Nul besoin d’attendre la confirmation de l’AFP pour savoir que sans l’approbation et, peut-être, la participation de la Turquie, les terroristes d’Annusra n’auraient pas été en mesure de lancer leur offensive contre Alep et occuper en l’espace de quelques heures la capitale économique de la Syrie. Une « performance » qui rappelle celle de Daech à Mossoul en Irak en 2014.
En effet, citant des sources de l’opposition syrienne, l’Agence de presse française a affirmé que « la Turquie a donné son feu vert à l’offensive ».
La question qui se pose et s’impose est : pourquoi Erdogan a-t-il pris le risque d’allumer un autre foyer de tension dans la région? Alors que celui du Liban n’est pas encore éteint et que le génocide de Gaza n’est pas près de s’arrêter.
Il faut dire que cela fait des mois que le président turc a exprimé le désir de rencontrer le président syrien « à Damas ou à n’importe quel autre endroit ». Bachar al Asad a ignoré ces invitations de la Turquie répétées au dialogue.
La raison officielle de Damas expliquant ce refus est que « si le président turc n’est prêt ni à retirer ses troupes du nord de la Syrie ni à mettre fin à son soutien aux terroristes islamistes, une rencontre des deux présidents dans ces conditions n’aura aucun sens. »
La position de Damas est logique face à la position d’Ankara qui veut le beurre et l’argent du beurre. En effet, comment ne pas comprendre le refus de Bachar al Asad de s’assoir avec Recep Erdogan qui occupe une partie de son territoire et soutient depuis 2011 des hordes terroristes pour le renverser? Et maintenant, comme si de rien n’était, il veut discuter des deux seuls problèmes qui le tourmentent : la question de l’autonomie des Kurdes dans les zones frontalières syro-turques, et celle des millions de réfugiés syriens, de moins en moins tolérés par le public turc.
Offensé et dépité par le refus de son invitation, Erdogan a choisi ce moment de haute tension mondiale pour mettre de l’huile sur le feu dans une région fortement incendiée déjà depuis plus d’un an par l’entité génocidaire sioniste.
Nous avons suivi les éclats de colère d’Erdogan contre Netanyahu et sa décision de rompre les relations diplomatiques avec Israël. Un joli coup de relations publiques qui fait apparaitre le président turc comme le défenseur de la veuve et de l’orphelin palestiniens et le pourfendeur des génocidaires israéliens.
Outre le fait que cette décision est intervenue un an après le déclenchement de la guerre génocidaire contre les Palestiniens, elle n’a affecté en rien les fondements des relations israélo-turques. En d’autres termes, rupture diplomatique ou pas, le commerce entre Ankara et Tel-Aviv est toujours florissant. Et le détroit du Bosphore est toujours grandement ouvert au passage des pétroliers en direction d’Israël.
Mais voilà qu’Erdogan vient de gratifier Israël d’un autre avantage décisif. En effet, en donnant le feu vert aux hordes terroristes d’Annusra de se lancer à l’assaut d’Alep, le président turc a fait d’une pierre trois coups : accroitre les difficultés du régime syrien qu’Israël bombarde impunément quasi-quotidiennement; mettre la pression sur le Hezbollah qui se retrouve déchiré entre la résistance à l’ennemi du Sud et le devoir de secourir l’ami de l’Est; mettre en difficulté l’Iran, le plus grand ennemi d’Israël, en barrant la route par laquelle passe l’aide militaire et logistique à ses deux principaux alliés de la région. De très beaux cadeaux turcs qui, à coup sûr remplissent d’aise la meute génocidaire de Tel-Aviv.
Sur le terrain, l’aviation syrienne et russe bombarde les positions terroristes à Alep. Seulement, la ville ne peut être libérée par des bombardements de l’aviation, mais par une offensive sur le terrain. A elle seule, l’armée syrienne, qui s’est étonnamment retirée sans combat face à l’offensive terroriste, ne peut pas repousser Annusra et ses mercenaires étrangers par ses propres moyens.
Dès lors, la question qui se pose est la suivante : est-ce que la Russie, confrontée à sa guerre en Ukraine, volera au secours du régime syrien pour le sauver comme ce fut le cas en 2015? La même question se pose quant à la capacité de l’Iran à pouvoir aider son allié et de faire parvenir à Damas l’armement et les combattants iraniens?
Moscou et Téhéran ne peuvent pas ne pas être convaincus de l’importance stratégique de la Syrie et de la nécessité de ne pas la laisser tomber entre les mains des terroristes à la solde de la Turquie, d’Israël et des Etats-Unis. Car, entre les guerres d’Ukraine, de Gaza, du Liban et de Syrie, le lien commun est évident. Il oppose les défenseurs d’un monde unipolaire injuste dominé par l’empire américain et ses vassaux européens, à un monde multipolaire juste pour la défense duquel se trouvent en première ligne la Russie, la Chine et l’Iran.