L’année 2025 sera marquée par des transformations majeures dans l’économie mondiale, notamment la montée du protectionnisme, les incertitudes géopolitiques et les défis de la résilience économique.
Ces évolutions globales auront des répercussions significatives sur les économies en développement, y compris la Tunisie.
Alors que le pays cherche à renforcer sa position dans les chaînes de valeur régionales et mondiales, il devra naviguer entre risques et opportunités, face, notamment :
A un protectionnisme mondial : un défi pour le commerce extérieur tunisien
Avec le retour de politiques protectionnistes, notamment aux États-Unis sous l’administration Trump, les chaînes d’approvisionnement internationales risquent de se fragmenter. La Tunisie, dont l’économie est étroitement liée à l’Union européenne, pourrait être affectée de plusieurs manières dont principalement :
- Par la concurrence accrue en Europe : Les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine pourraient pousser cette dernière à intensifier ses exportations vers l’Europe, le principal partenaire commercial de la Tunisie. Cela augmenterait la concurrence dans des secteurs clés comme le textile et l’électronique, impactant la compétitivité des produits tunisiens.
- Par les Coûts d’importation élevés : Les perturbations des chaînes d’approvisionnement pourraient faire grimper les coûts des intrants importés pour les entreprises tunisiennes, limitant leur rentabilité et leur capacité à innover.
Aux incertitudes géopolitiques et leurs répercussions sur l’énergie
Les tensions géopolitiques, en particulier au Proche-Orient, ajoutent un facteur d’instabilité majeur pour les marchés de l’énergie. En tant que pays importateur net d’hydrocarbures, la Tunisie pourrait subir des conséquences importantes, dont notamment :
- La facture énergétique alourdie : une hausse des prix du pétrole et du gaz entraînerait une augmentation des dépenses en importations énergétiques, aggravant le déficit commercial et budgétaire.
- L’impact sur les ménages : une hausse des coûts de l’énergie se traduirait par une inflation accrue, réduisant le pouvoir d’achat et alimentant les tensions sociales.
- Une résilience économique mondiale : des opportunités à saisir
Malgré ces défis, les prévisions de croissance mondiale pour 2025, estimées à 3 % par l’OCDE, offrent des perspectives positives pour la Tunisie. Plusieurs dynamiques pourraient jouer en faveur du pays, dont notamment :
- La reprise des IDE : une stabilisation économique dans les pays développés pourrait stimuler les investissements directs étrangers en Tunisie, notamment dans les secteurs technologiques et des énergies renouvelables.
- La stabilisation des coûts des intrants : la désinflation mondiale prévue pourrait réduire les coûts des importations, renforçant ainsi la compétitivité des industries exportatrices tunisiennes.
Une stratégie nationale sur le fil du rasoir
Dans un monde plus marqué par des tensions croissantes entre les grands blocs économiques, la Tunisie devrait tirer parti de sa position stratégique en Méditerranée, via :
- Un renforcement des partenariats avec l’Europe : face à une Union européenne soucieuse de sécuriser ses chaînes d’approvisionnement, la Tunisie peut se positionner comme un partenaire clé grâce à sa proximité géographique et ses accords commerciaux existants.
- Des investissements dans les énergies renouvelables : la transition énergétique doit devenir une priorité nationale pour réduire la dépendance aux importations d’hydrocarbures et atténuer l’impact des fluctuations des prix mondiaux.
L’année 2025 représente un tournant pour une Tunisie qui fait preuve de résilience face aux défis mondiaux tout en capitalisant sur les opportunités offertes par une économie mondiale en mutation. Une stratégie fondée sur l’innovation, la diversification économique et la coopération régionale sera cruciale pour assurer une croissance durable et renforcer l’intégration de la Tunisie dans les chaînes de valeur mondiales.
Si les incertitudes prédominent, elles ouvrent également des perspectives pour repositionner le pays sur la scène économique internationale.
Pour autant, la marge de manœuvre est étroite, les Pressions sur les finances publiques et bancaires se font plus vives. Les indicateurs monétaires et financiers publiés par la BCT au 31 décembre 2024 font état d’un bilan mitigé.
Le solde du compte courant du trésor s’est réduit de manière significative, atteignant 684,7 MDT contre 882,2 MDT la veille, et enregistrant une baisse annuelle de près de 46 %. Cette diminution reflète des tensions budgétaires exacerbées par des dépenses publiques
Du côté bancaire, la vente du compte courant ordinaire a plongé à 218,7 MDT, marquant une contraction de 77,6 % sur l’année.
Cette situation met en lumière les difficultés des banques à maintenir des niveaux de liquidité adéquats, amplifiant leur dépendance à la Banque Centrale de Tunisie (BCT).
Le volume global de refinancement a atteint 13 104,3 MDT, en hausse de 1 126 MDT par rapport à la veille, soulignant l’importance des interventions de la BCT pour soutenir le système financier.
Le service de la dette extérieure cumulée reste préoccupante : elle s’élève à 13 704,6 MDT, enregistrant une hausse annuelle de 13,4 %. Bien que les avoirs nets en devises de la BCT aient progressé à 27 071,8 MDT (soit 121 jours d’importation), cette hausse reste fragile face à l’augmentation des obligations de remboursement et à la fréquence des taux de change.
Parallèlement, les encours des Bons du Trésor assimilables ont augmenté de 24 %, atteignant 20 174,8 MDT. Cette dépendance croissante à l’endettement met en exergue la nécessité de diversifier les sources de financement public pour atténuer les risques liés aux fluctuations des
Cependant, l’embellie semble se confirmer suite à une reprise partielle des secteurs productifs grâce :
- A une rationalisation des finances publiques
La détérioration du solde du Trésor et des liquidités bancaires souligne l’urgence d’une réforme fiscale profonde. Une meilleure collecte des recettes, associée à une rationalisation des dépenses publiques, serait essentielle pour réduire encore plus le déficit et freiner la consommation publique.
- A un renforcement de la résilience économique
L’amélioration des recettes touristiques et des transferts des travailleurs expatriés devrait être consolidée par des politiques incitatives visant à diversifier les exportations et à attirer davantage d’investissements étrangers.
- A une gestion proactive de la dette
Face à un service de la dette extérieure croissant, la Tunisie devrait explorer des mécanismes de rééchelonnement, tout en progressivement sa dépendance aux emprunts externes.
- A une stabilité monétaire et contrôle de l’inflation
Le maintien des réserves de change à un niveau encore plus confortable et une politique monétaire prudente sont indispensables pour stabiliser le dinar et éviter les poussées inflationnistes externes. Une attention très particulière devrait être accordée à l’amélioration de l’accès au crédit pour les entreprises.
En définitive, la Tunisie est entrée en 2025 avec des défis considérables, mais également des opportunités à saisir. La mise en œuvre de réformes structurelles rapides, combinée à une stratégie de gestion proactive de la dette et à une relance des secteurs productifs, pourrait contrecarrer et inverser les tendances actuelles.
Une gouvernance économique rigoureuse et une mobilisation des acteurs publics et privés seront essentielles pour inscrire le pays sur une trajectoire de croissance inclusive et durable.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)