L’accélération de la migration des compétences tunisiennes est perçue comme un pillage post-colonial, nuisant au développement économique du pays. Ce qui pourrait avoir des effets psychologiques négatifs. C’est ce qu’a souligné dans un post fb Elyes Kasri, ancien ambassadeur et analyste politique.
Ci-dessous le post complet d’Elyes Kasri
« S’il est vrai que l’accélération de la vague migratoire des compétences tunisiennes prend l’apparence d’un pillage post-colonial qui risque de porter un sérieux préjudice au développement et à toute relance économique, l’idée de taxer a posteriori ces compétences, outre son attrait populiste, comporte des aspects allant du saugrenu à l’impraticable.
Outre l’impact psychologique très probablement négatif chez ces compétences expatriées et l’incitation supplémentaire à l’obtention de la nationalité du pays hôte et la renonciation à la nationalité tunisienne, il serait désolant de devoir procéder à l’arrestation de ces compétences à leur arrivée en Tunisie pour défaut de paiement de leur supposée dette envers la Tunisie.
Cette mesure saugrenue, si elle devait être adoptée, ne ferait que priver définitivement la Tunisie de ces compétences expatriées après les avoir forcées à l’exil à force de tracasseries bureaucratiques et de politiques qui ont nivelé le marché de l’emploi par le bas.
De nombreux pays qui ont souffert de l’exode de leurs talents et compétences ont adopté des formules plus intelligentes et attractives, notamment l’
Inde qui a fait du retour de ses compétences “
Brain Gain” un axe de sa politique nationale.
Au lieu de culpabiliser et de menacer de sanctions financières les compétences expatriées, la Tunisie serait mieux inspirée de leur offrir des conditions de travail honorables psychologiquement et matériellement. Si le secteur public a atteint un niveau de saturation et n’est pas en mesure de recruter ces compétences dont il a pourtant grandement besoin, notamment dans les domaines de la médecine et de l’ingénierie, la Tunisie pourrait en revanche créer des zones franches médicales et des parcs technologiques off shore pour non seulement créer des emplois rémunérateurs à ses compétences, mais également pour lancer des locomotives d’innovation, de gestion et de positionnement de la Tunisie comme site d’investissement moderne, loin des tracasseries et rigidités bureaucratiques et syndicales.
La Tunisie a de nombreux atouts pour devenir le centre de soins médicaux et d’innovation technologique de l’Europe à condition d’une vision à long terme et d’une bonne dose d’audace et d’innovation loin de tout populisme politique et fiscal.
l est heureux que les auteurs de l’idée saugrenue et inopportune de taxer les compétences tunisiennes expatriées à l’etranger se soient ravisés tant cette idée empeste le populisme de mauvais aloi et de surcroit contradictoire car elle tend à culpabiliser et pénaliser les compétences expatriées sous prétexte qu’elles ne contribuent pas au développement national alors qu’en même temps des avantages extrêmement généreux et que certains considèrent même excessifs sont octroyés dans le cadre de la franchise des droits de douane FCR initialement prévue à l’occasion du retour définitif en Tunisie et qui vient d’être concédée tous les dix ans avec tous les relents d’abus et de petits trafics associés à ce régime qui gagnerait d’ailleurs à être étendu, par souci de justice et d’équité, aux contribuables tunisiens qui sont payés en dinars et dont la majorité est lourdement imposée à la source.
La commission de l’éducation à l’ARP serait mieux inspirée de réfléchir à la création de meilleures conditions de travail et de sédentarisation des compétences tunisiennes car l’exil est un arrachement et un déchirement dont sont victimes ces compétences et leurs parents qui paient un lourd tribut pour les sacrifices encourus pour l’éducation et le succès universitaire de leurs enfants.
A cet effet, alors que le pays souffre du ralentissement démographique pour de nombreuses raisons notamment économiques, les parents qui réussissent à faire de leurs enfants des médecins et des ingénieurs devraient être encouragées et dûment récompensés notamment par un abattement fiscal sur l’IRPP pour chaque fille ou fils ayant terminé avec succès des études en médecine ou en ingénierie.
Seule une politique de motivation et d’émulation est en mesure de sédentariser les compétences et d’encourager les parents à mieux s’investir pour reproduire ce vivier de compétences si vital pour toute relance de l’économie nationale car la principale richesse de la Tunisie a toujours été la qualité et l’ingéniosité de ses femmes et hommes. «
In fine, taxer les expatriés pourrait avoir des effets psychologiques négatifs, incitant à renoncer à leur nationalité tunisienne. Plutôt que de les culpabiliser, la Tunisie devrait créer des conditions de travail attractives, comme des zones franches médicales et des parcs technologiques, pour encourager le retour et stimuler l’innovation. Or avec une vision audacieuse, la Tunisie peut devenir un centre de soins médicaux et d’innovation technologique en Europe.