Dans un contexte où les tensions géopolitiques, les divergences monétaires et les dynamiques inflationnistes dominent tant les économies avancées qu’émergentes, le marché des changes demeure en proie à une volatilité soutenue.
Les mouvements des paires de devises, notamment l’EUR/USD, sont désormais fortement influencés par l’actualité macroéconomique et les signaux en provenance des zones de conflit.
L’EUR/USD : entre pression et perspectives
La paire EUR/USD subit actuellement une pression baissière significative, en grande partie en raison des tensions croissantes en Ukraine et des perspectives économiques peu engageantes en zone euro.
Les investisseurs redoutent des indices PMI en demi-teinte, renforçant ainsi leurs craintes d’un ralentissement économique majeur. Cette situation est exacerbée par la hausse des prix du gaz naturel, conséquence directe des escalades de violence en Ukraine. Ce qui pèse encore plus sur l’euro.
Par ailleurs, la Banque centrale européenne (BCE) se trouve divisée sur la façon de répondre aux mesures tarifaires proposées par l’administration américaine. Cette incertitude interne complique la stabilisation de l’euro. Alors que la politique monétaire restrictive de la Réserve fédérale américaine accentue l’écart avec la BCE. Consolidant ainsi l’attractivité du dollar et limitant le potentiel de rebond de l’EUR/USD, qui oscille désormais entre 1,05 et 1,06.
Le dollar : un sanctuaire en temps de crise
Le dollar américain, porté par des taux d’intérêt élevés et des perspectives monétaires favorables, continue d’attirer les investisseurs.
La perspective d’une réduction des taux par la Fed en décembre semble s’éloigner. Ce qui maintient les rendements des actifs libellés en USD très compétitifs.
L’incertitude politique aux États-Unis, notamment avec le retour de Donald Trump, renforce la demande pour le dollar comme valeur refuge, surtout dans un climat de volatilité mondiale accrue.
Devises émergentes : une vigilance nécessaire
En ce qui concerne les devises émergentes, la situation est tout aussi délicate. En Turquie, la Banque centrale maintient ses taux à 50 %. Mais des signaux laissent envisager un éventuel assouplissement en décembre.
Cependant, la livre turque reste vulnérable face à la volatilité; même si des opportunités de carry trade lui apportent un certain soutien.
En Afrique du Sud, le rand est sous pression, influencé par des incertitudes tant locales qu’internationales, rendant les décisions de la Banque centrale cruciales pour sa stabilité future.
Répercussions sur la Tunisie : entre défis et opportunités
La volatilité des taux de change a des implications directes pour la Tunisie.
La dépréciation du dinar tunisien, alimentée par la force du dollar et de l’euro, pourrait aggraver les coûts des importations, notamment pour les biens essentiels comme les carburants et les denrées alimentaires. Bien qu’une monnaie plus faible puisse théoriquement favoriser les exportations, la forte dépendance du pays aux importations atténue ces effets; tout en alimentant les pressions inflationnistes.
La hausse des prix liée à cette dépréciation pourrait également réduire le pouvoir d’achat des ménages. Mais aussi exacerber les tensions sociales et rendre plus complexe la gestion économique du pays.
Face à cela, la Banque centrale de Tunisie pourrait être contrainte d’augmenter ses taux d’intérêt. Alourdissant ainsi le coût du crédit pour les entreprises et les particuliers.
La question de la sécurité alimentaire et énergétique devient décisive, avec des hausses des prix internationaux qui pèsent sur les finances de l’État.
Une réponse proactive pourrait résider dans la diversification des partenaires commerciaux et le renforcement de la production locale, permettant ainsi de mieux résister aux fluctuations monétaires.
Enfin, l’impact sur le secteur touristique pourrait être double. Si l’instabilité géopolitique en Europe incite certains touristes à rechercher de nouvelles destinations, la Tunisie pourrait en bénéficier, à condition de maintenir une stabilité interne.
Cependant, un euro affaibli pourrait également réduire le pouvoir d’achat des visiteurs européens, affectant les recettes du secteur.
En définitive, les défis qui se posent à la Tunisie, en raison des tensions sur le marché des changes et des facteurs économiques et géopolitiques, nécessitent une approche proactive.
Des ajustements des politiques monétaires, une diversification économique accrue et des réformes structurelles sont indispensables pour atténuer les effets de cette volatilité.
Les décideurs tunisiens doivent naviguer habilement dans cet environnement international complexe afin de préserver la stabilité économique et sociale, tout en anticipant les répercussions des chocs externes.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)