« Les secteurs financiers de plusieurs pays émergents et en développement sont confrontés à une exposition importante et croissante à la dette publique ». Ainsi alerte la Banque mondiale dans la première édition du rapport « Finance et prospérité 2024 ».
Afin de répondre à leurs besoins de financement et face au durcissement des conditions financières internationales, les gouvernements se tournent de plus en plus vers le système bancaire domestique. La dette publique accumulée par les banques pourrait réduire leur capacité à prêter aux ménages et aux entreprises, pénalisant ainsi la croissance économique.
Bien que les normes règlementaires de liquidité poussent les banques à détenir davantage de titres, souverains qui sont à la fois liquides et sans risque, ces mêmes normes n’imposent aucune limite à ce type d’exposition.
Cette exposition des banques à la dette publique dans un environnement caractérisé par un stress budgétaire n’est pas sans risque.
Tout d’abord, une nouvelle montée des conflits géopolitiques pourrait provoquer une hausse des prix alimentaires et de l’énergie qui risquerait d’aggraver les difficultés des pays.
Ensuite, dans un environnement marqué par une croissance anémique et un investissement en berne, une croissance des crédits à l’Etat central finira par évincer l’investissement privé. Cela risquerait de freiner l’activité économique et de réduire les recettes fiscales.
Enfin, les banques publiques constituent 16 % des actifs du système bancaire dans les pays en développement; alors que leur présence dans les pays à revenu élevé ne dépasse pas les 9 %. De ce fait, les autorités sont amenées à absorber les pertes financières en cas de difficultés.
Le rapport nous rappelle donc que le secteur bancaire tunisien est doublement exposé au risque souverain : financement du déficit et créances sur les entreprises publiques. Face au tarissement des sources de financement extérieur et avec les contraintes qui pèsent sur le bouclage du budget, les autorités tunisiennes ont privilégié le chemin du financement domestique via le secteur bancaire. Certes, l’effet d’éviction n’a pas encore dévoilé son vrai visage, compte tenu de l’attentisme qui pèse sur le climat des affaires et de ses répercussions négatives sur la demande d’investissement. Mais la prudence est de mise, car dans un contexte de forte exposition du secteur bancaire au risque souverain, une reprise pourrait être rapidement étouffée par l’effet d’éviction.
Par Noura Harboub-Labidi
Cet article est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n° 908 du 4 au 18 décembre 2024.