L’Arabie saoudite a officiellement été désignée mercredi 11 décembre comme pays hôte de la Coupe du monde 2034. Une décision qui suscite de vives controverses en raison du bilan du richissime royaume en matière de droits de l’Homme et de préoccupations liées aux abus envers les travailleurs migrants.
Les Saoudiens ont promis «la plus grande Coupe du monde de l’histoire» et un «spectacle grandiose et jamais vu». Leurs vœux les plus chers viennent d’être exaucés, mercredi 11 décembre, puisque, à l’instar de l’édition 2022 au Qatar, la Fifa leur a officiellement confié l’organisation de la Coupe du monde 2034. Et ce, à la suite du renoncement de l’Australie, de l’Indonésie et de la Chine.
Toutefois, la décision prise par l’instance internationale sise à Zurich et présidée par l’Italien Gianni Infantino, interpelle déjà les ONG qui ne cachent pas leurs appréhensions quant au non-respect des droits de l’Homme dans le royaume, notamment la liberté d’expression et le traitement des minorités et des travailleurs étrangers ainsi que le coût environnemental de la compétition.
Soft investment
En effet, lors d’un congrès virtuel, la Fifa a entériné le choix de l’Arabie saoudite – une puissance régionale qui cherche à s’imposer sur l’échiquier du sport mondial et qui a déjà organisé de prestigieuses manifestations sportives, du Grand Prix de Formule 1 aux futurs JO de l’esport en 2025 en passant par les Jeux asiatiques d’hiver 2029 – pour accueillir ce rendez-vous planétaire. Sachant que sous l’égide du prince héritier, Mohammed Ben Salman, le dirigeant de facto de la riche pétromonarchie, Riyad investit massivement dans le sport, la culture, le divertissement, les infrastructures et d’autres secteurs dans le cadre de sa stratégie « Vision 2030 » afin de diversifier son économie et préparer le terrain à une ère post-pétrolière.
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Un investissement, ajoutent les mauvaises langues, destiné également à projeter une image favorable du royaume ultraconservateur afin de détourner l’attention des abus commis sur le plan politique et social.
Démesure
Mais le royaume, qui ne dispose pour l’heure que de 4 anciens stades d’au moins 40 000 places qui vont être complètement rénovés, a décidé de voir les choses en grand avec la création de 10 stades futuristes et 185 000 chambres d’hôtel.
Ainsi, le « Neom Stadium », un stade intégré à la ville futuriste « The Line » et perché à 350 m du sol, devrait pouvoir accueillir 45 000 spectateurs. Ou encore le Roshn Stadium de Riyad imaginé pour briller la nuit et représenter un cristal géant et qui se veut innovant en termes d’ombrage, de ventilation et d’acoustique. Sans oublier le nouveau stade national, le King Salman International Stadium, qui sera le plus grand, avec 92 000 places.
Mais, l’organisation d’une Coupe du monde présente des défis logistiques considérables : dans le cas de l’Arabie saoudite, le climat extrême, avec des températures pouvant atteindre 50 degrés, impose des contraintes sur le calendrier sportif. Ainsi, la possibilité de tenir la compétition en hiver pourrait être envisagée. Cependant, cette option hivernale risque de perturber les calendriers des championnats nationaux et coïncider avec le ramadan, période sensible pour de nombreux pays participants.
Inquiétudes
Toutefois, comme ce fut le cas pour le Qatar, la désignation de l’Arabie saoudite comme pays hôte suscite de nombreuses réactions et de vives inquiétudes, notamment concernant les droits humains. Notamment les 21 000 travailleurs immigrés népalais, bangladais et indiens qui seraient morts depuis le lancement du programme de transformation économique « Vision 2030 », en 2016.
Or ce sont encore des travailleurs immigrés, essentiellement originaires de ces mêmes pays, qui seront mobilisés pour la construction des futures infrastructures sportives.
Déjà en novembre dernier, Human Rights Watch a appelé la Fifa à rejeter la candidature saoudienne, dénonçant l’absence d’engagement clair du royaume à protéger les travailleurs migrants impliqués dans la construction des infrastructures massives pour le tournoi. L’organisation a également évoqué une « quasi-certitude » de violations généralisées des droits humains, rappelant à cet égard la mort d’au moins 400 travailleurs migrants dans le cadre de projets liés à la Coupe du monde 2022 au Qatar.
Pour sa part, Amnesty international a dénoncé « l’absence d’engagement du royaume en matière de réformes sociales, le système de parrainage kafala, l’absence de salaire minimum pour les travailleurs migrants, et les restrictions sur la liberté d’expression », ajoutant que « ces conditions créent un climat de discrimination et d’exploitation, rappelant les critiques sévères formulées lors du Mondial 2022 au Qatar ».
« On a beaucoup alerté la Fifa en disant que cette candidature était une véritable imposture », a dénoncé Anne Savinel-Barras, présidente d’Amnesty International France.
« L’Arabie saoudite étouffe la dissidence, broie le droit des femmes et des minorités, on le sait. Les supporteurs pourraient être victimes de discrimination, des résidents seront expulsés de force, des travailleurs migrants seront exploités », a-t-elle conclu.