense, Yoav Gallant pour « crimes de guerre et crimes contre l’humanité » dans la bande de Gaza.
Passons sur les réactions en Israël où le président de ce pays a estimé que le 21 novembre 2024 est « une journée noire pour la justice et pour l’humanité ». Passons aussi sur la réaction du génocidaire Netanyahu qui affirme être « victime d’un nouveau procès Dreyfus par une Cour antisémite ». Aussi absurdes que soient ces réactions, elles n’étonnent personne venant de responsables enragés d’un pays paria, honni par la quasi-totalité de l’humanité.
Ce qui est tragi-comique, c’est le changement radical de ton de Washington où les insultes proférées contre la CPI après l’accusation de Netanyahu ont remplacé les louanges qui avaient suivi l’accusation de Poutine.
Joe Biden a déversé son fiel sur la Cour en jugeant « scandaleux » les mandats d’arrêt émis contre ses amis sionistes. Son conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, est lui « profondément préoccupé par l’empressement du procureur à réclamer des mandats d’arrêt et par les erreurs troublantes dans le processus qui a mené à cette décision. »
La chose prend des proportions ubuesques quand des membres du Congrès s’en prennent non seulement à la Cour qui a émis les mandats d’arrêt, mais aussi à la France, la Grande Bretagne, la Hollande, le Canada et autres pays qui avaient affirmé leur prédisposition à appliquer la décision de la Cour en arrêtant Netanyahu et Galant si jamais ils se retrouvent sur leurs territoires.
Les sénateurs Tom Cotton et Lindsay Graham sont devenus littéralement hystériques. Le premier a menacé… d’envahir la Hollande si elle ose appliquer la décision de la Cour basée dans sa capitale La Haye. Quant au second, il s’est déchainé contre les pays européens et même le Canada, le voisin du Nord, les menaçant de « sanctions et de destruction de leurs économies », rien de moins…
Aussi grotesques que puissent être ces réactions, elles n’étonnent nullement, venant d’individus qui siègent dans une institution qui s’est permis 58 standing ovations le jour où le criminel de guerre Netanyahu donna son discours démagogique et mensonger au Congrès.
La rage et l’hystérie avec laquelle les politiciens américains ont réagi à la décision de la CPI contre deux génocidaires israéliens s’expliquent par deux raisons.
La première a trait à l’obséquiosité avec laquelle l’écrasante majorité des politiciens américains rampent devant le Lobby qui tient les leviers de leurs succès ou de la destruction de leurs carrières. C’est ainsi que l’on assiste souvent à cette piteuse et pathétique surenchère à Washington à qui mieux défend Israël et pourfend ses ennemis.
La seconde raison est le choc avec lequel ils ont fait le constat de cette décision inédite de la CPI, consistant à émettre pour la première fois de son existence un mandat d’arrêt contre un allié de l’Occident. En effet, jusqu’à ce 21 novembre, toutes les décisions de la CPI visaient des personnalités politiques que l’Occident déteste ou abhorre.
Dans son édition du 22 novembre, le journal Le Monde qualifie la décision de la Cour de « tournant historique ». Car « pour la première fois depuis la création de la CPI, en 1998, des responsables politiques sont inculpés contre la volonté de leurs alliés occidentaux. »
Il y a peu de chances que les deux génocidaires israéliens réclamés par la CPI soient arrêtés. Ils n’ont d’autre choix que de limiter leurs déplacements seulement vers les Etats-Unis, ou vers la Hongrie. Et ce, s’ils répondaient à l’invitation-provocation que leur a adressée l’inimitable et idiosyncratique Viktor Orban.