Les violences à l’égard des femmes, qu’elles soient physiques, verbales, psychologiques, sexuelles ou économiques, demeurent un sujet d’actualité alarmant. Malgré l’adoption de la loi n°58 d’août 2017, qui vise à lutter contre ces violences, la situation sur le terrain reste critique. En ce sens, une campagne internationale de 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes a été lancée le 26 novembre 2024 par l’Union européenne, soulignant ainsi la nécessité d’une action continue.
L’Union européenne réaffirme son engagement à promouvoir l’égalité des sexes et à combattre toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles en rejoignant la Convention d’Istanbul*. Cet instrument est essentiel pour la prévention de la violence, sa lutte et la protection des victimes.
La Tunisie a réalisé des avancées significatives en renforçant son cadre législatif pour combattre la violence basée sur le genre. Ces efforts sont soutenus par des partenariats solides entre la Tunisie et l’Union européenne, visant à :
Briser le silence : mettre en lumière les crimes de féminicide et encourager le signalement de toutes les formes de violence, que ce soit dans des espaces privés ou publics, en ligne ou hors ligne.
Protection et soutien : s’engager à accompagner les survivantes et défendre leurs droits.
Sensibilisation et prévention : impliquer les hommes pour rompre le cycle de la violence et discuter de ses diverses dimensions.
S’attaquer aux causes profondes : assurer la pleine et égale participation des femmes dans tous les domaines de la vie pour construire des sociétés inclusives et durables.
Continuer à lutter contre les attaques sur l’égalité : soutenir les mécanismes disponibles, les lignes d’assistance et les services offerts aux femmes victimes de violence.
Cependant, il est important de noter que les statistiques révèlent une augmentation des violences depuis la pandémie de Covid-19. Une enquête nationale a montré qu’une femme sur deux en Tunisie se dit victime de violences conjugales, tandis qu’une sur quatre subit des violences dans les transports.
En 2024, la situation des féminicides est préoccupante, avec 16 cas enregistrés depuis le début de l’année, en léger mieux par rapport aux années 2022 (23 cas) et 2023 (25 cas).
Les causes de ces violences sont multiples. La domination masculine, le manque d’éducation et la détérioration économique exacerbent le phénomène. De plus, la pauvreté et le chômage aggravent également la situation. Un climat social conservateur contribue à un niveau de violence sans précédent contre les femmes, tandis qu’une politique laxiste favorise l’impunité.
Les féminicides ont des conséquences graves sur les enfants qui se retrouvent sans soutien familial après ces tragédies.
Au Maghreb, la situation est similaire : en Algérie, une femme est assassinée chaque semaine; au Maroc, au moins 50 féminicides ont été recensés en 2023, c’est-à-dire près d’un féminicide par semaine.
À l’échelle mondiale, environ 89 000 femmes et filles ont été assassinées en 2022, un chiffre alarmant représentant le plus haut niveau depuis 20 ans. La plupart de ces meurtres sont commis par des membres de la famille ou des partenaires. Les causes sous-jacentes incluent des inégalités structurelles et des normes culturelles nuisibles.
Pour améliorer cette situation préoccupante, les organisations de défense des droits des femmes demandent aux autorités d’augmenter le nombre de centres d’hébergement et de mettre en place des lois plus strictes. La sensibilisation et le changement des mentalités sont essentiels pour mettre fin à cette réalité.
Situation plus difficile pour les malvoyantes et malentendantes
Un aspect souvent négligé concerne les femmes malvoyantes et malentendantes qui sont particulièrement vulnérables. En effet, celles-ci courent deux fois plus de risque d’être victimes de violences. Non seulement elles rencontrent des difficultés d’accès aux centres d’hébergement, mais ces derniers sont souvent inadaptés à leurs besoins spécifiques.
Cette situation souligne l’importance du projet national intitulé « Pour que l’invisible soit visible », qui vise à améliorer les services disponibles pour les femmes ayant des handicaps sensoriels et visuels. Ce projet cherche à identifier les obstacles rencontrés par ces femmes dans leur vie quotidienne et au sein des différentes institutions.
Soukeina Bouraoui, directrice exécutive du Centre de la femme arabe pour la formation et la recherche (CAWTAR), a mené une étude qualitative incluant des entretiens semi-directifs et des groupes de discussion afin de recueillir des données sur leurs expériences.
Les résultats ont révélé que les femmes malvoyantes et malentendantes souffrent d’une discrimination sociale accrue et d’une exclusion systématique.
Lire aussi: L’invisible en danger : réveillons-nous pour les femmes malvoyantes et malentendantes victimes de violence
Soukeina Bouraoui a également insisté sur le fait que bien que la société civile fasse tout ce qu’elle peut, elle ne peut pas remplacer les structures nécessaires pour protéger ces femmes. Pour améliorer leur situation, elle a proposé plusieurs recommandations :
Sensibilisation accrue : informer le public sur la situation des femmes porteuses de handicap.
Amélioration des infrastructures : adapter les lieux d’accueil pour garantir leur accessibilité.
Formation du personnel : former les travailleurs sociaux et le personnel des centres pour mieux comprendre et répondre aux besoins spécifiques de ces femmes.
Coopération locale : encourager le travail collaboratif entre différentes parties prenantes, y compris les ministères et les associations.
Elle a également mentionné l’application gratuite « Safeness », destinée aux femmes victimes de violences, mais qui n’est pas largement utilisée.
Elle appelle à une meilleure sensibilisation, plus de visibilité et à un soutien accru pour cette population vulnérable.
Et voici son message fort: « nous avons tous une responsabilité. Chacun d’entre nous doit agir et s’engager. Chaque citoyen et chaque citoyenne devraient prendre soin d’au moins une personne vulnérable ».
En somme, ensemble, unissons nos forces, car chaque geste compte dans cette lutte pour l’inclusion et la dignité. Il est temps de faire entendre toutes les voix et d’agir pour bâtir une société où chacun et chacune se sent soutenu(e) et valorisé(e). Et comme on dit, pour que l’invisible devienne visible.
—————–
A propos de la Convention d’Istanbul
La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) est un traité international du Conseil de l’Europe, amenant les États signataires à s’entendre pour l’élimination de toutes les formes de violence envers les femmes, et les mesures législatives de protection y compris contre la violence conjugale et familiale – signé à Istanbul (Turquie) en mai 2011.
Il s’agit du premier instrument juridiquement contraignant au niveau pan-européen, offrant un cadre juridique complet pour la prévention de la violence, la protection des victimes et la fin de l’impunité des auteurs de violences.
(D’après Wikipédia)