La Stratégie nationale de gestion circulaire globale et sectorielle des déchets 2035-2050 en Tunisie a été présentée à des journalistes maghrébins (tunisiens, algériens et marocains). Et ce, lors d’un atelier régional organisé récemment à Tunis par le Réseau « Afrique 21 », en partenariat avec le ministère de l’Environnement et du Développement durable, le Programme d’appui aux médias tunisiens (PAMT2) avec l’appui financier de l’Union européenne (UE), l’ambassade de Suisse à Tunis et l’agence allemande de coopération internationale, GIZ.
Présentée par l’éco-conseillère, juriste et membre du Forum national de l’adaptation aux changements climatiques en Tunisie (FNACC), Sondes Fnaiech, dans le cadre d’une intervention sur le « Paysage tunisien de l’économie circulaire », cette stratégie qui repose sur l’économie circulaire, comme passage indispensable pour faire face au changement climatique, comporte trois volets sectoriels : la gestion des plastiques, le compostage à partir des déchets ménagers et assimilés et le recyclage des gravats et des déchets de démolition.
Les trois objectifs
Pour le plastique, trois objectifs principaux ont été définis. Il s’agit de limiter la consommation et la production d’objets en plastique, de permettre une économie circulaire de la production plastique en vue de protéger l’environnement et la santé humaine et d’assurer une gestion et un recyclage écologiquement rationnels des déchets en plastique.
En effet, les plastiques non biodégradables sont une grande source de pollution de l’environnement ayant des impacts à moyen et long termes sur la santé humaine, le sol et le milieu marin. En Tunisie, 4,2 milliards de sacs en plastiques sont utilisés par an.
Selon un rapport de la Banque mondiale (BM), le pays génère 2,8 millions de tonnes de déchets ménagers par an, dont 9,4 % sont des déchets plastiques.
La filière de la plasturgie en Tunisie est composée d’au moins 283 entreprises, dont 79 d’entre elles sont totalement exportatrices. La quantité annuelle des déchets plastiques mal gérée est estimée à 55,5 milles tonne par an, selon le même rapport de la BM.
Toujours d’après la BM, la pollution plastique est une menace importante pour l’économie bleue de la Tunisie. L’économie tunisienne subit une perte liée à la pollution par le plastique estimée entre 170 et 561 millions de dollars par an, selon le rapport sur « la stratégie littoral sans plastique et plan d’action opérationnel Tunisie 2035 ».
En dépit des initiatives règlementaires (décret du 16 janvier 2020) et gouvernementales, dont le projet Eco-Lef, premier système de gestion des déchets d’emballages mis en place par un pays africain visant à réduire la pollution, et malgré la présence d’entreprises qui traitent des milliers de tonnes de déchets par an, le secteur du recyclage en Tunisie souffre encore d’un manque d’organisation et de l’absence d’un cadre réglementaire clair. C’est ce qu’ont relevé les intervenants au débat dans le cadre de l’atelier régional sur « L’économie circulaire et les changements climatiques au Maghreb ».
La plupart des initiatives se heurtent à des obstacles tels que la concurrence déloyale de l’informel et le manque d’incitations pour les entreprises respectant les normes. Résultat : la majorité des déchets plastiques finissent dans des décharges ou dans le milieu naturel, aggravant la crise environnementale.
Réduire la mise en décharge et limiter l’impact environnemental
En outre, Sondes Fnaiech précise que, généralement le système public national de gestion des déchets a pour ambition de réduire la mise en décharge et limiter l’impact environnemental des déchets; sans pour autant se doter d’une stratégie de sensibilisation efficace du large public, mettant en garde contre les sérieux risques de voir les initiatives ne pas atteindre leur plein potentiel.
« L’éducation et la sensibilisation sont ainsi essentielles pour promouvoir un comportement de consommation responsable et éclairé », estime la responsable. Ainsi, elle reconnaît que les barrières réglementaires ainsi que la bureaucratie constituent un frein qui fait obstacle au vrai décollage de l’économie circulaire en Tunisie.
ODD n°12
Intervenant à distance sur le l’Objectif de développement durable n°12 et les négociations sur le plastique, Chantal Line Carpentier, chef du service Commerce, environnement, changement climatique et développement durable, Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a rappelé que cet objectif vise à garantir des modes de consommation et de production durables. Ce qui est essentiel pour préserver les moyens de subsistance pour les générations actuelles et futures.
En effet, la CNUCED affirme que si la population mondiale atteint 9,8 milliards d’habitants en 2050, l’équivalent de près de trois planètes sera nécessaire pour fournir les ressources naturelles essentielles au maintien des modes de vie actuels.
D’où la nécessité, selon l’experte onusienne, de réduire la production à la source des produits en plastique. Une tâche ardue à entreprendre pour une industrie rémunératrice. En 2021, 369 millions de tonnes de plastiques ont été échangées pour une valeur de 1,2 trillions. Soit en hausse de 30% depuis 2020.
Elle a souligné, à cet effet, que la CNUCED plaide en faveur de l’identification d’une série d’alternatives ou de substituts biodégradables (à base de plantes, fibres, coton, algues…) au plastique (matières et produits) ou encore pour la circularité et le recyclage. Car le plastique se déplace via le commerce, mais les déchets restent par manque de capacité de recyclage.
56 milliards de tonnes de plastique dans le monde
Si la tendance actuelle de la production mondiale de plastique se poursuit, les émissions de GES dues à la production de plastique entre 2015 et 2050 s’élèveront à plus de 56 milliards de tonnes. Ce qui équivaut à 10 à 13 % des émissions mondiales.
Cependant, une transition vers un modèle d’économie circulaire du plastique considérant des approches comme l’éco-conception, la réduction, la réutilisation, le recyclage tout le long du cycle de vie du produit, peut largement contribuer à la réduction des émissions de GES dans l’environnement, à l’amélioration de la gestion des ressources et à stimuler également l’innovation et la création de nouveaux emplois directs et indirects.
Le Réseau des journalistes africains spécialisés sur le développement durable et le changement climatique est un programme de l’association « Africa 21« , lancé en 2019. Il compte aujourd’hui plus de 850 journalistes de la presse écrite, de la radio et de la télévision dans 43 pays africains.
Avec TAP