Ce n’est pas qu’il faut s’alarmer, mais le constat est sans appel : la société tunisienne est une société vieillissante. C’est du moins ce que nous dit l’Institut national de la statistique. La directrice du développement des systèmes d’information audit Institut nous explique que le phénomène a commencé il y a des années au niveau mondial, avant d’atteindre ces dernières années la Tunisie, où le pourcentage de Tunisiens de plus de 60 ans atteint désormais 15,2%.
Il ne faut pas s’alarmer, certes, mais il faut s’en inquiéter tout de même. C’est bien qu’une société mûrisse, faut-il aussi qu’au bout, la branche bourgeonne. Or, tout laisse à croire que l’arbre peine à se régénérer. Selon les chiffres officiels, les Tunisiens sont de moins en moins féconds et le nombre de naissances se réduit comme peau de chagrin. Il passe, nous dit-on, de 220 000 en 2015 à 135 000 en 2024. Et comme il faut bien ajouter au nombre tous
ceux qui optent pour les départs sous d’autres cieux, on se rend compte que la Tunisie se dépeuple et ce, précisément au moment où les enjeux de démocratisation populiste sont réputés l’emporter dans le paysage tunisien et où le
peuple, débarrassé de ses vieux démons, commence à le vouloir. Il n’empêche, ce dépeuplement pose, bien entendu, des questions sur le sentiment d’appartenance à cette nouvelle aventure d’une Nation vieille de trois mille ans.
Mais bon, on peut toujours se consoler en se référant à la sagesse populaire qui admet que les meilleurs plats se préparent dans les vieilles marmites. Bien entendu, tout dépend de ce que l’on met dans la marmite. Cela peut être du riz ou de la « chorba », des carottes ou des bâtons, des pilons de poulet ou du faux-filet d’âne. En
fait, tout dépend de la pénurie et des cordons de la bourse. Or, on sait tous que la pénurie est devenue chronique et que la bourse est vide, qu’elle ne déborde pas.
Il en est de la cuisine comme de l’économie à la tunisienne, considérée comme l’art de touiller la marmite avec ce que l’on a sous la main. Et, que le peuple veuille ou pas, les vieilles recettes ont résolument la peau dure. La loi de finances 2025 vient de nous rappeler, s’il en faut, que les ténors de la fiscalité bien arrosée ont repris les
choses en main tout en affichant leur intention de se fondre dans le moule du populisme ambiant. Cela peut laisser dubitatif, mais il est avéré que dans la cuisine interne, on garde les mêmes recettes pour changer de menu. Le résul-
tat n’est pas brillant et la gastronomie laisse à désirer. Mais bon, il faut faire avec. Il suffit, pour cela, de mettre le couvercle sur la marmite pour continuer à donner l’illusion que le repas sera copieux. Il faut dire qu’une autre recette avait été tentée dans l’intervalle, durant la décennie dite noire, recette qui s’est avérée tellement immangeable que le chef avait été renvoyé.
C’est de l’histoire ancienne et ce serait bête de leur chercher la petite bête. Les vieux de la vieille, 15.2% de la population tout de même, savent très bien qu’il n’est pas très judicieux de canarder son voisin lorsque sa maison est
en verre. Le constat se fait parallèlement à la dégringolade économique qui pose de moins en moins de problème de conscience. La dérive économique était prévisible, mais elle a manifestement pris des proportions alarmantes et ne
laisse pas beaucoup de place aux états d’âme
Ce mot de la fin est disponible dans le magazine de l’Économiste Maghrébin N°909